Au tour de Lewis-Parker, hommage à Agatha Christie

Au tour de Lewis-Parker, hommage à Agatha Christie
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La triste fin de Dorothy Lewis-Parker.

La triste fin de Dorothy Lewis-Parker.


De tous ceux qui poussèrent des cris ce 4 mai, c’est certainement Élisabeth Brington qui méritait une coupe.

Qui aurait put croire que ce petit corps d’un mètre cinquante quatre pouvait avoir autant de coffre ?


Amanda Wilington, qui était en cours de préparation d’un bouquet de « Caryophyllacées Silénées », ou plus simplement d’œillets, dans son jardin d’hiver pour honorer la table du salon ou elle attendait le pasteur Crunch, entendit le cri, selon elle,

- « comme si cette pauvre Élisabeth se trouvait sur ses talons ».


Lorsque l’inspecteur Borger recueillit le témoignage « à chaud » d’Élisabeth Brington, ce fut arrosé de larmes, et saccadé de spasmes faciaux, où il lisait l’horreur et une incontestable terreur, une peur panique.

Chaque mot était bien pesé et réfléchit.


Dorothy Lewis-Parker était encore allongée à l’endroit pile où, regardant une horrible araignée au dessus des doubles rideaux, Élisabeth Brington, la gouvernante, spécialement attachée au service unique de la maitresse de maison, madame Lewis-Parker, avait trébuché sur son corps sans vie.


Dorothy Lewis-veuve-Parker, reposait sur le dos.

Elle était élégamment vêtue d’un déshabillé de soie ramené par Roddy Parker, son époux décédé il y avait environs un an à la date des faits, après une mission diplomatique auprès de l’ambassadeur de Chine.


Dorothy Lewis-Parker avait la gorge tranchée d’une oreille à l’autre, et son visage était crispé dans un étrange sourire macabre qui découvrait toutes ses longues dents impeccablement blanches et ses gencives.

Ses yeux étaient ouverts.

Elle était coiffée avec le soin digne d’une dame de son rang.

Seul son maquillage semblait un peu excessif.

Visiblement, elle préparait un voyage puisque ses malles avaient été sorties et de nombreuses piles de vêtements étaient disposées sur la jetée de lit en soie moirée, décorée de fleurs de glycines, brodées façon caftan.


Sa tête reposait dans une mare de sang noircie qui laissera pour longtemps sa marque sur le parquet de chêne de sa chambre à coucher.


Borger, qui assistait à la seconde audition d’Élisabeth Brington, devenait impatient, et, régulièrement, il sortait sa montre à gousset, et regardait la place ou il avait déposé sa canne, son pardessus et son melon.


Il refermait son gousset dans un « Clac » qu’il espérait final, comme si celui-ci avait eut le pouvoir de mettre le monde sur pause.

S’il avait cette attitude, ça n’était pas parce qu’Élisabeth Brington se répétait sans cesse, ni ne sortait de sa première déclaration, mais parce qu’il devait se rendre à la gare pour accueillir son invité.


En effet, comme par hasard, deux jours avant le drame, il avait reçu un télégramme de son ami de Londres, le célèbre Ulysse Navay, qui acceptait, enfin, l’invitation cent fois renouvelée, de venir passer un moment dans le cottage de Lingburg, qu’il avait annoncé à tous comme l’héritage de parents, et où il avait, grâce à Navay et quelques ami de Scotland Yard, réussit à se faire nommer inspecteur honoraire.


- Je vous retiens monsieur l’inspecteur ? Demanda la gouvernante gênée.


Bien qu’au centre de l’événement, Élisabeth Brington n’en oubliait pas pour autant sa position dans la maison, et s’en serait voulu d’occuper plus de temps qu’on ne le permet à une simple employée de maison comme elle.


- Non pas du tout, repris L’inspecteur d’un ton sec qui le surpris lui-même.

- Si vous êtes attendu, je m’en voudrai de vous retarder.

- La mission de notre dévouée police avant tout madame !

- Ulysse Navay ! Criait l’inspecteur. Comment ai-je put douter que vous ne trouviez votre chemin tout seul ? Il se levait les bras tendus.

- Parce que c’est vrai. Il m’a fallut demander mon chemin. Tout seul, je n’aurais pas trouvé.

- Cher ami ! quel plaisir de vous revoir enfin !


L’inspecteur Grunner, attaché à la petite ville de Lingburg, regardait le nouveau venu avec curiosité.

Très jeune homme, blond et rayonnant de santé, Grunner se devait de participer à l’enquête, et accompagnait l’inspecteur Borger chaque fois qu’il en était besoin.

C’était un jeune homme d’une trentaine d’année, facilement impressionnable, mais avec une réputation de fier lutteur.

Il était avant centre dans l’équipe de rugby de Lingburg.

L’inspecteur Grunner était parent par l’arrière petit neveu par le cousin germain du coté de sa mère, de William Webb Ellis, qui, en novembre 1823, lors d’un match de football à la « Rugby school », s’empara de la balle avec sa main, donnant naissance à un nouveau jeu. Il faudra toutefois attendre vingt ans pour voir naitre la première école de rugby (Guy’s Hospital) et le 9 juillet 1846, la première règle écrite.

Grunner ne rechignait non plus à un combat de pugilat, selon les règles de Broughton ou celles de Queensberry sans aucun problème.

On dit, dans les salons de Lingburg, que son ancêtre était le majordome du duc d’Albermarle de 1672 à 1689…

Malgré son nez brisé, il avait de bonnes oreilles et une bonne mémoire.


- Ulysse Navay ! s’exclama-t-il, Vous êtes le célèbre détective.

- Oui, tout à fait, répondit Ulysse, flatté une fois de plus que sa légende ait précédé son corps.


La légende d’Ulysse Navay était toute à l’opposée de ce que l’on pouvait penser voir.

Là où l’on parlait d’un grand détective, Ulysse était petit.

Quand on s’engageait à décrire la noblesse de ses clients célèbres, on voyait arriver Ulysse Navay avec son attitude de palefrenier ou de lad.

Lorsqu’on parlait de sa grande intelligence, on trouvait un homme dont la tête paraissait plus petite que d’ordinaire sur n’importe quel individu du genre humain, comme si le chiffre d’or ne s’appliquait pas à sa personne.


Ulysse Navay portait à ses petites mains, à droite une valise et à gauche sa canne et son chapeau. La canne était tenue entre le pouce, l’annulaire et l’auriculaire, et son chapeau était coincé entre son index et son majeur comme une cigarette.

A le voir, on aurait put croire qu’il venait de descendre de son train arrêté sur le quai du salon.

Il attendait.


Élisabeth Brington se leva pour débarrasser le visiteur en le gratifiant de l’air qu’il sied à une bonne servante, puis se rasseyait à sa place en reprenant son masque de tristesse.


- Mon cher Ulysse, je crois que vous n’avez pas fait la route pour rien, et qu’une fois de plus, vos talents vont être mis à contribution, dit Borger.

Voici mon cher ami, un crime mystérieux comme vous les aimez.


Il s’efforça de raconter à Ulysse Navay, la triste aventure qui se déroulait dans le château des Parker que l’on connait ici comme la terre des Heartby.

Son récit était rehaussé par les gémissements d’Élisabeth Brington et ses « Oh madame » épleurés.


- Voila donc ce qui c’est passé cher Ulysse, mais asseyez vous je vous en prie. A dix neuf heures quinze, selon madame Brington ici présente (Élisabeth baisait la tête), Madame Brington se rendit dans les appartements de la victime pour lui annoncer qu’elle pouvait se préparer pour le diner. Comme à son habitude, madame Brington qui dirige la maison depuis… (Borger regarda ses notes gribouillées sur un petit calepin noir)… Ah ! Trente deux ans, c’est bien cela madame ?

- Oui monsieur.

- Élisabeth Brington rebaissait les yeux.

- Bien, donc, madame Brington, ici présente, frappa à la porte de la victime qui ne répondit pas, puis elle retourna à la cuisine prévenir que madame n’était pas disposée. A dix neuf heures trente, elle retourna frapper à la porte, toujours pas de réponse. Elle continua donc son ballet de quart d’heures en quart d’heures jusqu'à vingt et une heures quinze, où, inquiète, elle s’aventura à ouvrir la porte de l’appartement de la victime qui se compose de trois pièces, une chambre, un salon de cartomancie, un boudoir et une salle de bain à l’eau chaude et courante.

- Un salon de cartomancie ? Releva Navay.

- Oui, répondit madame Brington, Madame s’adonne parfois à des élans mystiques.

- Élans mystiques ?...

Navay touchait le bout de son nez qu’il avait petit, du bout de l’index de sa main droite qui n’était pas très grande elle non plus, puis il regarda Borger les yeux en bouche de tirelire.

Celui-ci reprenait :

- Lorsqu’elle parcouru la chambre des yeux, elle vit qu’il n’y avait visiblement personne, mais, toujours selon la déclaration de la présente, son regard fut attiré par une araignée qui semblait chercher à se dissimuler derrière les doubles rideaux. Décidée à régler son compte à l’insecte intrus, Élisabeth Brington saisit son tablier, et, tout en fixant la bête pour lui interdite toute échappatoire, elle s’avança la tête en l’air prête à abattre l’étoffe vengeresse sur la bête, quand, selon elle, le mur passa au plafond et elle s’écrasa contre le plancher où elle perdit connaissance sous le choc. A son retour de conscience, elle sentit quelque chose posée sous sa main droite et s’en saisit par automatisme.

C’était un rasoir pour homme que l’on nomme coupe choux n’est ce pas ?

Ulysse acquiesçait.

- En se relevant, elle vit qu’elle était tombée car elle avait butté sur un pied de Dorothy Lewis-Parker qui était, et qui est toujours, vous pourrez l’observer par vous-même, masqué par un pan du couvre lit, mais qui dépasse suffisamment pour constituer un obstacle, allongée sur le dos avec la gorge tranchée.

- Excellent rapport inspecteur Borger, et bien sur vous êtes innocente madame Brington ?

- Oh monsieur, comment aurais-je put ? heu…

- Comment auriez vous put quoi ?

- Tu…Tu…Comment j’aurais put tu…Tu… Assa…Assa… Oh madame !

- Je vois. Le médecin est il encore dans les murs ? Demanda Navay.

- Oui, il est dans la chambre. Si vous voulez bien me suivre mon cher Ulysse, nous pouvons nous y rendre à l’instant.

- Je n’osais vous le demander cher ami.

- Et bien allons y.


La chambre de Dorothy Lewis-Parker était au second étage du château au fond d’où long couloir rythmé, tout les quatre vingt centimètres, des nombreux portraits en huiles sur toile des ancêtres de l’illustre famille qui avait fait du pays depuis les Plantagenets, ce qu’il était aujourd’hui.

C'est-à-dire Chœur de Paume dit Pépin, qui fut, en 1110, convoyeur depuis l’Espagne, et gardien de l’étalon arabe de Henry I.

Luc Par Chœur, qui fut le gouteur de plats de Henry II,

Fidèle Par le Cœur, Testeur de la température du bain Richard I dit cœur de lion,

Jean Par Chœur, serviteur et responsable du pot du matin de Jean sans terre,

Jacques par le Chœur, 1er valet de Henry III,

John Parle Cœur, qui n’avait son pareil pour graisser l’armure Édouard I,

Robert Pale-cor, tresseur de la queue du cheval royal d’Édouard II,

Henry Palecor, responsable de l’entretien de la selle d’Édouard III,

Romuald Pearker, cireur des sabots de la monture royale de Richard II.


Puis pour la maison des Lancaster,

Scott Pearker, qui fut le gratteur d’écu d’Henry IV,

John Pearker, comte de Park, allumeur de buchers pour le compte de Henry VI,

Angel Pearker, chef des archers d’Henry V,


Pour la maison de York,

Devon Parker, Comte de Park et de Folkink, homme de main d’Édouard IV,

Dimitry-Ed Parker, coursier royal des missives secrètes d’Édouard V,

Menachem-Fréderic Parker, usurier occulte de Richard III,

Suzon-Läänus Parker, chef du protocole de la chambre du roi Henry VII,

Philip Jacques Parker, fidèle et maitre d’arme privé d’Henry VIII,

Jean Daniel Par-Cœur, le célèbre espion au service d’Édouard VI,

Susan Silinger-Parker, première dame de compagnie de Marie I Tudor,

Dorothy Lundyning-Parker, coiffeuse d’Élisabeth I,

Cotentin Grouillon de Parker, confident de Jacques I, qui fut aussi Jacques VI d’Écosse,

Frelongin De-vil Lundyning-Parker, Chef de vaisseau de Jacques II, qui fut aussi Jacques VII d’Écosse,

Paix-Dofil Parker, Évêque confesseur de Marie II et de Guillaume III d’Orange,

Puis son fils, Fragile Parker, qui fut Architecte royal de la reine Anne,

Romuald Parker, Maitre des parquets et rideaux du château royal sous Georges I,

Robert Parker, qui fut historien personnel de Georges II,

Robert. J. Parker, le célèbre colonel qui servit de traducteur lors des déplacements de Georges III,

Docile Parker, qui fut ministre plénipotentiaire sous Georges IV,

Donatien Parker, cartographe et ethnologue sous Guillaume IV,

Quentin Parker, qui eut un fils puis se fit eunuque pour accéder au poste de gardien de la chambre de la reine Alexandrine Victoire de Hanovre, la reine Victoria I,

Sobre Parker, le célèbre sociologue et ethnographe sous le règne d’Édouard VII,

Charles Parker, qui fut le conseiller pour les colonies de Georges V,

Et enfin, le colonel Roddy Parker, qui fut le conseiller matrimonial d’Édouard VIII, puis porteur des couches royales pour la jeune futur reine Élisabeth II et ambassadeur dès 1926.

Ainsi se déroule la mémoire de cette famille dans ce couloir sans fin.

En haut des escaliers somptueux, deux armures portant lances et écussons, montaient la garde.

« Bien inutiles vigiles » pensa Navay.


L’appartement qu’occupait la victime s’ouvrait sur un boudoir de style victorien où étaient installées ça et là, de grandes chaises ainsi qu’une bergère.

Contre les murs, de grands miroirs aux cadres dorés projetaient l’image du narcissique en plusieurs centaines d’exemplaires qui disparaissaient dans les profondeurs optiques des perspectives étamées.

Sur les cotés, quelques placards muraux aux portes bien décorées de bas reliefs indiens rapportés par Roddy Parker à l’époque où celui-ci était administrateur du Pendjab, ensuite, la chambre s’ouvrait, masquée par d’épais rideaux pour office de porte.

Derrière, on semblait avoir changé de pays et n’en être dans aucun à la fois.

Sur le lit, les fleurs brodées semblaient être la seule chose que l’on pouvait voir d’origine dans cette partie de la vieille Angleterre.

Tout le reste venait, qui d’Asie, qui d’Afrique ou d’Australie, d’Amérique du sud ou de Nouvelle-Zélande, d’ici où de là.

On voyait un grand Bouddha aux paupières lourdes et au ventre aérophage, des lingams indiens ordonnés autour d’un Ganesh en jade, une très belle collection de sarbacanes amazoniennes, divers boomerangs, des poignards maures, des arcs amérindiens et des sabres japonais.

Les murs étaient décorés de panneaux de bois noirs, vernis et décorés de poissons, ou de jeunes femmes élégantes aux poses suggestives, bien que décemment vêtues. Sur l’une d’elle, cependant, on pouvait deviner la pointe d’un genou entre les plis de son kimono.


Le plafond était tendu d’un tissu brodé de fils d’or et d’argent, qui donnait l’impression d’être dans une tente. Les pans retombaient contre les murs et s’ouvraient à la place des fenêtres que voilaient les fameux doubles rideaux où, l’araignée, heureuse rescapée de l’ambiance morbide qui flottait dans l’endroit, scrutait les nouveaux arrivants de ses yeux aux multiples facettes.

Déjà, deux mouches de la mort avaient trouvé un accès jusqu'à la gisante.

L’odeur de la mort remplissait la pièce ou s’affairaient un photographe qui envoyait ses explosions fumantes dans l’air.

Le médecin et son assistant effectuaient tous les relevés nécessaires à l’interprétation du crime et un jeune policier notait tout et posait des numéros au sol.


- Les techniques nouvelles ! Parjura Navay. Rien ne vaut le neurone, tout est là dedans, le reste n’est que procédé mécanique. Seule la tête compte. La tête mon cher Borger !


Le jeune policier regardait Navay avec, dans le regard, des mots que par décence, je ne saurais noter ici.

Peut être y a-t-il des dames au bout de la ligne.


- Voici donc l’arme du crime ! Dit Navay en attrapant le rasoir avec ses doigts pleins d’empreintes. Que voici un instrument diablement efficace ! Vous savez, mon cher Borger, j’ai depuis peu opté pour le rasoir mécanique, un appareil formidable que l’on remonte avec une clé comme une montre. N’allez pas croire que je veuille tourner le dos à Sheffield et à l’héritage artisanal de votre bon Richard 1er, mais il est vrai que cet appareil prototype, cédé par un ami inventeur, bien qu’un peu lourd, est beaucoup moins dangereux. Dans quelques très rares exceptions, la modernité a du bon, savez vous ?

- Avez-vous fait exprès d’effacer les empreintes de l’arme du crime cher ami ?

- Mais bien sûr ? Que croyez-vous ? Je vais vous dire une chose. Les seules empreintes que vous auriez pût trouver sur cet objet, et comme tous les autres correspondant au crime, sont celles de Dorothy Lewis-Parker et d’Élisabeth Brington. Économisez votre poudre de perlimpinpin jeune homme, vous pourriez en avoir besoin pour calmer vos irritations.

- Mais pour qui vous prenez vous pour parler de la sorte à un fonctionnaire de la couronne ? S’indignait le jeune policier.

- Je suis Ulysse Navay mon garçon, le grand détective ! Et apprenez jeune négligeant que le troisième bouton de votre uniforme est défait.


Rougissant et penaud de son manque de tenue et de tact, le policier baissait les yeux.

Ulysse savourait sa victoire, le troisième bouton n’était pas défait.


Navay leva les yeux au dessus des doubles rideaux et aperçu l’araignée.


- Oh ! Une meta-menardi, s’écriât-il tout heureux d’avoir put reconnaitre l’espèce de l’arachnide. Voyons un peu le salon de cartomancie, dit-il ensuite.

- Vous n’auscultez pas le corps ?

- Non, pour l’instant, cela n’a aucune importance, ça ne fera pas revenir la vie dans ce corps froid, et nous avons un quadrupède pour cela, dit Ulysse à voix basse


Borger se retournait et observait le jeune policier à quatre pattes qui regardait dans une loupe, ne laissant comme seul spectacle, que la rondeur de ses fesses musclées.

Il ne put s’empêcher de pouffer.

- Voyons, dit Navay, oh, que c’est intéressant… La lune, le soleil, le cavalier et la mort… Oh, et ça… dites moi donc que je vois bien ce que je vois…Oh… Comme tout cela est intéressant. Qui a allumé les chandelles ?

- C’est moi monsieur dit le jeune policier. Il faisait si sombre.

- Les avez-vous remplacées ou rallumées ?

- Rallumées monsieur.

- Bien, bien… Comme tout ceci est instructif bien qu’intéressant.

- Qu’en pensez vous Ulysse ? demanda Borger.

- J’en pense pour moi cher ami, à vous d’en tirer vos conclusions. Ah ! quelle grande joie je ressens à l’instant… Retournons dans la chambre voulez vous ?

Navay se mettait à quatre pattes.

- Cher beau mignon, voudriez vous me prêtez votre loupe si je vous le demandais ?

- Bien sûr monsieur Navay.

- Bien, et bien prêtez moi votre loupe je vous prie.

- Tenez monsieur.

- Merci jeune homme.

- Voila que vous aussi vous vous mettez dans cette position disgracieuse mon ami ? s’amusait Borger.

- Oui, parce que je sais.

- Que savez-vous donc de plus ?

- L’important cher ami voyez-vous, ce n’est pas de chercher, mais bien de trouver ce que l’on cherche.

- Et l’avez-vous trouvé ?

- Oui et non.

Navay se relevait.

- Oui tout à fait, j’ai trouvé. Voyons cette brave Élisabeth Parker.

Navay parcourait le visage de la victime avec la loupe aussi grosse que sa tête.

- Hum, dit-il.


Une des deux mouches de la mort chercha le duel contre lui. Sans plus d’attention, Navay l’attrapa dans sa main gauche et la mit dans sa poche.

- Bravo Ulysse ! belle prise ! Vous auriez fait un bon archer, quels reflexes !

- Tout est si prévisible cher ami… Bien, nous en avons fini pour aujourd’hui. Et si nous allions diner, j’ai si faim.

- Mon dieu, moi qui vous entraine dans mes aventures alors que vous sortez à peine du train, je suis un hôte de bien mauvaise éducation, est-ce que vous me le pardonnerez ?

- Un kirsch et un pudding fera votre amende mon cher.











The Borger Lines

The Borger Lines

Les grandes lignes de Borger.


Décoré comme le pavillon de chasse d’un tireur émérite, la salle de séjour de l’inspecteur John Borger donnait l’impression d’être observé sans pudeur par une douzaine de bêtes des bois fichées dans leurs cadres.

De nombreux oiseaux étaient naturalisés et accrochés aux murs, laissant voir la grandeur de leurs ailes, ou la multitude de leurs couleurs.

Les yeux fixes et brillants, les animaux éternellement figés dans une ultime pause, renvoyaient la lueur des flammes de la cheminée en solides pierres de Cornouaille, qui réchauffaient les billes de verres, et donnaient aux pauvres bêtes un air vivant.

Dans cette partie de l’Angleterre à la terre riche et aux herbes bien vertes, ce mois de mai avait tout juste un avant gout de printemps et un arrière gout d’automne.

Quelques végétaux frileux n’avaient pas encore osé sortir leurs feuilles, et la marée montante trainait toujours dans son sillage un voile d’humidité qui faisait fit des murs et des volets tirés, et qui, disait-on, éteignait les cheminées mal allumées.


Ulysse observait son ami qui épluchait sa pomme avec ses couverts, comme doit savoir faire toute personne d’éducation normale.

Le repas s’était déroulé dans un silence de monastère, que ne rompait que le son des cuillères qui raclaient la délicieuse soupe de potimarron à la crème fraiche.


- Que pensez vous de tout cela ? demanda Navay, une fois qu’il leur fut servit les digestifs.

- Mon cher Ulysse. Je crois que tout accable Élisabeth Brington. C’est la seule employée de la maison à vivre proche de feu Élisabeth Lewis-Parker, et la seule à entrer dans ses appartements privés. Il n’y a pas eut de visites au château ce jour là, il n’y a qu’elle qui ait put agir tranquillement.

- Certes mais un assassin aurait put entrer discrètement, l’assassin ne frappe pas pour demander la permission de pénétrer sur le lieu de son forfait.

- Certes, l’individu aurait put trouver une autre issue mais laquelle ?

- Oui, incontestablement, le meurtrier était dans la pièce que celle ou se trouvait la victime, sinon il ne l’aurait pas tué.

- Bien vu Ulysse. Il faut tout de même reconnaitre que tout accable madame Brington. Même sa façon de pleurer, et ses « oh madame… ! » c’est tellement cliché ! Sincèrement, je ne la trouve pas crédible dans le rôle de la pauvre victime d’une conspiration.

- Pourquoi aurait-elle tué sa maitresse selon vous ?

- L’argent, pourquoi pas, c’est un excellent mobile.

- L’argent en effet est un mobile itératif. A-t-on trouvé de l’argent dans l’appartement ?

- Non justement. Nous avons découvert une cassette, mais elle était vide, ainsi que la boite à bijoux de la victime.

- Voila une chose intéressante.

- Selon les témoignages de tous les autres employés du château, Élisabeth Brington est la seule personne qui se rend jusqu'à l’appartement de la victime. Vous avez vu le long couloir, il est impossible de passer par une autre issue.

- Oui, et dites moi, pourquoi donc feu Dorothy Lewis-Parker vivait ainsi recluse.

- Elle ne supportait pas les employés de maison, c’était un démon domestique, les employés disent qu’elle était méchante.

- Et ?

- Et si elle voyait quelqu’un d’autre qu’Élisabeth dans le couloir qui mène à l’appartement, on dit qu’elle entrait dans des colères folles. Certains disent qu’elle avait une cellule à la cave, dans laquelle elle faisait enfermer les employés qui lui désobéissaient.

- Vous croyez ça ?

- Non, nous avons vérifié, mais les langues de vipères sont à la fête. Encore un goutte de sherry Ulysse ?

- Oui merci.

- Que pensez-vous de tout cela Mary ? Dit Borger un ton plus fort. Sortez de derrière la porte je vous prie, vous savez que j’ai horreur des espions.

- Je venais juste voir si ces messieurs désiraient autre chose ou si je pouvais me retirer.

- Vous pouvez rentrer chez vous, je moucherais les chandelles moi-même.

- Bien messieurs, bonsoir, dit la jeune femme avec une pincette de révérence.

Les deux amis laissèrent le silence planer jusqu'à entendre la porte d’entrée se refermer.


- Alors comme ça Dorothy Lewis-Parker était victime de calomnies, dit Ulysse en allumant un cigare que lui présentait son ami après qu’il l’ait convenablement préparé pour lui.

- Calomnies, le mot est un peu fort cher ami, mais certes, il est vrai qu’elle était souvent au centre de la cible si les gens avaient envie de tirer quelques flèches. Une belle femme de quarante cinq ans, veuve d’un diplomate richissime de soixante dix neuf ans, décédé d’une chute dans le grand escalier du château, ayant tous les pouvoirs que lui a légué son mari, trois amants, dit-on… Des dons supposés pour la clairvoyance…

- Qui ne lui ont pas servi à grand-chose.

- Certes. Une fortune évaluée à six cent milles livres, une villa sur la Côte-d’Azur française, et à son service unique, onze employés. Il parait difficile d’envisager que les gens aient eu pitié d’elle.

- Comme je vous comprends, la société change vite, avant, elle aurait été le centre de tout les soins, aujourd’hui… bientôt, demain…

- Et oui…

- Oui.


Un silence s’installa comme une vieille dame dans un rocking-chair.


- Selon vous, Ulysse, Élisabeth Brington serait une tête de turc ?

- Je pense en effet, que celui ou celle qui a « fait le coup », pardonnez moi l’expression, savait ce qui allait en retourner, et madame Brington à été sacrifiée comme un vairon pour pécher le brochet.

- Vous souhaitez démonter son innocence ?

- Ou sa culpabilité, je ne tiens pas forcement à rester sur une position qui serait fausse. Je suis Ulysse Navay cher ami, je ne puis laisser les choses en l’état.

Borger avait les yeux et les lèvres qui affichaient un scepticisme non dissimulé. Seuls les animaux au mur restaient apparemment confiants en Navay.

Ulysse crut voir un sourire sur la bouche d’un daim.


- Et comment souhaitez vous procéder ?

- Je vais tout d’abord interroger tous les employés du château et puis j’irais certainement me promener dans le village pour me faire une idée plus claire de la victime. Croyez-moi cher ami, dans deux ou trois jours, je saurais vous dire de mémoire tous les petits potins qui occupent ces dames. Toutes ne doivent pas dire que des faussetés n’est ce pas ?

- Certes, je n’en doute pas une seconde. Cependant, permettez moi de vous déconseiller la vieille Carole Greta-Walking, c’est une bien mauvaise femme, elle demeure juste à coté du château et est méchante comme une française.

- Oh ! Borger !

- Pardonnez moi Ulysse, j’oubliais, vous êtes presque cousins…

- Moins que vous ne le pensez très cher. Allons dormir si cela ne vous ennuie pas, je suis encore sous le coup du voyage, et je dois reposer mon cerveau unique pour vous devancer demain.

- Je ne tirerais donc rien de vous ce soir ?

- Non, rien du tout. Pas plus ce soir que demain. Vous connaitrez la solution en même temps que les autres, à moins que vous ne la découvriez par vous-même…

- Pour cela, je ne dois pas me laisser aller à vos élucubration, et encore plus éviter les pièges que vous allez me tendre, je connais vos méthodes Ulysse.

- Aller savoir si les choses n’ont pas changé…

- Bonsoir Ulysse.

- Bonsoir inspecteur honoraire John Borger concurrent dans cette nouvelle partie qui se joue.













La confession de Carole Greta-Walking.


Dès 6 heures du matin, Ulysse Navay se promenait nonchalamment devant une grande demeure couverte de vigne vierge, au portique d’un étage et demi, d’une architecture solide, construite par les maçons expérimentés, et les inimitables tailleurs de pierres de ce pays.

Au premier passage, Navay remarqua les rideaux du premier étage qui frissonnaient.

Un quart d’heure plus tard, après avoir fait une partie du tour de la grande maison en se baissant parfois pour ramasser et observer un caillou, gratter un peu la mousse au sol, observer les déclinaisons du terrain et les quelques presque invisibles rides qui couraient sur le terrain, Navay se dirigeât en direction du château des Parker.

Il en fit le tour, puis se dirigeât vers un autre lieu, guidé par le terrain.

Il fit rapidement demi-tour.

Il se trouva au carrefour d’un axe invisible, mais qu’il devinait, puis s’engageât à nouveau vers la belle demeure aux rideaux frémissants.

La fenêtre s’ouvrit.


- Entrez donc, si vous souhaitez monsieur Navay.

- Oh, bonjour madame, charmante matinée n’est ce pas ? Je ne voudrais pas vous déranger.

- Vous ne me dérangez pas cher monsieur, je me lève tôt et me couche tard, entrez donc je vous prie.

- Vous avez une bien belle maison.

- Merci, c’est notre maison de famille, mais entrez donc vous lavez les mains et brosser votre pantalon, vous prendrez bien un café au lait ?

- Un thé ou un cacao serait préférable.

- Et bien un thé ou un cacao…


La bonne ouvrait la porte de la maison et se tenait sur le seuil, attendant Navay.

Elle le conduisit jusqu’à une bassine émaillée ou il put se laver les mains, puis jusqu’au salon ou était installée Greta-Walking.

La petite bonne était très soignée et avait un visage doux et souriant.


- Victory, très chère, dit madame Greta-Walking, voulez vous bien servir un thé ou un cacao à monsieur Navay, et soyez gentille, portez moi mon petit déjeuner. Il reste du cake d’hier, monsieur Navay, une petite tranche de cake vous ferait plaisir ?

- Merci oui, c’est très aimable.

- Et bien voila. Victory chérie, soyez mignonne de nous servir

- Bien madame.

Un grand sourire égayait le visage aimable de la demoiselle qui s’effaçait.

- Je suppose que vous êtes venu me voir pour me parler de Dorothy ?

- Un peu sans doute, je fais ma petite enquête de respectabilité… Sans vouloir vous paraitre trop direct, puis-je vous demander ce que vous pensiez de madame Lewis-Parker ?

- Soyez direct avec moi Ulysse, je peux vous appeler Ulysse ?

- Je vous en prie.

- Vous savez Ulysse, j’aime les choses claires. Je vais vous dire ce que je pensais de cette femme. C’était une capricieuse petite actrice ratée qui n’a eut pour réussir à sortir de son caniveau, à manger et à voler un titre, qu’à se fourvoyer dans toutes sortes de choses par très claires. Dorothy Lewis était un gourou de pacotille et une menteuse. Voila ce que je pensais d’elle Ulysse.

- Vous avez le mérite d’être franche dans vos déclarations !

- La vérité est toujours préférable.

- Oui c’est ce que je crois comprendre. Depuis combien de temps êtes-vous dans cette maison madame Greta-Walking ?

- J’y suis née Ulysse. Cette maison est notre maison de famille depuis Jean Marche-à-Pied, venu s’installer en premier dans ce village qu’il nomma Longue-Bourgogne en 1075, la cité devint Long-Bourg en 1303 puis Longburg en 1421 et Lingburg en 1588.

Cette maison est la première construite dans le pays, c’est pourquoi elle se trouve sur la plus haute colline.

Les fondations son posées sur la base d’un atelier romain de fondeur de cuivre.

- Il est vrai que vu d’ici, juste par la fenêtre, on ne peut échapper au panorama superbe des terres et du village. Alors, depuis votre chambre à l’étage, vous êtes comme une vigile silencieuse et discrète, rien ne peut vous échapper…

- N’écoutez pas les jacasseries des gens, je ne passe pas mon temps derrière mes rideaux Ulysse.

- Ah bon ?

- Cela vous surprend ?

- Oui, je pensais que toutes les femmes passaient leurs journées derrière leurs rideaux…


La jeune serveuse déposait les plateaux à une table.

Il y avait un service à thé pour Ulysse et une tasse de cacao sur un plateau. Sur un autre, un bol de café au lait et des tartines beurrées.

Elle pria les deux servis de se rendre à table.

Tous deux se levèrent à l’invite.


- Qu’avez-vous vu par votre fenêtre le jour de la mort de Dorothy Lewis-Parker ?

- Pas plus que ça, des allées et des venues, la roue de la vie qui tourne, répondit elle en trempant sa tartine dans son bol.

- Ou qui s’arrête…

- Ou qui s’arrête…

Navay but une gorgée de cacao et avala une bouchée de cake arrosé au scotch. Il reprit :

- Êtes-vous sortie de votre domicile le jour d’hier ?

- Oui, bien entendu, comme d’habitude, j’ai fait ma promenade de seize heures.

- Êtes-vous passée près du château à ce moment ?

- Bien évidement. Voyez, je n’ai pas trop le choix, il est sur le chemin d’en bas.

- Vous n’allez jamais de l’autre coté ?

- Non très peu, c’est le lieu des morts, derrière la maison, il y a le cimetière des familles pionnières.

A mon âge, toutes ces croix, c’est lugubre… Je m’y rends deux fois l’an, c’est bien assez, de plus, il faut bien que je fasse mes petites emplettes…

- Vous employées ne font pas vos achats ?

- Si, bien sûr, mais je ne mets pas mes oreilles dans le panier de la bonne, j’aime savoir ce qui se passe, vous savez Ulysse, j’ai tout de même soixante treize ans, il me faut de l’exercice du corps et de l’exercice de la tête, je ne puis passer ma vie enfermée dans ma maison.

- Vous avez soixante treize ans !

- Oui Ulysse.

- Mon dieu, vous avez un teint de jeune fille ! Laisser moi vous féliciter pour votre beauté et votre allure !

- Merci Ulysse, reprit la vieille dame en un geste gracieux, ses pommettes avaient rosies.

- Dites moi Carole, savez vous qui a tué Dorothy Lewis-Parker ?

- Ça n’est pas moi Ulysse.

- Mais vous savez qui c’est, j’en suis presque sûr…

- Vous le saurez bientôt vous aussi, vous êtes le célèbre Ulysse Navay, le fin limier, l’homme à qui aucun détail n’échappe, et je dois avouer que je suis curieuse de vous voir à l’œuvre.

Navay était certain qu’elle savait.


Ce meurtre était pour elle comme une réjouissance dans sa vie qui paraissait bien tranquille, un peu d’action dans le petit bourg morne et loin de tout.


La cloche de l’église sonna pour sept heures du matin, et Navay proposa de se retirer après avoir terminé et félicité son hôtesse pour la qualité de son cacao.


En moins de cinq minutes, il était de retour au château.


Déjà, dans la grande demeure privée de maitre, la vie avait reprit son rythme normal.

Les soubrettes lustraient, et les jardiniers ratissaient la grande allée pour y effacer les traces de pas et les quelques feuilles tombées dans la nuit.

On ouvrait les volets et les fenêtres, on battait les tapis…


Seules la chambre ou reposait la victime gardait les ouvertures (fenêtres et volets) closes.

Une vieille glycine escaladait la façade pour terminer juste en dessous des fenêtres et des volets clos.

Il était aisé, bien que la hauteur fut importante, de monter dans la nuit, de sauter dans la chambre, d’assassiner la victime, de la dérober, puis de filer par le même chemin en tirant la fenêtre et poussant les volets.

L’occasion rêvée pour qu’une araignée vivant dans la glycine, soit attirée par la lumière, et pénètre dans l’endroit, puis se retrouve enfermée une fois le criminel enfuit du lieu de son impardonnable forfait.

Des ouvertures qui furent si mal refermées, que deux mouches de la mort purent y pénétrer à leur tour.

Au pied du mur, la terre avait été remuée de frais.


Navay héla un jardinier.







La corde et le pendu,

La corde et le pendu,

Le témoignage des jardiniers.


Un vieil homme à l’allure trainarde et sereine de celui qui a calqué sa vie à la vitesse du végétal, se dirigeait vers Navay.

Il ne portait pas de gants et avait de grosses mains calées.

Il portait aussi son uniforme de jardinier, composé d’une grande salopette en lin épais, et de bottes de cuir.

Ses cheveux de poètes, blancs et hirsutes, dépassaient des bords de son chapeau.

Ses yeux étaient bleus.

Arrivé près de Navay, il se découvrait, et laissait apparaitre un sommet de crane bien lisse.

Il tenait son chapeau de paille entre ses deux mains devant lui.

- Bonjour, m’sieur.

- Bonjour vous êtes le jardinier ?

- Oui, Homer Brown, pour vous servir m’sieur.

- Je suis Ulysse Navay, et je souhaiterai si cela ne vous dérange pas, que vous allez me chercher une pelle.

- Une pelle ?

- S’il vous plait.

- Bien m’sieur, heu… pour creuser le sol ?

- Tout à fait.

- Alors une bèche plate fera mieux l’affaire m’sieur.

- Comme vous voulez.

L’homme parti.


Deux minutes plus tard, il était de retour, et en trois mouvements, le jardinier avait creusé là où Navay lui avait indiqué.

Dans l’excavation, ils découvraient, un incrédule, l’autre certain, une paire de chaussures garnie de mousses, une corde et un harnais.


- Regardez moi ça ! Mon cher ami Ulysse Navay ! Vous êtes matinal, en chasse et victorieux !

- Et oui inspecteur, voyez ce que nous venons de découvrir dans la plate bande…

- A quoi donc cela a-t-il bien put servir ?

- Tout ceci me parait évident cher ami, quelqu’un c’est servi de ce matériel pour escalader la façade. La mousse sur les chaussons permet de ne pas blesser la plante, et le harnais et la corde permettent au grimpeur de s’assurer dans son escalade. D’où cela peut il bien venir ?

- Ce sont les outils d’élagage m’sieur, propriété du château m’sieur, repris le jardinier gêné.

- Ah tiens ? Vous voulez dire que ces objets appartiennent au matériel du château ?

- Tout à fait m’sieur, j’en suis même certain pour tout dire m’sieur.

- Ah, ah ! Et où sont-ils rangés d’habitude ? Je suppose que vous n’avez pas coutume d’enterrer tout le matériel de jardinage du château…

- Oh non m’sieur ! Ces outils proviennent du cabanon des élagueurs du parc m’sieur.

- Pourquoi ? Ce n’est pas le même cabanon que pour les jardins ?

- Non m’sieur, le gros matériel est dans un autre cabanon dans le parc.

- Pourrions-nous voir à quoi ressemble ce cabanon du parc ?

- Bien sûr m’sieur, sans délai.

- Vous allez voir Borger, je vous parie une demi-couronne que la porte du cabanon des élagueurs a été forcée, et le matériel dérobé.

Arrivés devant le cabanon, il n’y avait plus qu’a constater.


Une fois de plus Ulysse Navay avait raison.

Le cadenas qui devait tenir la porte de la maison des élagueurs fermée avait été forcé, et il manquait une corde, un harnais, et une paire de chaussures griffées.


- Quand utilisez-vous ce matériel ?

- Quand il faut élaguer m’sieur.

- C'est-à-dire ? Combien de fois par an ?

- Peut être trois fois une semaine m’sieur, sauf si madame ordonne…ordonnait…

- Depuis combien de temps n’êtes vous pas venu au cabanon ?

- Oh !... Bien un mois m’sieur.

- Cela veut dire que celui qui a utilisé le matériel pour grimper jusqu'à la fenêtre a eut plus d’un mois pour préparer tout ce dont il avait besoin, et ce, directement depuis le château…

- C’est possible m’sieur.

- Comment était Dorothy Lewis-Parker ?

- Exigeante mais juste m’sieur.

- Oui bien sûr… Dites moi une autre petite chose, êtes vous déjà entré au château ?

- Non m’sieur.

- Mais vous connaissez la vue qu’on en a depuis dehors par les fenêtres…

- Avant m’sieur, quand j’étais plus jeune et que moi-même j’escaladais la façade pour tailler les grimpants, mais maintenant…

- Et qui fait ça maintenant ?

- Mon fils, le plus grand.

- Combien avez-vous d’enfant monsieur ?

- Heu, trois m’sieur… trois garçons.

- Et je pourrais m’entretenir avec eux je vous prie ?

- Bien sûr m’sieur, je vous les envoie.

- Encore une petite chose…

- Depuis combien de temps êtes-vous au service du château ?

- Depuis vingt et un ans m’sieur.

- Bien, je vous remercie.


Le premier des garçons à arriver fut Clark, le plus grand.


C’était un jeune garçon d’une vingtaine d’année avec les joues rouges et les traits fins.

Ulysse Navay ne put retenir son admiration il émanait de ce jeune homme quelque chose de fort bien qu’indéfinissable.

Clark était un beau jeune homme coiffé comme un étudiant de grande école.

Il se tenait droit et, lorsqu’il retira ses gants, il laissa paraitre des mains parfaites sans cornes ni cicatrices, Clark était sans aucun doute un jeune homme très attaché à son aspect, ses ongles étaient incroyablement roses et propres.

Il paraissait bien de sa personne, musclé comme un joueur de sphairistiké, du grec : jeu avec balle, plus connu sous le nom générique de Tennis, sport qui fut breveté le commandant britannique Walter Clopton Wingfield en 1874, et dont le premier tournoi eut lieu à Wimbledon en 1877.


Clark saluât en souriant découvrant des dents impeccablement banches et alignées.

Sa poigne était ferme et douce à la fois.

- Monsieur Navay, Monsieur Borger, saluât-il avec éducation.

- Vous êtes Clark n’est ce pas ?

- Oui monsieur.

- C’est donc vous qui avez la charge de désherber et de tailler les plantes en façade ?

- Oui monsieur.

- Pourquoi désherber la façade ?

- Parce que, voyez vous monsieur Navay, par faute de l’humidité, des mousses s’installent favorisant la pousse d’autres végétaux qui peuvent desceller les pierres.

- Oui je comprends.

- Êtes-vous déjà entré au château Clark ?

- Non monsieur.

- Et pourquoi donc ?

- Parce que la place des jardiniers n’est pas dans le château. Le château est la demeure des châtelains, pas des employés.

- Mais vous connaissez chaque pièce vue par les fenêtres.

- Je ne regarde pas par les fenêtres monsieur, je ne voudrais pas perdre mon emploi pour une curiosité monsieur.

- Cependant il vous est bien arrivé quelques fois, sans intentions préméditées…

- Peut être, quelques fois monsieur.

- Pensez vous qu’il serait possible que l’assassin ait put entrer en escaladant la glycine ?

- Tout est possible pour un esprit déterminé monsieur.

- Oui, c’est vrai.

- Quel âge avez-vous Clark ?

- J’ai vingt et un ans monsieur.

- Depuis quand ?

- Ce matin monsieur.

- Et bien bon anniversaire Clark.

- Merci monsieur.

- Dites moi encore, quel était votre rapport avec madame Lewis-Parker ?

- Aucun monsieur, je travaille à l’entretien du domaine.

- Et n’avez-vous jamais travaillé à l’entretien du jardin de madame Lewis-Parker ?

Clark semblait rougir sous ses joues teintées.

- Nous travaillons tous à l’entretien du domaine monsieur.

- Bien, c’est bien. Soyez aimable de m’envoyer un autre de vos frères.

- Oui monsieur.


Un autre jeune homme arrivait moins beau que son frère.

Il semblait cependant plus gauche et plus jeune.

Il avait les cheveux châtains et les yeux de son père.


- B’jour m’sieur, dit il en touchant son chapeau de paille.

- Bonjour jeune homme.

- Humphrey, m’sieur.

- Humphrey, bien, quel est votre travail au domaine Humphrey ?

- J’ratisse, j’taille, j’plante, j’bine, j’fais c’qu’on m’dit d’faire m’sieur.

- Quel âge avez-vous ?

- Dix huit m’sieur.

- Et vous n’escaladez jamais la façade ?

Le jeune homme jouait avec ses doigts.

- Dites-moi ?

- Non m’sieur non. C’est pas moi qui nettoie la façade, m’sieur.

- Pourquoi avez vous hésité ?

- Parce qu’une fois, p’têt deux, mais l’père a tant gueulé pour que j’redescende, que non, ça compte pas.

- Et jusqu’où êtes vous monté le jour où ça ne compte pas ?

- Jusqu’en haut, m’sieur.

- Avec le harnais et la corde ?

- Non m’sieur, avec mes mains pis mes pieds comme un singe d’Amazonie.

- Un babouin ou un chimpanzé, un orang-outang ou un macaque vert ?

- Oui p’têt m’sieur, un singe quoi.

- Oui un singe, un singe domestiqué… et grimpez-vous aux arbres ?

- Oui m’sieur, c’est moi qui grimpe au plus haut pour l’élagage.

- Avec le harnais ?

- Oui c’est obligatoire sinon madame criait.

- Elle avait peur de vous voir dans les arbres ?

- Oh oui, si on ne prenait pas garde, madame était très dure pour la sécurité.

- Et qu’elle était la punition pour une faute ?

- Elle nous relevait sur la prime m’sieur, elle disait que c’est comme si on était mort, et qu’les morts y avaient pas b’soin d’leurs sous.

- Madame Lewis-Parker était dure ?

- Oh non m’sieur, elle était juste et bonne.

- Certainement, envoyez moi votre autre frère je vous prie.

- L’grand ou Henry l’autre.

- Non l’autre, Henry.


L’autre était encore plus jeune.

A peine portait-il sur son visage la sortie de l’enfance.

C’était un garçon athlétique.

Il avait les joues rondes et les muscles développés. Cependant, il avait de grands yeux bleus, bien ouverts et brillants d’intelligence.


- Bonjour m’sieur, je m’appelle Henry.

- Bonjour Henry. Dites moi, vous êtes bien jeunes, quel âge avez-vous ?

- J’ai quinze ans, m’sieur.

- Et quel est votre emploi au château ?

- Hors de l’école et des jours de cours, je fais un peu tout, m’sieur.

- Vous ne travaillez pas vraiment au château en fait ?

- Si m’sieur, seulement pour le reste du temps, j’apprends.

- Et dans quel domaine apprenez-vous ?

- L’horticulture, m’sieur.

- C’est bien pour un jardinier, et dites moi, où donc apprenez vous ?

- A Lingburg.

- A Lingburg ?

- Oui, m’sieur.

- Il y a une école d’Horticulture à Lingburg ?

- Non mais il y a madame Wilington qui a une serre.

- Madame Wilington ?

- Oui, repris Borger. Amanda Wilington, une botaniste retraitée, elle conserve toutes sortes de plantes dans sa serre. Savez vous qu’elle est la créatrice de la célèbre Christierculium ?

- Oui, la rose nègre à dix épines, j’ai eut l’occasion de la voir dans le jardin de la reine.

- Vous connaissez la reine, m’sieur Navay ! Admirait Henry avec la facilité qu’a la jeunesse à faire disparaitre tout protocole.

- En effet jeune homme, j’ai déjà eut plusieurs fois l’occasion de travailler pour la maison des Windsor. Vous savez, moi Ulysse Navay, je…

Navay se reprenait.

- Dites donc, je suppose que vous non plus vous n’êtes jamais entré au château ?

- Oh non m’sieur ! Avec nos chaussures pleines de terre, on en aurait laissé partout et madame Lewis-Parker….

- Oui ?

- … Aurait certainement hurlé très fort !

- Bien merci jeune homme, vous pouvez disposer.

- Au revoir m’sieur.

- Le jeune garçon s’éloignait.


« Ils nous mentent, pensa Navay, ils mentent tous les trois… »


- Allons voir la victime inspecteur.













Les belles tenues qui chiffonnent.


Ils entraient dans la chambre où reposait Dorothy Lewis-Parker.

La morte était étendue sur son lit, et la tache de sang avait été fraichement nettoyée et recouverte d’un tapis.


- Qui a ordonné que l’on nettoie ? demanda Navay.

- C’est moi Ulysse, répondit Borger. Tous les relevés ont été faits, et l’odeur devenait insupportable.

- Et où sont les affaires qui étaient sur le lit ?

- Je les ai fait mettre dans le petit bureau, une équipe est chargée de les inventorier.

- Pourquoi donc ?

- Et bien pour savoir ce qu’il y a Ulysse. Disait Borger en relevant les sourcils.

- Un conseil, cher ami, cherchez plutôt ce qui n’y est pas, vous gagnerez du temps.

- Que voulez vous dire par là ? Cette fois-ci, il les fronçait.

- Vous avez suffisamment de photographies pour que cela vous mette sur la voie mon cher ami, mais nous les examinerons plus tard.

Le médecin arrivait.


- Bonjour docteur.

- Bonjour commissaire, monsieur Navay…

- Alors, quelles sont vos conclusions docteur ?

- Mes conclusions ? Ah oui, heu, voila.

Il ouvrait son porte document et arrangeait son monocle.

- La victime est morte asphyxiée, et ensuite on lui a tranché la gorge, et son sang s’est écoulé.

- Le coup de rasoir ne l’a pas tué par hémorragie ? demanda Borger.

- Non, il y avait trop peu de sang autour de la tête de la victime. Celle-ci est morte vers 16 heures trente, je pense.

- C’est évident, repris Navay. La victime a été égorgée lorsqu’elle était déjà sur le sol. Tout ceci est une mise en scène, je l’ai vu au premier coup d’œil. Il n’y a pas de gouttes de sang ni contre les murs, ni sur le sol ailleurs qu’autour du corps.

- Le corps de la victime présente un hématome au dessus de la nuque, probablement issu du choc dut à la chute.

- En êtes-vous certain ? demanda Navay.

- Certain non, mais c’est probable.

- Probable, hum… Avez-vous les clichés qui ont été pris hier commissaire ?

- Oui cher ami.

- Et bien observez les biens et dites moi ce que vous constatez.


Borger appelait Grunner et se faisait donner les photographies toutes fraiches développées.

Il les observait attentivement.

- Que vous dire cher Ulysse ? Tout parait en ordre. Pas de trace de bagarre, on y voit des piles de linge, des malles, la coiffeuse est vide, il n’y a pas d’objets renversés, il ne manque pas d’arme contre les murs, l’assassin est incontestablement une personne que connaissait la victime, Élisabeth Brington sans aucun doute, il n’y a qu’elle pour sortir le linge et le mettre sur le lit, je ne vois pas une châtelaine se rabaisser à ce genre de travaux. Que vous dire de plus… Je ne vois rien d’autre…

- Vraiment ?

- Oui, vraiment, je ne vois pas.

- Bien, alors je vous conseille d’aller voir où en sont vos collègues avec l’inventaire. Pendant ce temps, je vais aller interroger les autres membres du personnel. Où est madame Brington ?

- Sans doute quelque part dans la propriété, de toute façon au château, c’est la gouvernante.

- Merci je vais la trouver.

- Je n’en doute pas Ulysse.


Élisabeth Brington se trouvait dans la cuisine.

Elle était assise avec les deux jeunes filles qui servaient de commis et la cuisinière.

Toutes quatre buvaient une tasse de thé, installées à la table des employées.

Élisabeth Brington avait le visage grave.

A l’arrivée de Navay, elle se leva et s’empourpra.

Elle passa ses mains rapidement sur son tablier et vérifia son col.


- Monsieur Navay, vous auriez put sonner sans faire l’effort de venir dans la cuisine si vous aviez besoin de quelque chose.

- Je n’ai besoin de rien madame Brington, je vous remercie, mais puisque je suis ici et vous aussi, autant vous demander une tasse de thé sans vouloir rompre avec les barrières.

- Je vous en prie monsieur.

Elle le servit consciencieusement du thé qu’elle buvait avec les employées.

- Madame Brington. Qui croyez-vous être l’assassin de Dorothy Lewis-Parker ?

- Mais… Je…. Mons… Oh madame…. Je ne sais…pas…. Je …Oh… !

Elle se mit à pleurer


Les trois employées de la cuisine l’observaient avec gravité.

D’un seul coup, à l’évocation de la morte, les visages s’étaient durcis comme si elle venait en personne d’entrer en furie dans la grande cuisine carrelée.


- Madame Brington, savez vous que tous les indices sont contre vous ?

- Mais je… Je n’ai rien fait moi !

- C’est ce que je crois aussi, seulement il faudrait que vous y mettiez un peu du votre voyez vous ?

- Oui mons… Monsieur Navay.

- Voudriez-vous me suivre un moment je vous prie ?

- Oui monsieur.

- Sortons voulez vous ?

- Oui monsieur.


Ils s’engageaient dans le grand parc bien entretenu où les graviers fraichement ratissés chantaient sous leurs pieds.


- Madame Brington. J’ai bien l’impression que vous me cachez quelque chose.

- Oh… Non monsieur.

- Bien, reprenons, à quelle heure avez-vous vu Dorothy Lewis-Parker pour la dernière fois ?

- A seize heures monsieur, pour lui proposer le thé monsieur.

- Et a-t-elle accepté ?

- Non, elle m’a dit être en séance et ne pas désirer être dérangée.

- L’avez-vous vue ?

- Non, je l’ai seulement entendue.

- Et comment était sa voix ?

- Comme d’habitude monsieur.

- Saviez vous que Dorothy Lewis-Parker était actrice ?

Élisabeth Brington lissait son tablier.

- Non monsieur mais j’ai entendu dire, cela dit, je ne porte pas grand intérêt aux ragots.

- Vous travaillez au château depuis trente deux ans, c’est beaucoup, quel âge avez-vous madame Brington ?

- J’ai cinquante sept ans monsieur Navay.

- Vous êtes donc montée au service à vingt cinq ans.

- Oui monsieur.

- Êtes-vous native du pays madame ?

- Non, je suis née à Londres.

- Et comment êtes vous arrivée dans ce charmant coin d’Angleterre ?

- Suite à une annonce. J’étais sans emploi depuis longtemps, je ne correspondais pas…. J’avais besoin de travailler voilà.

- Avez-vous une famille madame Brington ?

Un spasme parcouru le corps de la femme et ses yeux s’ouvrirent pour laisser se déverser une nouvelle réserve de larmes servies en flot.

- N…N… Non…J…Je suis, je suis toute seule !

- Calmez-vous madame Brington… Allez faire un tour dans le parc, nous nous reverrons plus tard d’accord ?

- Oui monsieur Navay.

- Envoyez moi la cuisinière voulez vous ?

- Oui monsieur Navay.


Ulysse s’installait sur un banc lové entre deus grands araucarias. D’où il était, il pouvait embrasser toute la façade de la luxueuse demeure et les terres derrières, quand une idée lui vint à l’esprit.

Qui devait hériter de tout cela ?

Ulysse était surpris de sa question.

Pourquoi ne se l’était il pas posée plus tôt ?


La cuisinière arrivait.

- Monsieur.

- Bonjour, installez vous donc à mon coté.

- Bien monsieur.


Elle regardait les trois jardiniers qui s’affairaient.

Comme si elle avait entendu la question dans l’esprit de Navay, elle répondit.

- Oui, ce sont mes enfants, et mon mari.

- Ils ont du cœur à l’ouvrage madame.

- Nous aimons les choses bien faites monsieur Navay.

- Comment était madame Lewis-Parker ?

- Insatisfaite monsieur.

- C'est-à-dire ?

- Insatisfaite et exigeante. Rien ne lui convenait. Depuis son mariage avec le colonel Parker, elle a tout remué dans cette vieille maison. Elle aurait commandé au soleil si elle avait pût. Même en faisant tout pour elle, elle n’avait jamais un mot ou un geste aimable. Si je puis me permettre monsieur Navay.

- Allez-y je vous en prie.

- Chacun nait dans sa condition et ne devrait jamais en sortir. On ne passe pas de la ruelle à l’allée comme cela. Il faut faire des efforts si l’on veut jouer les dames d’un rang qui n’est pas le votre.

- Comme je vous comprends. Étiez-vous souvent en contact avec madame ?

- Non, jamais, c’est la gouvernante, madame Brington qui était à son service exclusif. Moi, (dit-elle d’un air dur) j’étais juste bonne à faire la gamelle, et encore, on me retournait seulement les plats avec des commentaires : trop salé, trop dur, trop cuit ou trop chaud… Vous imaginez ça vous ? Trop chaud !

- Si vous souffriez tant que cela, pourquoi n’avez-vous pas quitté votre travail ?

- Monsieur Navay, ma famille est dans la maison au service des Parker depuis quatre générations depuis 25 octobre 1760, jour béni ou notre bon roi Georges III est monté sur le trône. William Brown, mon arrière-arrière grand-père fut le premier employé de Robert. J. Parker au château. Vous savez, il y a des fils qui sont impossibles à couper, et puis, mon mari, mes enfants, comment la maison pourrait elle survivre sans nous ? Nous sommes ses organes. Je n’aurais jamais rien fait pour que le courroux de madame s’abatte sur nous autres.

- Oui, je vois… En quelque sorte, vous attendiez la relève.

- Que voulez vous dire monsieur Navay ?

- Que la mort d’Élisabeth Lewis-Parker est en quelque sorte, comment dire… Providentielle et libératrice ?

- Qu’insinuez-vous monsieur Navay ?

- Mais rien du tout, j’échafaude, j’agite mes neurones, je cherche des pistes et débusque des suspects.

- Je suis suspecte ?

- Toutes les personnes à trois miles à la ronde sont suspectes madame.

- Mais je n’aurais jamais tué madame !

- Si vous le dire, je puis vous croire. Encore une question s’il vous plait, un détail. Je pourrais bien demander à n’importe qui, mais puisque vous êtes là... Depuis combien de temps madame avait épousé monsieur feu colonel Parker ?

- Depuis vingt cinq ans monsieur.

- Elle a donc épousé le colonel à vingt ans alors qu’il en avait cinquante cinq !

- Oui monsieur.

- Et où a eut lieu la noce ?

- A Londres monsieur Navay, enfin je crois. A cette époque, monsieur était en représentation à l’étranger, cependant, il se rendait régulièrement au Foreign office, lieu bien connu où se rencontrent les administrateurs de l’empire.

- Oui, je sais. Mais la maison était donc vide ?

- Non monsieur, vivait ici madame mère Parker.

- Combien de temps après l’arrivée de Dorothy, madame Parker est elle morte ?

- Un peu moins de deux ans plus tard monsieur.

- De maladie ?

- Une mort foudroyante a dit le médecin, monsieur. Madame mère Parker avait quatre vingt six ans monsieur.

- Je vois… Comment était-elle ?

- Une bien noble personne monsieur Navay, nous avons longuement pleuré sa mort.

- Bien, merci de votre disponibilité.

- A votre service monsieur Navay.













Les petits plans de madame Wilington.


- Sir Navay, peut être un jour Lord Navay ? Dit pour tout bonjour Amanda Wilington à la vue d’Ulysse.

- Vous connaissez bien mon point sensible madame Wilington.

- Je vous connais si bien monsieur Navay…Savez vous que je suis peut être votre plus grande admiratrice ? J’ai d’ailleurs, en vous attendant, sortie pour vous le prouver, tout ce que j’ai put collectionner sur vous depuis ces vingt dernières années.

Elle ne mentait pas.

Dans une malle, classés et rangés dans des dossiers cartonnés, se trouvaient des coupures de presse, des livres, des photos ainsi qu’un autographe gardé sous verre.


- Madame, je ne voudrais pas vous blesser mais je connais mon plus grand admirateur, et ce n’est pas vous.

- Je sais, malheureusement, je ne suis qu’en seconde position, car sans aucun doute, votre plus grand admirateur, c’est vous. Il est vrai que lorsque l’on a la chance de vivre avec soi même…

- Et bien, puisque les présentations sont faites.

- Désirez-vous boire quelque chose monsieur Navay ? Un thé, ou peut être un sirop de bissap…

- Un sirop de bissap ?

- Oui, une préparation à partir de la fleur d’une oseille d’Afrique de l’ouest que j’arrive à faire pousser ici, c’est très bon, bien qu’un peu sucré.

- C’est très aimable, un thé suffira, le sucre ralenti le fonctionnement de mon cerveau unique.

- Venez donc vous installer avec moi au jardin d’hiver. Nous serons plus à l’aise pour discuter.

Ils s’installaient dans deux confortables fauteuils en rotin garnis chacun d’un gros coussin.

Entre eux deux, se trouvaient trois tables gigognes qui se dépliaient en escalier.

- Parlez-moi de Dorothy Lewis-Parker s’il vous plait.

- Oh, cette pauvre Dorothy, je dois dire à sa décharge, qu’elle semble trainer derrière elle le malheur comme certaines dames leurs pékinois. Puisque tous les habitants du château s’éteignent comme des bougies dans la tempête, il fallait bien qu’a son tour, quelqu’un vienne poinçonner son ticket.

- Que voulez vous dire ?

- Mais c’est bien simple monsieur Navay. Quand madame Parker mère a épousé Charles Parker, elle est entrée au château. L’année suivante, Caroline Fortune-Parker, sa belle mère, est décédée. A l’âge de vingt quatre ans, le colonel Stan Parker a épousé une jeune demoiselle, Lemoulin je crois, Denise Lemoulin, une française qui n’aura vécu que dix mois au château, avant de mourir a son tour dans un accident malheureux. La jeune fille est tombée au fond du vieux puits du parc, qui fut comblé deux jours plus tard. Charles Parker était décédé environs deux ans plus tôt d’abus de sirop de sucre de canne selon les propos du docteur Strongberg, puis, Stan Parker partit aux colonies. Cette brave mère Parker est restée seule au château enfermée et solitaire jusqu’au jour ou Stan Parker épousa Dorothy Lewis, il y a environs vingt cinq ans. Deux ans plus tard, madame Parker mère décédait.

Je crois que le château des Parker est maudit monsieur Navay.


Un frisson parcourut Navay, et une étrange d’idée lui passa par la tête comme l’express de 15 heures à la barrière de Lingburg.

Navay eut vite fait de repousser rapidement ses extrapolations écossaises.


- Que savez-vous des élans mystiques de Dorothy Lewis-Parker ?

- Peut être étaient ils eux aussi intimement liés à la maison ? Dorothy Lewis-Parker avait un véritable don pour communiquer avec les esprits, et ses tirages de tarots étaient en de nombreux points tout à fait surprenants.

- Avez-vous fait appel à ses services madame Wilington ?

- Oui, j’avoue cette petite entache à mon éducation rationaliste et religieuse. Je suis allée quelques fois me distraire dans le salon de cartes de Dorothy.

- Vous distraire ?

- Oui, tout ceci était pour moi plus un loisir qu’une véritable découverte de l’autre monde, mais je dois dire à la décharge de Dorothy, que ses entrées en transe étaient tout à fait réussies, et les voix qui accompagnaient parfois ses sabbats de salon étaient vraiment impressionnantes !

- Dorothy Lewis-Parker faisait danser les tables ?

- Non mais elle conviait des esprits, j’en suis tout à fait convaincue. Elle avait un don c’est irréfutable !

- Vraiment ?

- Oh oui, vraiment !

- Et ses services étaient ils…

- Payants ?

- Oui c’est cela, payants…

- Non, pas que je sache. En tout cas, elle ne m’a jamais rien demandé.

- Mais lui laissiez-vous quelque chose de votre propre initiative ?

- Oui je dois l’avouer, des babioles bien sûr, mais oui, quelques petites choses…

- C'est-à-dire ?

- Oh trois fois rien…

- C'est-à-dire ?

- Des crèmes, des crèmes d’aloé-vera. C’est très bon pour la peau, je les prépare moi-même avec les plantes que j’entretien ici, j’ai dut lui donner aussi quelques vieux livres dont je n’avais plus usage, des tableaux, peut être quelques bijoux…

- Ce sont plus que trois babioles…

- Tout ceci n’avait pas vraiment de valeur, c’était plus pour le geste vous comprenez ?

- Selon vous, qui a put assassiner madame Lewis-Parker ?

- Quelques mauvais esprits sans doute.

- Je ne suis pas convaincu.

- Qui sait monsieur Navay ?

- Encore quelques petites questions, vous entriez au château par la porte ?

- Bien entendu, que croyez-vous ? Que je me cachais ? Que j’escaladais la glycine la nuit ? Que je traversais les murs ? Bien sûr que non monsieur Navay. Tout le monde peut visiter ses amies n’est ce pas ?

- Bien sûr, bien sûr… Ah ! Tant que j’y pense, dites moi une chose… Avez-vous déjà vu madame Lewis-Parker sourire depuis que vous la fréquentiez ?

- Quelle curieuse question monsieur Navay.

- Oui, j’ai quelques fois de bien curieuses questions je dois l’avouer… Alors ?

- Et bien, puisque vous en parlez, je dois confesser que, en effet, Dorothy souriait peu. Je crois même ne jamais l’avoir vue rire en fait.


Pour remédier à cela, Amanda Wilington afficha un sourire chevalin à Ulysse.


- Je crois que le jeune Henry est de vos élèves ?

- Oui, c’est un garçon charmant et tout à fait capable. Il a la main verte, c’est bien pour un horticulteur, il ira loin si la vie le laisse faire.

- Dites moi, quand avez-vous vue Dorothy Lewis-Parker la dernière fois ?

- Il y a deux jours, avant-hier après midi, vers dix sept heures, nous avons bu le thé ensemble.

- Madame Lewis-Parker buvait le thé tous les jours ?

- Je ne sais pas mais je suppose que oui, comme nous tous n’est ce pas ?

La jeune soubrette frappait discrètement à la porte du jardin d’hiver et annonçait la venue du pasteur Crunch.

- Faites le entrer et soyez mignonne, amenez le ici, répondit Amanda.


Le pasteur Crunch s’encadra dans la porte.

C’était un grand homme en noir avec une tête de corbeau et des yeux froids.

Sa présence rafraichissait l’air plus qu’il n’apportait le saint esprit.

Il tenait dans une main son chapeau noir, et dans l’autre, une bible recouverte de tissus noir.

Son crane brillait, et une couronne de cheveux coupés courts occupait la partie basse de sa tête.

Il semblait fatigué ou usé, cependant, sa voix était douce avec un brin de lenteur, comme exagérée.

Il parlait comme s’il essayait d’instruire des animaux.

Il tendit son énorme main à Navay qui eut un souffle de soulagement en la voyant ressortir intacte.

Après l’approche d’un troisième siège de rotin par la bonne, il s’assied lourdement.

On entendit le rotin forcer.


- Pasteur Crunch, voici monsieur Navay, le très célèbre limier, un incomparable génie de la réflexion.

Navay acquiesçait.

- Vous êtes ici pour découvrir qui a tué la Lewis-Parker ?

- Pas précisément, je suis en fait en vacances chez l’inspecteur honoraire Borger, mais, l’occasion faisant le larron, je ne puis m’empêcher de mettre un peu de piment pour relever mon séjour.

- Bien curieux piment.

- Bien curieux crime.

- Certes.

- Connaissez-vous bien Dorothy Lewis-Parker ?

- Non, très peu. J’ai eut l’occasion de la rencontrer quelques fois, mais il m’a semblé que ma présence l’inquiétait. Je produis parfois cela chez certaines personnes. Il arrive que les gens buttent sur le corps et oublient que l’important c’est l’esprit.

- Je vous suis tout à fait, l’esprit avant tout, oui !

- Dorothy Lewis-Parker est…

- Était…

- Était une femme aux coutumes étranges. Elle a transporté son univers avec elle depuis la cité jusqu’ici. Dorothy Lewis-Parker est… était une originale.

- J’ai cru comprendre.

- Selon moi, cette femme n’avait pas l’âme tranquille.

- Pourquoi pensez-vous cela ?

- Une dame de son rang doit sortir, faire des dons aux œuvres, visiter ses contemporains et organiser des diners, elle doit venir à la messe, aux kermesses…

En vingt cinq ans ici dans le bourg, Dorothy Lewis-Parker nous a donné plutôt l’exemple d’une vie d’ermite, elle donnait l’impression de quelqu’un qui se cachait en quelque sorte.

Une bien curieuse femme en vérité.

Savez vous, monsieur Navay, que cette femme a épousé le colonel Parker cinq jours avant que celui-ci ne parte au Pendjab, et que le colonel est mort moins d’un an après son retour ? Certes il était bien faible, ces contrées lointaines sont pleines de maladies exotiques, mais tout de même. Cette femme a vécu presque vingt cinq ans dans notre ville, sans même mettre le pied hors de son château, sauf pour monter dans sa voiture.

Tout ceci n’est pas très… Comment dire ?

Les mots me manquent…

- Catholique ?

- Non, non, surtout pas !

- Aviez-vous connaissances des activités métaphysiques de Dorothy Lewis-Parker ?

- Des quoi ?


A cet instant précis, arrivait l’inspecteur Borger qui coupa la conversation comme un sifflet de locomotive sur un quai de gare.

Madame Wilington semblait visiblement bien soulagée de cette intrusion.

Son visage aimable s’était tout à coup figé pendant que Navay abordait le thème des activités de la morte.


- Ah Ulysse ! J’ai fait le tour du bourg pour vous rencontrer. Pardonnez moi mon intrusion madame Wilington, mes hommages mon père…

Excusez-moi, je dois vous arracher votre invité, une information de premier ordre !




L’étrange testament de Dorothy Lewis-Parker.

L’étrange testament de Dorothy Lewis-Parker.


- Mon cher Borger, vous avez rompu la corde de mon arc au moment où j’allais faire mouche, dit Navay pendant qu’ils cheminaient côte à côte en direction du château.

- J’en suis bien désolé Ulysse, mais le notaire de Dorothy Lewis-Parker vient d’arriver au château, et ce qu’il a à nous présenter est bien étrange.

- Le testament ?

- Oui c’est tout à fait ça, et déroutant par dessus tout ! Tout ceci ne sert pas les intérêts d’Élisabeth Brington.

- Et pourquoi donc ?

- Venez, suivez-moi.


Le notaire était au salon.

A ses pieds, il avait posé méticuleusement sa sacoche noire qu’il tenait posé contre sa jambe droite.

Il était assit comme posé, les deux mains sur ses genoux et le dos a angle droit.

Il affichait l’expression neutre des hommes de droit.

Ses yeux, brouillés par les chiffres et les articles, étaient gardés derrières des lunettes rondes.

Il portait une moustache sévèrement taillée et les cheveux coiffés d’une raie au milieu.

A l’arrivée des deux hommes, il se leva comme monté sur ressorts.


- Maitre Kington, voici l’homme dont je vous parlais.

- Ulysse Navay, quel plaisir de vous revoir !

- Maitre Kington, depuis combien de temps ne nous sommes par rencontrés ?

- Depuis le diner de la baronne, il y a de cela six ans, cher ami !

- Et oui, six ans… Vous avez donc quitté Londres ?

- Pour l’occasion seulement. Votre présence me laisse à penser que Dorothy Lewis-Parker a fait enregistrer son testament chez vous.

- Oui, c’est nous qui réglons toutes les affaires des Parker depuis vingt et un ans.

- Vous connaissez maitre Kington Ulysse ?

Borger semblait stupéfait.

- Oui inspecteur Borger, une vieille histoire de faux actes dont l’office de maitre Kington avait eut le malheur d’être au centre de la pièce, finalement victime du laxisme de son prédécesseur dont il a repris la charge il y a une dizaine d’années maintenant n’est-ce pas ? Que voulez vous, on achète le bateau avec les rats qui sont dedans…

- Monsieur Navay à sauvé l’étude, il s’agissait de plus de deux millions de livres !

- Il y a de cela longtemps, près de dix ans n’est ce pas ? Mais dites-moi… Que nous apportez vous cette fois ? L’héritage de Dorothy Lewis-Parker ?

- Oui et non cher ami. Pas tout à fait. L’héritage de Dorothy Lewis-Parker s’élève à sept milles livres auxquelles nous devons retirer les frais de succession et d’obsèques, le reste étant partagé à part égale entre le personnel du château et une certaine demoiselle Ulldesein, Noémi Ulldesein

- Qui donc est Noémi Ulldesein ? Ce nom me dit quelque chose…

- Une proche de Dorothy Lewis-Parker, une actrice sans rôle qui travaille comme metteur en scène. Elle aussi a déposé ses affaires dans notre office.

- Bien, et le château, les terres, les meubles ? Tout ceci ne figure pas sur l’héritage ?

- Non cher Ulysse, tout ceci appartient déjà a quelqu’un, Dorothy Lewis-Parker était usufruitière, le véritable propriétaire depuis la mort de Roddy Parker, devrais je plutôt dire, la véritable propriétaire, est madame Élisabeth Brington.

- Oh !...


Navay tomba comme un arbre abattu dans un fauteuil dont la bienheureuse présence permit à son corps et à son esprit d’accuser le choc.


- En êtes-vous sûr maitre ?

- Certain Navay, je dispose de tous les documents, c’est moi-même qui ai rédigé l’acte, rien ne peut récuser ce document que je possède. Tenez, regardez, il a cinq ans, c’est ma signature ici et cette petite tache là, je me souviens très bien de l’avoir fait avec la plume que j’étrennais pour l’occasion.

Maitre Kington tendait les documents à Navay.


- Je vous crois mon ami, je vous crois. Bien, je vous propose une chose tous les deux, reprit Navay à voix basse, gardons secrètes ces informations pour deux jours maximum, je peux compter sur vous ? Je dois faire la lumière sur cette affaire. Tout ceci sent la conspiration secrète comme le joueur de polo qui l’a importé des indes en 1860 sentait son cheval. Tant que je n’aurais pas toutes les cartes en mains, je crains le pire. Qui est vraiment Élisabeth Brington ? Je dois télégraphier à Londres, excusez moi…


Et Navay disparut comme un mage indien.














La lettre d’Élisabeth Brington.

Ou la bonne plume roule sa bille.


Arrivé au coin de la rue de la poste, Navay eut juste le temps de voir Élisabeth Brington glisser une carte dans la boite d’envoi de courrier pour la capitale.


L’instant d’après, il entrait dans le bureau de poste et rédigeât quelques télégrammes codés puis il paya la jeune fille en la gratifiant d’une généreuse étrenne.


- Mademoiselle, puis.je vous demander un petit service je vous prie ?

- Bien sûr monsieur, je vous écoute.

- Voila donc. J’ai fait mettre dans la boite une carte destinée à un ami il y a quelques minutes, hors, à l’instant, je viens, avec vous, de lui envoyer un télégramme qui diffère du propos que je lui tenais sur la carte.

- Vous voulez donc récupérer votre carte ?

- Oui, ce serait bien aimable de votre part.

- Les doigts encore chauds de l’étrenne de Navay, la jeune femme ne put refuser.

- Sauriez-vous reconnaitre votre carte monsieur ?

- Sans aucun doute mademoiselle.

- Elle se leva, pris une clé et sortit.

En ouvrant la boite, Ulysse put constater qu’il n’y avait qu’une seule carte. Le choix était donc vite fait.

Il s’en saisit rapidement en décochant un signe de tête à la préposée, et avant que celle-ci ne puisse dire OUF ! Il la remercia vivement.

- Mais je vous en prie monsieur Navay. Si je puis vous être utile pour votre enquête, n’hésitez pas à venir me demander ce que vous voudrez, cette pauvre madame Lewis-Parker…

La jeune file n’est pas dupe se dit il.


Il fourra la lettre dans son chapeau et s’éloigna l’air philosophe.


Le chapeau de Navay chauffait et ses doigts le piquaient. S’il ne s’était pas retenu, il aurait bien ouvert la carte tout de suite. Cependant, il se tempérait car il voulait faire les choses proprement à la vapeur afin d’en voir le contenu et, éventuellement, d’expédier le courrier pour voir quelles suites seraient données à la missive.

Inconsciemment, son allure de philosophe se muât, pas après pas, en une petite foulée.


- Ulysse Navay ! Quelle surprise ! Voila donc que vous vous êtes enfin mit au sport ! Ne pus-je m’empêcher de lui lancer.

- Sébastien Debonneville ! Cher ami ! Que faites vous donc ici ? Me suivriez-vous ? me demanda-t-il soupçonneux.

- Pas le moins du monde lui répondis-je sans ambages. J’ai été envoyé par mon journal pour couvrir d’encre la mort de Dorothy Lewis-Parker. Londres est si calme en ce moment, cette histoire nouvelle a déjà transpiré des bureaux de la police, et comme vous le savez, ma position à la rédaction…

- Et vos entrées…

- Et mes entrées, m’ont mis la puce à l’oreille quand j’ai sut que vous étiez dans les parages, je me suis dit, voila quelque chose à raconter. N’écoutant que ma valise, j’ai sauté dans le premier train et me voila tout juste débarqué.


Navay semblait satisfait de mon explication.


- Bien, fort bien, vous allez donc pouvoir narrer à vos lecteurs l’incroyable mystère résolu par l’inimitable Herc… Heu, Ulysse Navay !

- Ce sera tout à votre honneur Ulysse, un peu de Navay dans notre feuille de choux ah, ah…

- Ah, ah ! Où logez-vous ?

- Là où sera ma valise cher ami.

- Et bien nous allons partir à la recherche de votre hôtel. J’ai justement besoin d’un petit espace privé. J’en profiterais d’autre part pour vous conter le début de cette bien curieuse affaire.


Nous trouvâmes rapidement où déballer ma machine à écrire et mes costumes.

Je pris une chambre à l’auberge de la licorne verte et me mis au travail pour rattraper le temps perdu.

Pendant ce temps, Navay me tournait le dos.

Il observait la belle vue qu’on a depuis l’étage ou l’on m’avait logé et me dictait les faits comme je les ai notés plus haut.

Nous étions fort bien, je dois le dire ici à l’auberge de la licorne verte.


C’était une belle maison prospère et bien tenue, un ancien relais postier converti en auberge de charme joliment fleurie, et dont les vieux bois bitumés qui recouvraient la façade lui donnaient des allures de vieille dame.

Les chambres étaient spacieuses. Nous avions put choisir car l’hôtellerie était vide ce jour là.

Nous avions donc opté pour une petite suite comprenant deux chambres, un salon et un espace de lecture que je transformais rapidement en salle de rédaction.


A peine deux heures s’étaient écoulées et Ulysse avait tari sa fontaine. J’avais les doigts en feu.

Ulysse Navay m’observait amusé.


- Alors cher ami, que pensez vous de tout cela ? A votre avis, qui est l’assassin ?

Je dois avouer à ma décharge que la quantité d’informations que m’avait délivré Navay suivant le fil de sa pensée tortueuse m’avait bien perdu.

Je dus, dans les heures suivantes, reprendre des notes dans la masse afin d’y voir plus clair.

Je lui répondis piteusement que je n’avais à ce moment aucune idée, ce qui, je le vis, l’amusa grandement.


- Commandons du thé voulez vous ?

- Je préférerais un café Ulysse lui répondis-je.

- Vous resterez toujours français malgré votre expatriation cher ami, reprit-il, mais, juste après, il sonnait la jeune demoiselle de l’hôtel, et lui commanda deux cafés et une théière de thé bien chaude, ce qui me surprit.

- Avez-vous décidé que nous devions nous remplir de liquide avant l’heure du déjeuner ? Lui demandais-je. Du thé et du café. Avec ceci, nous ne sommes pas près de nous assoupir.


Navay s’amusait avec un mouvement de ses mains comme un magicien de foire.

En un tournemain, il sortit un lapin de son chapeau.

Celui ci avait la forme d’une carte.


- Les cafés seront pour nous, et le thé sera pour elle, me dit-il. Selon vous… Que peut-il y avoir là dedans ?

- Un croassement de corbeau pour quelques journaux à scandales, m’avançais-je.

- Mon ami, sortez la tête de votre monde ! Regardez plutôt.

Il me tendait l’enveloppe.

Celle-ci était adressée à Maitre John B. Calvensburg, 4 Trafalgar square, à Londres.

- John B. Calvensburg ?... Le commissaire priseur ?

- Oui, le vendeur discret des trésors de famille pour grandes gens en difficulté… L’homme qui vend comme des cravates sur un trottoir, les titres, propriété et bien de la haute société britannique et du Commonwealth.


La jeune demoiselle, qui, je l’avoue ici, ne me laissait pas indifférent, nous servit nos boissons.

Elle allait servir le thé dans les tasses lorsque Navay la congédiât avec une pièce.

Je ne saurais vous dire pourquoi, mais il me semblait que cette jeune créature était dotée de plus d’yeux que n’en décerne normalement la nature. Je la vit observer notre “quartier général” avec un peu trop d’insistance.


Navay avait caché la lettre sous une serviette.

Quand la fille d’étage fut sortie, il se mit au travail comme une concierge sans scrupule.

Après avoir consciencieusement effectué le viol de la carte, il lut son contenu et resta silencieux, les mains entre les genoux, la tête baissée et les yeux fermés.

Un moment, j’ai cru qu’il s’était endormi.


A mon tour, je pris la lettre et lus.

Elle était écrite d’une main assurée sur un papier à entête du colonel Parker avec comme adresse son palis de gouverneur indien.

Elle ne portait ni date ni signature.


Voici ce que j’ai put y lire recopié exactement.


Cher maitre.


Laissez-moi vous remercier encore pour votre discrétion et la qualité des services que vous avez put me rendre.

Aujourd’hui les choses ont changé rapidement.

Je vous prierais doc, a réception de ce courrier, de bien vouloir solder mon compte dans votre bonne maison et de remettre la somme que vous considérerez juste à mademoiselle Noémi Ulldesein que vous connaissez et dont vous avez la direction sur une fiche que nous avons repli ensemble lors de l’ouverture de ce compte.

Toute autre personne qui pourrait se présenter dorénavant ne saurait avoir de droit sur cette dernière affaire.


Soyez assuré, cher maitre, de mon éternelle reconnaissance.


Je relevais les yeux et trouvait Navay dans la même position.

En l’observant avec attention, je pouvais voir les veines des tempes de sa petite tête qui battaient rapidement.

Il suait abondamment.

Je m’efforçais de faire silence et de le laisser à ses réflexions.

J’en profitais pour dresser la liste que voici.


Dorothy Lewis-Parker.

La victime,

45 ans, élégante et veuve.

Cependant, loin d’être riche et heureuse, elle vie recluse dans son grand château qui finalement n’est pas à elle.

A mauvais caractère et majoritairement mauvaise réputation.

S’adonne à la magie et aurait trois amants.

Vit au château depuis 25 ans.

Aurait un passé d’actrice ?

Préparait un voyage de longue durée pour où ? (avait sorti ses plus beaux vêtements)

Décédée vers 16 h – 16 h 30.

Pourquoi ?


Élisabeth Brington

Suspecte numéro 1.

57 ans, célibataire sans famille.

Était la personne la plus proche de la victime.

Est l’héritière de Roddy Parker depuis son décès.

Femme effacée et émotive (veut-elle faire croire ?)

Vivait-elle sous les ordres de sa terrible patronne. La terrorisait-elle ?

Vit au château depuis 32 ans.

Découvre le corps de la victime à 21h15 et crie si fort que tout le bourg entend (la fenêtre était elle ouverte ?) soit cinq heures après la mort de Dorothy Lewis-Parker.

Déclare savoir que la victime était vivante à 16 heures sans l’avoir vue, elle l’a entendue seulement.

Était au château à l’heure du crime sans doute.

Mobile : L’héritage ? Se libérer de l’emprise de sa maitresse.


Roddy Parker que l’on nomme aussi Stan.

Mort à 79 ans d’une chute (accident ?)

Militaire et diplomate toujours en voyage.

A déjà épousé Denise Lemoulin quand il avait 24 ans.

Le nom de Stan est donné par Amanda Wilington.

Était veuf à 25 ans.


Amanda Wilington :

Voisine Age (demander à Navay) Botaniste

A vue la morte la veille à 17 h pour une scène ?

Admiratrice de Navay.

L’aurait elle mise à l’épreuve par jeu ?

A une théorie personnelle d’une fatalité générationnelle.

C’est déchargé de nombreux biens au profit de Dorothy Lewis-Parker qu’elle désigne comme une amie.

Pense que les esprits ont tué, cependant parle d’escalader la glycine.

Mobile probable :

A tué (ou fait tuer) après s’être aperçue que Dorothy Lewis-Parker abusait de sa crédulité et de ses biens


Carole Greta-Walking :

Voisine,

73 ans.

Curieuse, elle est la mieux placée pour surveiller les allées et venues au château

Détestait la victime et était aux abords du château à l’heure supposée du crime.

Sait qui est l’assassin(ne).

Vit au bourg depuis toujours.

Aimait-elle Roddy Parker ? (Ils avaient presque le même âge)

Mobile : Jalousie.


Les quatre jardiniers.

Ont en commun qu’ils savent comment se déplacer dans le château, qu’ils savent qu’on peut escalader la façade pour l’avoir déjà fait, ils pouvaient eux même forcer la porte du cabanon.


Le père :

Peut être 45 ou 50 ans, 50 serrait plus juste.

Homme réservé qui sans doute, en sait plus qu’il n’en dit.

Discret et fidele à l’image de son ancienne patronne

Responsable depuis 25 ans.

Mobile : Inconnu.


1er fils, Clark.

21 ans, bien de sa personne. Soigné

Était-il l’amant de Dorothy Lewis-Parker ?

Mobile : Inconnu.


2nd fils, Humphrey.

18 ans,

Semble connaitre, malgré son air bourru, le nom des animaux exotiques ce qui est surprenant. Était-il le petit singe d’Amazonie, la tête posée sur l’oreiller de madame Lewis-Parker ?

Mobile inconnu


3ème fils, Henry.

15 ans, l’âge ou l’on peu découvrir l’amour.

Travail parfois au château, étudiant.

Est sans aucun doute, déjà entré au château avec des chaussures terreuses.

S’intéresse à la botanique, fréquente Amanda Wilington

Mobile : voir Amanda Wilington ?


La cuisinière.

Plus ou moins cinquante ans passés au château.

N’aimait pas sa patronne qui a tout changé selon elle.

Pouvait la considérer comme une intruse.

N’avait pas de contact direct avec la morte.

Sa famille est au château depuis 4 générations

A sans doute connu cette demoiselle Lemoulin.

Protégera sa famille jusqu’au sacrifice.

Mobile : Se libérer des frustrations quotidiennes, dans ce cas, n’aurait il pas été plus facile d’empoisonner Dorothy Lewis-Parker ?


Le pasteur Crunch

Age ?

Se déplace la bible à la main.

Très croyant dans l’esprit. Homme froid ?

N’aimait pas la victime, s’en méfiait et la considérait comme une païenne.

Savait il qu’Amanda Wilington suivait des séances et se délestait de ses biens ? Je crois que non.

Mobile : inquisition, lutter contre une « concurrente »


Personne non encore rencontrées :


Le chauffeur,

Les deux commis de cuisine,

Les deux travailleurs ou plus de la maison de la french riviera (peut être un gardien-jardinier et une gouvernante. Couple ?)


Noémi Ulldesein

Curieux prénom ou il manque le e final, d’origine danoise ou nordique ?

Qui est-elle ?

Pourquoi est-elle sur le testament de Dorothy Lewis-Parker ?

Était-elle actrice dans le même temps que Dorothy Lewis ?

De quoi vit cette femme ?


La lettre.


Élisabeth Brington volait elle les affaires du château ?

Vendait-elle les biens dérobés via maitre Calvensburg ?

Si oui ? Combien ont-ils en compte ?

Est-ce Roddy Parker qui a ouvert ce compte ? Pourquoi ?

Qui prenait l’argent (Noémi Ulldesein ?) « Toute autre personne… ne saurait avoir de droits » pourquoi ? « Cette dernière affaire ? »


J’en étais à tenter de tirer des conclusions personnelles quand Navay releva la tête vers moi.

Il semblait aller mieux.


- Qu’avez-vous fait ? me demanda-t-il curieux.

- J’ai dressé une liste de personnes et d’événements. Lui répondis-je peu fier.

- Faites voir ?

Je lui tendais.

- Il lut en silence en touchent le bout de son nez.

- Je voyais le coin de sa bouche se relever doucement.

- Distrayant, curieux, intéressant et incomplet, me dit-il en me rendant ma feuille.

- Incomplet ! oui, bien sur, il manque des témoignages.

- Certes, j’ai bien lut votre note, incomplet vous redis-je.

- Ne pouvez-vous pas m’aider pour compléter justement, lui demandais-je.

- Plus tard… plus tard… Je ne suis sûr de rien.

Il avança sa drôle de petite tête près de la mienne.

- Dites moi, reprit il, selon vous, quel est votre sentiment, qui, quand, pourquoi ?

J’étais mal à l’aise car je savais que j’allais me tromper.

Tout ceci paraissait bien plus compliqué que ce qui se donnait à comprendre de premier abord. Pourtant, je me jetais à l’eau.

- Bien tout ceci me parait être assez clair, bien qu’évidement, je ne me fait pas d’illusion, je suis certainement dans l’erreur.

- Qu’importe mon ami, dites moi dans quelle direction vous mènent les éléments.

- Selon moi, Élisabeth Brington est une voleuse. Elle dérobe des objets au château depuis longtemps grâce à sa position de gouvernante. Personne ne peut mieux qu’elle empêcher les autres employés de trop regarder ce qui manque dans la demeure. Découverte par Madame Parker mère, elle peut l’avoir tuée pour ne pas qu’elle s’adresse à Dorothy dénoncer ses malversations. Connaissant Maitre John B. Calvensburg, j’imagine sans difficulté que ce dernier a put ouvrir le compte de madame Brington grâce à une lettre à entête du colonel Parker. Peu de gens de « la haute » passez moi l’expression, se risquerait à entrer dans les bureaux de maitre Calvensburg ou même de s’inviter à son domicile. Les braderies d’héritages sont des affaires discrètes qui se règlent avec des intermédiaires.


Navay acquiesçait, ceci m’encourageait à continuer.

- Bien, je suppose donc que madame Brington avait un contact a Londres qui ramassait régulièrement les revenus des ventes, peut être même Élisabeth Brington lorsqu’elle y accompagnait sa patronne. Sachant que désormais, tous les regards sont tournés vers elle, elle décide de mettre un terme à son commerce en s’interdisant elle-même de retourner à l’office ce qui pourrait être une façon de se protéger ainsi que sa complice Noémi Ulldesein. Madame Brington, vous croyant occupée par le notaire, ne pouvait se douter que vous surprendriez son geste à la boite postale. Je pense que cette Noémi Ulldesein est la complice directe de madame Brington et que, dorénavant, cette dernière va garder les bien à vendre ainsi que l’argent jusqu'à ce que sa complice la rejoigne, et qu’elles s’évaporent toutes les deux dans la nature où jusqu'à ce que l’orage soit passé. Afin de paraitre innocente, elle se place volontairement au centre de la scène du crime, sans doute calcule t’elle que trop d’indice contre elle pourrait paraitre trop flagrant, voila pourquoi elle se met dans le rôle du bouc émissaire pleurnichant.

- Bravo, s’écriât Navay…

J’étais aux anges.

- Vous vous êtes royalement trompé !

J’étais stupéfait

- Tout ceci ne tient pas, reprit-il. Premièrement. Pourquoi mademoiselle Ulldesein est elle sur le testament de Dorothy Lewis-Parker ?

- Peut être étais-ce sa seule amie à Londres ? Peut être aidait elle cette jeune femme dans ses rêves d’actrice, nourrissant à travers elle un rêve qui lui était resté inaccessible.

- C’est possible mais insatisfaisant. Secundo, pourquoi Élisabeth Brington continuait elle à travailler au château alors qu’elle en était la légitime propriétaire ?

- Peut être l’ignorait elle ?

Navay pointait son doigt vers moi.

- Exactement, bonne réponse mon ami, vous progressez ! Ceci entraine une autre question, pourquoi ?

- Pourquoi ?... Aucune idée…

- C’est une des questions qui restent encore sans réponse, je dois dire que pour moi-même, ceci reste un mystère.

- Et le papier à lettre ?

- Si Élisabeth Brington est la voleuse selon vous, qu’y a-t-il de plus facile à voler qu’un papier à entête ?

- Il faudrait savoir si c’est son écriture !

- Voila une chose de plus a faire, ce n’est pas la plus difficile. Sortons, allons rencontrer quelqu’un puis nous irons déjeuner d’accord ?

Je n’osai rien dire mais j’avais l’estomac tellement crampé du café que je ne m’imaginais pas devant une assiette.

Les anglais ne connaissent rien au café selon moi.

En ceci, je suis resté très français.

J’avoue n’éprouver aucun plaisir à boire des verres d’eau chaude sucrés et colorés aux feuilles sèches, mais ceci n’a rien à voir dans ce récit.


A peine étions nous sortis de l’auberge que nous tombions nez à nez avec une vieille dame très alerte que Navay me présenta comme Carole Greta-Walking.


- Alors monsieur Navay, où en sont vos déductions ?

- Nous avançons à petits pas.

- Ce cher monsieur Borger semble se donner beaucoup de mal pour cette affaire. Selon vous, lequel des deux sortira avec les honneurs de cette aventure ? Vous où lui ?

- Douteriez-vous de mes capacités uniques chère madame ?

- Monsieur Borger a un avantage sur vous monsieur Navay…Il est sur son territoire.

- Nous verrons bien, les techniques de la police sont fondées sur des preuves physiques, moi je fais travailler mes neurones, je cherche ce qu’il y a derrière…

- N’avez-vous pas quelques informations pour alimenter mes potins, cher monsieur ?

- Pas plus que vous chère madame, mais croyez bien que je ne manquerais pas de vous convier pour l’acte final.

- J’y compte bien monsieur Navay.

- Comptez-y madame Greta-Walking, comptez-y…

- Curieuse personne ne put m’empêcher de commenter.

- Une source d’information bien précieuse en vérité.

- Croyez-vous ?

- Bien sûr cher ami, bien sûr. Continuons notre promenade et allons voir où en est ce brave Borger. Mais avant, il me faut faire des télégrammes encore.

- Nous nous rendîmes à la poste et Navay envoya ses messages. Quelques minutes plus tard, nous étions au château.


Élisabeth Brington semblait mal à son aise, terrifiée par l’inspecteur Borger qui était penchée sur elle avec un air menaçant.

Nous n’entendions pas ce qu’il disait, cependant, il nous semblait qu’il essayait de lui extirper des aveux par la terreur.

Borger leva la tête et nous vit tous deux à travers le carreau de la fenêtre.

Il dit encore un mot en pointant son doigt comme un pistolet sur Élisabeth Brington puis il sortit et vint à notre rencontre dans le parc.


- Elle n’avoue pas ! nous dit il encore énervé, mais ses nerfs craqueront, c’est certain, elle finira par nous déballer son plan machiavélique, foi de Borger !

- Puis-je lui parler ? Demanda Navay.

- Allez y, elle est à vous, je rentre à la maison. Déjeunez-vous avec moi Navay ?

- Oui cher ami, ainsi que Sébastien Debonneville qui m’accompagne, ceci ne vous dérange pas j’espère ?

- Debonneville ? Le journaliste ?

Moi-même, répondis-je en lui tendant la main.

Il me la serra comme on touche quelque chose de sale.

Je ne me formalisais pas.

Nous autres, dans la presse à sensation, nous avons l’habitude du dédain des fonctionnaires.

Je sentis aussitôt qu’il ne pouvait, à grand regret, refuser de me voir à sa table et j’en étais plutôt satisfait.

Peut être devrais-je, en bon français, manger avec mes pieds et me moucher dans la nappe ?


- Allons, venez, dit Navay déjà en route.

Je repris ma main et le suivait.

Nous trouvâmes Élisabeth Brington effondrée.

En moins de vingt quatre heures (Navay me compta plus tard), Elle semblait avoir pris dix ans.


- Madame Brington, soyez forte, lui dit Navay.

- Mons…mons…

- Avez-vous du papier madame Brington ?

- Je…je…

- Sébastien, vous avez certainement une plume et du papier sur vous ?

- Malheureusement non, pas de plume mais un crayon.

- Qu’importe donnez moi ça.

- Bien sur, Ulysse.

- Madame Brington, je vais vous demander une chose. Soyez aimable d’écrire pour moi un petit mot très court, je dois vous faire interner pour votre bien d’accord ?

- Pour… pourquoi ?

- Je crains pour votre vie !

- Oh !

Élisabeth Brington s’était évanouie.

- Allez chercher de l’aide cria Navay


Je trouvais la cuisinière qui vint avec des sels.

Élisabeth Brington reprit ses esprits quelques minutes plus tard.

Directement, Navay lui glissa mon crayon dans les mains.

Nous remercions et invitions les employés de maison à se reconduire seuls à leurs taches.

- Écrivez, dit Navay pendant que je vérifiais que nous étions bien seuls.

- Je ne pourrais…

- Écrivez ! Docteur, je souhaiterais…

- Élisabeth Brington écrivait.

- Être accueillie dans votre maison en toute discrétion. Je vous prierais de bien vouloir vous assurer une disponibilité à mon adresse. Signez et datez.


Les premiers mots étaient tremblants, mais par la suite, il devint indéniable que la lettre postée avait été écrite par Élisabeth Brington.

Navay tenait ici une preuve formelle !


- Tenez vous prête, a 12 heures 30. Une voiture passera vous chercher.


Nous quittâmes le château.


- Quelle adresse Ulysse ! Vous voilà convaincu ?

- Oui, je suis convaincu de son innocence !

- Comment cela ?

- Voyez vous Sébastien, on peut faire semblant de pleurer, mais il est impossible, sauf pour certains maitres d’arts martiaux, de s’évanouir et de ralentir le rythme de son cœur.

Cette femme a peur de mourir à son tour, c’est incontestable.

- Et que voulez vous faire ?

- La mettre au secret, l’interner !

- Mais, et Borger ! L’enquête ? Il va penser qu’elle s’est enfuie !

- Voici un bon tour à jouer à l’inspecteur non ?

Navay avait l’air bien content de mettre des bâtons dans les roues de son ami. Je pressentais qu’il n’approuvait pas ses méthodes.


Nous retournions au Bourg.


- Venez Debonneville, allons acheter des œufs !

- Des œufs ?

- Ou des poireaux, aucune importance ! Si j’en crois les bons conseils de madame Greta-Walking, nous pouvons glaner encore quelques informations avant l’heure du repas.













Quatre petites dames sur un banc


Le petit bourg n’était pas ce que l’on pouvait rêver de mieux pour dépenser son héritage.

Beaucoup de maisons étaient vides et ne s’ouvraient qu’à la saison d’été.

Il était composé de riches demeures ou à cette heure encore, s’affairaient de nombreux jardiniers. Cependant, plus de la moitié des maisons étaient volets fermés.

Une ville en hibernation.


Dans la seule vraie rue, on trouvait une boulangerie qui confectionnait aussi de magnifiques pâtisseries recouvertes de sucres multicolores ainsi que comme il était noté sur une pancarte, « Du thé à toutes heures dans le salon des dames ».

A coté, un petit commerce vendait des fruits, visiblement épuisés d’avoir eut à faire la route à pied depuis les colonies, des céréales en sac, du sucre en pains, quelques conserves et fruits au sucre ainsi que toutes sortes d’épices conservées dans des bocaux en verre.

En face, un apothicaire-pharmacien et à coté, un marchand de lunette, d’appareil d’optique et d’objets restés sur étalage depuis la fermeture des mines de la ville.

Plus loin, un marchand de produits de la laine et quelques tissus bien roulés disposés derrière une grande vitrine de verre mettait ses couleurs chatoyantes en devanture.

Quelques boutiques saisonnières fermées, puis le centre de la petite ville balnéaire avec, côte-à-côte, le boucher, le crémier, un pub, une autre boulangerie, une quincaillerie aux cuivres rutilants et aux bèches bien aiguisées, la grande église au clocher solde, le tout faisant face à un petit port avec son embarcadère et son quai de minerai, reconverti en jetée pour les bateaux de pèche. Il était quasiment vide, sauf a l’entrée où était installée une vendeuse de poissons.


Plus loin, un parc était aménagé avec quelques dames installées sur des bancs et qui se chauffaient au soleil.

Navay saluât ces dames en levant son petit chapeau.


- Monsieur Navay… Nous parlions justement de vous, dit une dame aux cheveux blancs neige montés en chignons.

Elle portait une longue robe comme les veuves et ses épaules étaient couvertes d’un épais châle en laine noire aux coins finement brodés.

- Mes hommages mesdames, il me semble que vous me connaissez bien mieux que je ne vous connais moi même, je vois que les informations trouvent dans votre bourg une terre fertile.

- Oui, c’est vrai, permettez que je me présente, je suis Léonor Realstick, voici Susan Greterad, Mary Fartney et Lisbeth Trusner.

- Permettez moi de vous présenter monsieur Sébastien Debonneville, le célèbre journaliste.

- Monsieur Debonneville, quel plaisir de voir le visage de vos mots.

- Merci madame.

- Alors monsieur Navay, où en est votre enquête ?

- Tout le monde semble prendre grand intérêt au déroulement de l’affaire Lewis-Parker je vois.

- Oui c’est vrai, Dorothy était pour nous une personne bien précieuse.

- Les trois autres femmes acquiescèrent.

- Et en quoi vous était-elle précieuse madame ?

- Ses dons monsieur Navay !

- Oh oui ses dons ! Reprit une autre femme comme mue par un invisible remontoir.


Les quatre femmes se lancèrent, sans nous porter aucune attention, dans un piaillement digne d’une basse court ou serait tombé un ver unique ou si l’une d’elles avait pondue un œuf carré.

Au milieu du cocktail de mots secoué par les quatre femmes on pouvait remarquer les termes « magie, medium, mon mari, si longtemps, impressionnante » une grosse poignée de « Ah bon voyez vous cela !, si gentille femme, bien triste, qu’allons nous devenir sans elle ? » puis la mousse redescendit, et à nouveau, leur attention se porta sur nous.


- Je vois que vous étiez toutes les quatre clientes de Dorothy Lewis-Parker.

- Oh non !

- Non ?

- Non, pas cliente monsieur Navay, il n’a jamais été question d’argent !


Et le ballet recommença. Je pus saisir « Jamais d’argent, les esprits, un don, l’argent aurait tout gâché, une brave femme, des pouvoirs… » Elles parlaient toutes les quatre en même temps, tant, qu’elles semblaient se parler à elles mêmes.

Navay, je le voyais, faisait des efforts colossaux pour garder son visage impassible.


- A votre avis, qui a bien put tuer cette pauvre Dorothy ? Lança Navay comme un chat mort sur une table de banquet.


Les quatre femmes le regardèrent les visages horrifiés et un ange passa à la vitesse d’un serviteur africain.

Navay observait ces dames aves intérêt et amusement puis il ajoutât, après avoir regardé l’horloge du clocher qui marquait 12 heures 30, confirmée quelques secondes plus tard par un coup.

- Élisabeth Brington ?

- Oh ! Non ! Élisabeth Brington, non ah, ah !


Et la discutions reparti comme un wagon de grand huit entre les quatre dames. « Brave femme, dévouée, depuis si longtemps, cette brave madame Brington, tellement patiente, toutes ces années à rester auprès de Parker mère… ! »

En observant les dames, il me semblait voir quelques automates dont la Samaritaine garni ses vitrines à Noël.

Elles étaient immobiles et pourtant, un rien pouvait les animer.

Comprenant qu’elles étaient toutes les quatre veuves, je m’expliquais leurs tenues austères, leurs longues robes noire épaisses, leurs vieilles dentelles amidonnées aux cols et aux manches, leurs cheveux attachés au sommet du crane et leurs châles.

Tout en étant différentes, elles étaient identiques.

Elles avaient, à coté d’elle, sur un autre banc, posé quatre paniers sans doute organisés comme elles même sur leur banc.

Quand elles eurent fini de s’attrister du sort d’Élisabeth Brington, elles reprirent leur position de départ.


- Cette mort pourrait être due à quelque malfrat ou bandits nomade en quête de biens faciles à dérober ? Demanda Navay.

- Oh, non, non, en cherchant dans cette direction, vous vous tromper monsieur Navay, ici…


A nouveau les mégères s’auto-conversaient en se félicitant de vivre dans une cité tranquille loin de la ville et de ses malfrats, qu’ici il ne se passait jamais rien et qu’on en entendait ou en lisait sous ma plume, de bonnes venues de la capitale ou de Glasgow, s’il n’y avait pas ces gens des grandes villes et la locomotive…

Les grandes villes sont pleines de criminel qui, même s’ils officient dans les campagnes, finirons à terme par retourner dans leurs trous comme de mauvaises bêtes.

On avait jamais vu ça, quel scandale ! Plus personne n’était à sa place et mon dieu quelle frayeur ! Puis, sans plus d’explications, les quatre dames se levèrent et partirent.

Je pus vérifier à cette occasion qu’elles avaient bien ordonnée leurs paniers dans la même position qu’elles mêmes.


Nous restâmes un moment devant les bancs vides pendant que les ombres noires s’engouffraient dans leurs maisons respectives.


- Intéressant n’est ce pas ?

- Les femmes ne savent que parler ne puis-je m’empêcher de dire.

- Certes, les femmes… parlent…

- Et nous ?

- Nous, nous écoutons et nous faisons marcher nos oreilles et nos petits neurones, allons déjeuner !






Où l’hôte accueille ses hôtes, hautain.

Où l’hôte accueille ses hôtes, hautain.


Nous arrivions au cottage de Borger.

Deux jardiniers travaillaient à préparer une plate bande et un ouvrier passait du bitume sur le toit d’un garage ou l’on devinait l’ombre d’une voiture automobile.

Dans un enclos, je remarquais un superbe cheval bai qui semblait s’ennuyer.

Une petite bonne bien mignonne (je crois que je suis attiré par les petites bonnes en uniforme) nous accueilli et nous délesta de nos chapeaux, cannes et capes, puis elle nous conduisit au salon ou nous trouvâmes Borger installé dans un épais fauteuil de cuir.

La cheminée crépitait et le soleil perçait à travers les hauts rideaux.

Je fus tout à fait surpris par la pièce dans laquelle nous entrions.

Tout d’abord, les têtes d’animaux morts qui nous observaient. Personnellement je ne suis pas partisan de ce genre de macabre exposition de têtes coupées.

Est-ce à cause des exactions de certains français vers la fin du XVIIIème siècle ou simplement parce que la mise en scène de la mort me dérange ? Je ne saurais le dire mais il n’empêche que j’étais troublé.


La pièce était richement meublée de nombreuses statues de bonze, de tableaux et d’une superbe bibliothèque ou je remarquai quelques ouvrages anciens.

Un jeune garçon aux allures de danseur de ballet vint nous servir les apéritifs de notre choix et nous nous installâmes dans deux fauteuils.

Borger avait décidé de m’ignorer ce qui, je dois l’avouer, ne me dérangeât pas outre mesure.

Il me tournait le dos aux trois quart et s’adressait à Navay.

De ma position, j’avais Navay presque en face de moi et j’avais la sensation d’être au théâtre.

Après avoir discuté du village, de son histoire, de l’océan, du temps, du printemps qui chaque année tarde à venir et de milles choses qui sont dans la société ce qu’est l’épluchage des légumes dans une cuisine, un passage obligé avant la vraie cuisson, Borger envoya les oignons dans l’huile chaude.


- Alors cher ami, et votre enquête ?

- Mon cher, vous vous adressez à un homme qui piétine. J’ai l’impression de coudre sans aiguille voyez-vous ?

Les oignons étant dorés, il envoya une poignée de carottes.


- Croyez vous toujours qu’Élisabeth Brington est innocente ?

- Je commence à en douter.

Ayant fait revenir son ami, il déglaça.


- Je vous avais dit mon cher, dans moins d’une semaine, elle sera pendue ! Place à la justice s’écriât-il le doigt en l’air.

Il serra son poing puis recouvrit sa main en grand comme pour jeter la viande dans son fond frissonnant.

- Cependant, reprit Navay, j’aimerais bien savoir à qui profitera la mort d’Élisabeth Brington. Officiellement, elle est propriétaire du château et des ressources de ce dernier. Après sa mort, je serais bien curieux d’apprendre qui bénéficiera de ses biens. Je crois savoir qu’elle est sans famille.

- Voila une bonne question Ulysse ! je puis vous donner une réponse.

Ulysse avança sa petite tête et décroisait les jambes.

Il était totalement tourné vers Borger et attendait.


- Dites-moi, sans me laisser languir !

- Et bien une demoiselle tout à fait inconnue qui demeure en Australie, une certaine Mary Cosby. J’ai fait faire une enquête sur cette jeune personne qui n’ pas de dossier chez nous à Londres, sans doute une cousine éloignée ou une amie d’enfance à qui elle lègue tout dans le détail.

- Voila qui est très intéressant…

- En quoi cher ami ?

- Ceci nous informe au moins qu’Élisabeth Brington sait qu’elle est propriétaire de tous ces biens.

- C’est vrai…Je n’y avais pas pensé.

- Que voulez vous inspecteur, on ne peut pas penser à tout !

- Quand à cette Mary, elle est hors de tous soupçons, elle n’a jamais quitté l’Australie où elle est née. Elle n’a donc pas put fomenter la mort de Dorothy Lewis-Parker.

La jolie bonne entrait.


- Si ces messieurs veulent bien passer à table…


Nous nous levâmes et passâmes dans une autre pièce disposée en salle à manger.

Une fois de plus je fus charmé.

Je n’aurais pas cru que Borger fut un homme possédant autant de bon gout.

Sous ses allures moyennes, se dissimulait en fait un homme cultivant un art de vivre devenu rare.

Je ne pus m’empêcher de lui en faire la remarque et je touchais son cœur.

Il avait prévu, je pense contre moi, un vrai déjeuner anglais avec des sauces aux fruits, des plats sucrés, de la gelée de menthe sur des côtelettes d’agneau et un gâteau très épicé aux fruits confits baignant dans une crème aux œufs suspecte.

Pendant tout le repas, il ne fit que s’excuser à mon égard.

Poliment, je mangeais de tout en espérant ne pas tomber malade.

Puis nous passâmes au fumoir ou il nous offrit selon notre gout, pipes cigarettes ou cigares.

Mon estomac s’était prit d’idées saugrenues d’indépendance et il me fallut une bonne heure pour pouvoir le dompter.

J’étais Alexandre et bucéphale.

Je finis vainqueur.

- Je vais envoyer une équipe pour arrêter Élisabeth Brington, dit Borger.

Navay commenta que c’était une juste chose de ne pas laisser les assassins courir. Après avoir bien remercié notre hôte, nous nous excusions et partions faire un tour digestif dit Navay.

- Vous n’avez pas l’air dans votre assiette Sébastien.

- Non, je suis un peu malade je pense.

- Laissez-vous guider.

Il me mena rapidement en direction de l’inconnu en me tenant le bras d’une main ferme.

Mon estomac se rebellait à nouveau.













On voit mieux depuis le paradis

Ou les morts ont des oreilles.


Nous nous trouvions à la porte de la maison la plus haute perchée lorsqu’a l’intérieur de moi, naquit une douleur absolument insupportable.

Navay portait sur moi un regard plein de compassion, de ceux que l’on donne sans économie à son vieux chien aux portes de la mort.

Dans mes vapeurs fiévreuses, j’entendis le son d’un carillon.

J’étais inondé de sueur et mes jambes semblaient bien inutiles à me porter.

La porte s’ouvrit et un ange vêtu de bleu et de blanc apparu.

Navay, tel un Anubis Wallon, m’avait conduit aux portes de mon trépas.

Il y eut un échange de paroles qui me semblaient des cris dans l’eau, puis on m’aida à franchir la subtile limite entre les deux mondes, et, enfin, je pus m’écrouler au seuil de mon tombeau.

On me réveilla pour me faire boire une préparation et à nouveau je sombrais.

Combien de temps restais-je dans mon coma digestif ? Je ne saurais le dire, cependant, j’étais présent tout en étant absent, et je peux rapporter ici les paroles que je pus saisir entre Navay et celle que je reconnus comme Carole Greta-Walking.


Mon ami expliquait que j’étais sans doute victime d’une forme fulgurante de turista et qu’il n’était pas étonnant que je ne puisse supporter tout les plats auxquels j’avais fait honneur.

Ceux-ci étaient pour mon organisme ce que la crevette grise est au palmier dattier.


Madame Greta-Walking comprenait bien ce qui avait put m’arriver, elle-même ne supportait pas la « cuisine » locale.

Avec habileté, Navay se fit rappeler les origines françaises de son hôtesse.


- Je vous ai conté la dernier fois l’histoire de Jean Marche-à-Pied venu s’installer en premier ici, mais j’ai aussi un autre ancêtre français, Mon arrière-arrière grand père se nommait Josephin Holingberg le Gal, il était surnommé le tailleur de natte, car il avait pour coutume de scalper ses ennemis, voyez son portrait ici.


Je ne voyais rien tant mes paupières étaient lourdes mais j’entendais Navay s’extasier tout en détaillant les caractéristiques de cet aïeul.

Son nez retroussé, sa fossette au menton, son grand front intelligent et ses traits caractéristiques des grandes lignées.

Greta Walking présenta aussi Elodie Banloc-de Lys, dites la mère des anges, Laurent Barre-or que l’on disait alchimiste, Lucien Grandvil le célèbre passeur du Channel, Pierrette Mugne de Rey, l’artiste et célèbre cuisinière, Michel Des-Trois-Maillons, et d’autres membres de cette illustre famille.

Elle expliqua en outre, que depuis Josephin Holingberg le Gal, la maison se nourrissait à la française ce qui était, remarqua Navay, certainement la raison du bon teint de pêche de tous les membres de la famille.

Greta-Walking émit toute une série de couinement et de soupirs digne d’une enfant de quinze ans qui vient d’être réveillée par son prince charmant.


- Vous êtes encore une très belle femme, rajoutât-il

Elle soupira

- N’avez-vous jamais été courtisée par le colonel Parker dans votre jeunesse ?

Elle soupira à nouveau.

- Certes, quelque peu.

- Madame Greta-Walking, vous êtes une femme avec qui on peut parler sans amphibologies n’est ce pas ?

- Vous voulez me demander si je l’aimais ? C’est cela ? Et bien oui monsieur Navay, je l’aimais, je l’ai toujours aimé et lui suit resté fidèle toute ma vie, voila la raison pour laquelle je ne me suis jamais marié, je l’aimais et je l’ai attendu.

- Mais il n’est jamais venu ?

- Non, jamais…

- Et vous-même, n’avez vous pas fait un geste vers lui ?

- Non monsieur Navay, une demoiselle respectable ne doit pas agir de la sorte, c’est maman qui aurait dut mais…

- Mais ?

- Elle n’en a jamais rien fait.

- Avait-elle connaissance de vos sentiments pour Roddy Parker ?

- Oui bien sur, je n’arrêtais pas de lui en parler mais elle me répondait toujours « Plus tard, plus tard… » puis elle est morte.

- Puis Roddy Parker à épousé cette demoiselle Lemoulin.

- Oui.

- Vous deviez la détester elle qui vous a volé votre amour ?

- Oh oui, je la détestais et je l’ai détesté lui aussi tout en continuant à l’aimer en secret. La vie n’est elle pas cruelle monsieur Navay ? Haïr par amour, n’est ce pas le pire que l’on puisse mettre dans le cœur d’une jeune fille, d’une vieille fille ?

- Quand cette jeune mariée est morte par… accident… vous avez dut éprouver de l’espoir ?

- Oui et non monsieur Navay, j’étais bien triste pour cette jeune personne. Ce n’était pas de sa faute, elle n’a rien fait contre moi de manière volontaire. Je crois que j’ai fini de la détester lorsqu’elle est morte.

- Et par la même vous avez fini de haïr le colonel Parker.

- Oh il n’était pas encore colonel en ce temps là, mais c’est vrai, dès lors, je me suis rendue plusieurs fois au château pour le soutenir, et madame mère Parker aussi, mais elle était si froide avec moi, si distante et hautaine, j’ai rapidement cessé mes visites, il y avait quelque chose dans ses yeux de curieux. Bien des années plus tard, j’ai cru comprendre que c’était de la peur.

- De la peur ?

- Oui, je ne saurais vous dire pourquoi… Peut être que mademoiselle Lemoulin…

- Madame Parker…

- Oui, peut être que madame Lemoulin-Parker n’est pas tombée toute seule dans le puits, peut être a-t-elle été un peu aidée dans son déséquilibrage par la main de madame mère Parker, peut être que c’est la vieille mère Parker qui a assassiné sa bru. Voila pourquoi j’ai cessé mes visites au château.

- Et vous espériez que Roddy Parker allait faire de lui-même le geste de venir vous visiter ?

- Oui, j’ai espéré et il est parti aux colonies, dirent-ils.

Carole Greta Walking avait la gorge serrée et la voix étouffée

- Et vous êtes restée derrière vos rideaux à le guetter, espérant son retour…

- Oui.

- Et il n’est jamais revenu pour vous.

- Non, … jamais… et il ne reviendra plus.


N’avez-vous jamais entendu le son si particulier de la guillotine ?

Le son du métal qui glisse dans la ridelle graissée ?

Un son tout a fait court et à la fois interminable, comme si la mort sifflait ses démons, un son que l’on ne peut oublier tant il signifie la fin et que, curieusement, on peut entendre parfois au hasard des réminiscences de la mémoire.

Et bien ce son, je puis vous le jurer sur ma petite vie de journaliste-voyageur, je l’ai entendu dans la voix de Greta-Walking et cela a réveillé en moi de tels souvenirs douloureux, qu’en une seconde, je revins à la vie.


C’est une vieille jolie dame au sourire en porcelaine et aux yeux pleins de joie qui m’accueillit.

- Voici notre ami qui nous revient ! S’écriât elle en tapant des mains comme une enfant à la saint Nicolas.

- Debonneville ! Cher complice, comment vous sentez vous ?

- Je renais, Ulysse !

- Bien, excellente nouvelle ! Relevez vous que l’on puisse vous jauger.

Je m’exécutais sans aucun effort, j’étais, remis, ressuscité comme Lazare.

- Boirez-vous un café avec nous ? Demanda Madame Greta-Walking.

- Si vous pensez que mon état ?

- Votre état ? Quel état ? Vous êtes le phénix des hôtes de cette maison… Victory, soyez mignonne de nous porter trois cafés et un petit pot de lait.


La jeune bonne partit en cuisine.

Je cru lire dans ses yeux la flamme d’un désir fou pour ma personne.

Il faut vraiment que je mette au clair quelques petites choses dans ma cervelle.

J’ai dernièrement une attirance toute singulière pour les petites bonnes… Que dirait maman ?


- Madame Greta-Walking, pouvez vous me donner encore quelques informations ?

- Bien sûr mon cher, vous êtes venu ici pour cela n’est ce pas ?

- Quelque peu c’est certain.

- Et bien allons y.

- Combien de fois Dorothy Lewis-Parker a-t-elle quitté le château depuis qu’elle y est installée ?

- Tous les mois de chaque année du premier au cinq quelques soient les conditions météorologiques monsieur Navay et avec une précision toute helvétique.

- Avec sa voiture ?

- Oui, son chauffeur et Élisabeth Brington.

- Et où allait-elle ?

- Ça, il faut demander à Arthur.

- Arthur ?

- Le chauffeur !

- Ah oui, le chauffeur, Arthur…

- Quant aux visites, en recevait-elle souvent ?

- Presque tous les jours.

- Des femmes, des hommes ?

- Des femmes, beaucoup de femmes, je pense que Dorothy Lewis avait plus d’adeptes dans sa secte que le pasteur Crunch dans son église.

- Vous m’avez dit gourou la dernière fois que nous nous sommes vus.

- Non, la première fois, la dernière fois, nous nous sommes vu à la sortie de l’auberge et c’est vous qui n’avez rien voulu me dire.

- Oui, c’est vrai, vous êtes précise.

- Il faut monsieur Navay, il faut.

- Pourquoi gourou ? Que venaient chercher ces femmes chez Dorothy Lewis-Parker ?

- Ce que l’on trouve aussi à l’église monsieur Navay.

- Quoi donc ?

- Du café ! Merci chérie, voudrez vous du lait monsieur Navay ?

- Non, noir merci.

- Et monsieur Debonneville ?

- Un ange…

- Comment ?

- Un… heu… un nuage merci.

- Vous me semblez parfaitement bien rétabli monsieur Debonneville, comment va votre estomac ?

- Dompté madame.

- Et votre cœur ?

- Heu…je… (je bafouillais je ne sais quoi)


La jeune bonne repartait et mon cœur s’émiettait sur le tapis du salon.

- Quelle était votre question monsieur Navay ? Ah oui, que trouve t’on a l’église et que l’on trouvait aussi auprès de madame Lewis ? Et bien, l’écoute, le réconfort, quelqu’un qui abonde dans votre sens, la paix, peut être quelques révélations, des esprits disparus, la mémoire des morts.

- Leurs présences ?

- Hum… Peut être bien… Bien que je ne crois pas dans ce genre de fantaisies orientales… Pour moi, tout ceci n’est que mise en scène !

- Y avez-vous déjà participé vous-même ?

- Non… Je ne vais au château…depuis…

- Je comprends. Et des hommes ?

- Peu, très peu, presque aucun, en fait.

- Qui donc ?

- Quelques rares fois, un ami du colonel qui passe dans les parages pour présenter ses hommage à sa veuve, l’inspecteur Borger qui a coutume de visiter quelques maisons d’ici, et quelques autres fois, surtout ces derniers temps, un personnage mystérieux.

- Un personnage mystérieux ?

- Oui, un homme en noir qui vient le soir.

- Ah bon ? Et pourquoi diable ?

- Pour ne pas qu’on le reconnaisse pardi !

- C’est logique.

- Et vous savez qui était ce personnage mystérieux ?

- Bien sur que non puisque c’est un personnage mystérieux !

- Cependant rien ne vous a marqué chez cet homme ?

- Je dois dire que maintenant que vous m’en parlez, peut être que si, c’est curieux… Comment ceci ne m’a jamais paru comme maintenant ? Il avait parfois une drôle de démarche, comme si certaines fois il avait bu ou s’était drogué.

- Drogué ?

- Oui, drogué… ou ivre…

- Et cet homme entrait par la porte ?

- Mais bien entendue quelle idée pensez vous qu’il traverserait les murs ?

- Et vous n’avez jamais vu d’hommes monter dans la glycine.

- Bien sur que si.

- Et qui donc ?

- Les jardiniers. Monsieur Navay, vous perdez votre temps.

- Seulement les jardiniers ?

- Oui, seulement eux.

- Mais, de votre maison, vous pouvez voir leurs visages ?

- Non bien sur, mais un jardinier, ça se reconnait à sa tenue !

- Oui bien sur.

- Oh, mais je crois qu’il y a de l’agitation au château ! tenez, suivez-moi !

Carole Greta-Walking se levait et tirait deux grands voiles devant sa fenêtre.

Hi, hi… D’ici, ils ne peuvent pas nous voir, mais nous, nous sommes aux premières loges…

Voyez-vous ça…

Un fourgon cellulaire !

Ils vont être bien surpris, pas vrai Ulysse ?

Ulysse ne pipa mot, mais son regard valait bien la joie de Greta-Walking.

Quant à moi, je ne comprenais décidément rien aux curieuses méthodes de mon ami le détective modèle réduit.













Le mirador de l’alouette.


Le fourgon cellulaire tiré par deux puissants chevaux était garé á la porte du château.

Il en sortit trois personnes.

Deux agents et un autre homme habillé en civil.

Borger les rejoignait à pied.


Depuis le lieu ou nous nous trouvions, nous n’entendions évidement rien, mais la surprise et la déception se lisaient sur le corps de Borger et de l’homme en costume.

Les deux hommes entraient dans le château pendant que les deux agents se tenaient à part.


Quelques minutes plus tard, ils sortaient du château. Borger avait l’air de se faire sonner les cloches par son collègue, et il s’excusait en toutes sortes de gestes stéréotypés : la main sur le cœur, les deux bras ouverts tendus vers le sol puis relevés en l’air, la main sur le cœur encore, puis il tendit son bras droit vers la maison en agitant sa main.

Il sortit sa montre.


L’autre homme semblait très énervé et il tapait son doigt contre sa tête en signe de folie.

Enfin, il rappela ses collègues et tout trois montèrent dans le véhicule qui repartait bredouille.


- Voila, c’est fini, dit Greta-Walking, Élisabeth Brington c’est en volée.

- Vous saviez qu’ils ne la trouveraient pas n’est ce pas ?

- Et vous monsieur Navay ?

- Je m’en doutais, bien qu’a un moment, j’ai pensé que…

- Vous en doutiez ? Pensez vous qu’elle n’aurait pas suivi votre conseil ?

- Oui, j’ai cru, j’ai cru qu’elle avait pris le parti de voir ce que lui réservait le sort.

- Monsieur Navay, croyez vous qu’un naufragé en mer resterait impassible à regarder la bouée qu’on lui lance pour le tirer de sa mauvaise situation ?

- J’avoue que je me suis demandé, oui, je me suis demandé… Avez-vous une sortie de service ?

- Oui par la cuisine, derrière, en direction du bois.

- Et bien nous allons vous laissez si vous le permettez.

- Je vous libère monsieur Navay. Transmettez donc mes amitiés à Élisabeth voulez vous ?

- Je n’y manquerais pas madame Greta-Walking.

- Appelez moi donc Carole cher complice. Victory, voudriez vous être gentille de raccompagner ces messieurs à la sortie de service.

- Oui madame, messieurs, suivez moi s’il vous plait.

La petite bonne nous devançait. Je croyais la voir outrageusement dandiner et en plus elle sentait bon, une fois cette affaire terminée, j’envisage, j’envisage…


Déjà nous étions hors de la maison.

A notre droite, un sentier disparaissait derrière la maison.


- Visitions voulez vous ? me dit Navay.

- Un peu de marche nous fera le plus grand bien. Cette femme est bien étrange, et à la fois d’une déroutante sincérité ne trouvez vous pas ?

- C’est l’apanage de l’âge, Sébastien.

- Voyez-vous ça ?

- Cette femme…en somme…si elle avait vu l’assassin, ce que je crois bien… et bien…Oh vous savez… J’ai cru qu’elle… Qu’elle jouait avec moi la première fois que je lui ai parle…. Je…J’ai cru… Je sais…. Je ne sais pas.


Je n’avais jamais connu mon ami de la sorte.

Lui qui avait d’habitude des propos si clairs pour expliquer toutes les situations, à présent, il semblait se refuser des idées, mener un combat avec lui-même.


- Que vous arrive-t-il Navay ?

- C’est étrange. Pour moi, elle est aussi coupable que le meurtrier, bien qu’évidement innocente et pourtant… Elle voit tout. Je crois qu’elle se venge, oui, il est incontestable qu’elle soit heureuse que Dorothy Lewis-Parker soit morte… En quelque sorte, elle a décidé de taire le nom du meurtrier car elle le connait sans aucun doute, non pas pour que je le démasque comme elle semble dire, mais pour que le meurtre de Dorothy Lewis-Parker reste impuni. Même si c’était Élisabeth Brington l’assassin, elle ne le dirait pas… Cependant, ce n’est pas Élisabeth Brington.

- Qu’est ce qui vous fait dire cela ?

- Une intime conviction.


Nous arrivions vers le vieux cimetière.

Un fossoyeur préparait la venue, dans le caveau de Parker, du corps de Dorothy.

Le caveau de famille des Parker était ouvert et un vieil homme ratissait les abords gravillonnés.


- Bonjour monsieur, dit Navay.

- Oh bonjour monsieur Navay je suppose et monsieur Debonneville si je ne me trompe ?

- C’est bien cela.


L’homme était âgé et son visage portait plus de ride qu’un sharpeï de plis. Il avait beaucoup de cheveux très blancs qui s’agitaient au rythme du vent d’ouest qui soufflait un peu plus fort de ce coté de la colline.

Au coin de sa bouche, pendant une petite pipe que l’on nomme brule gueule ou quelque chose comme cela.

Elle était éteinte.

Au sol se trouvait un panier qui laissait discrètement apparaitre, sous une couche de paille, quelques champignons très blancs.

De ses grands yeux bleus pleins de jeunesse et de vivacité, il nous regardait de la tête aux pieds.

Il portait des bottes et une salopette maculées de crottin et de moisissure. L’homme travaillait avec des gants.


- C’est la vieille Parker qui va râler dit-il.

- Comment ?

- Cette vieille dame, la voila avec ses deux belles filles en sa compagnie. Une en dessous, et bientôt une au dessus, un sandwich. Un cercueil en dessous de celle qu’elle aurait put tuer et une autre qui l’a peut être tué avouez que le sort est cruel, il va y avoir des règlements de comptes la haut dit il en montrant le ciel.

- Vous croyez que madame mère Parker à tué madame Lemoulin-Parker ?

- En tout cas qu’elle l’a poussé dans le puits, ah, ça, sûr !

- Et pour quel mobile ?

- Le sang ! madame Parker était très attachée au respect de son rang, cette demoiselle Lemoulin était acrobate, danseuse de cabaret, vous voyez ça vous ? La catin et la comtesse ! Ça ferait un bon titre de roman non ?

- Les gens d’ici semblent encore vivre une vie chevaleresque pleine de valeurs et de serments.

- Non, c’est fini tout ça, fini… le dernier duel c’était il y a bien longtemps… Remarquez que oh !... Tiens dites donc, vous savez qui c’était ?

- Non mais vous allez nous l’apprendre…

- Et bien regardez donc les dates ! Voila. Ici, Bel-Hykue Walking, il y a soixante treize ans maintenant, c’est le dernier tombé pour l’honneur. Battu au fleuret par Charles Parker, voyez comme les pierres parlent.

- C’est le père de Roddy Parker qui a tué le père de Carole Greta-Walking ?!

- Comme vous voyez.


« Je comprends maintenant pourquoi madame Greta Walking refusait de proposer sa fille à Roddy, il est sûr que madame mère Parker aurait refusé cette union, c’est évident » Se dit Navay pour lui-même.


- Et leurs caveaux de famille sont côtes à côtes ?

- Comme leurs maisons, voyez l’ironie de la vie. Voisins dans la vie, voisins dans la mort hein ?...


Le vieil homme semblait satisfait de son trait d’esprit.


- C’est dans ce caveau qu’est le corps de Roddy Parker ? Demanda Navay en pointant le caveau des Parker avec sa canne.

- Bien sur, dit l’homme, en haussant les épaules, vous croyez qu’on l’a mit chez les Walking ?

- Non bien sur, j’ai des propos curieux parfois.

- Je vois ça, enfin je vois, j’entends hein ?

- Oh ! dites moi ça, comme c’est intéressant, Oh ! des meta menardi !, regardez Debonneville comme elles sont toutes petites.

Navay était à la porte de la petite chapelle où de minuscules araignées étaient sur le seuil et prenaient le soleil.

Les petits insectes semblaient prendre un grand plaisir à ce bain d’astre, leur démarche était vive.


- Et bien nous allons vous laisser à votre ouvrage repris Navay, il ne me reste plus qu’a vous souhaiter une bonne journée.

- Également messieurs.


Nous nous éloignâmes.


- Les pierres parlent… Avez-vous remarqué cette jolie phrase Debonneville ?

- C’est une métaphore repris-je, les pierres parlent, les murs ont des oreilles…

- Les murs ont des oreilles… hum… et si nous allions voir au château ce qui s’y passe. Borger doit être dans tous ses états.

- Vous lui avez joué un bien vilain tour.

- J’ai horreur de perdre savez vous ?

- Ce n’est pas une raison pour tricher !

- Tricher ? Qui a dit que j’avais triché ?

- Je vous ai vu Ulysse.

- Ah oui, vous étiez là, suis-je bête !...

Le ter un mi, né du petit bout re

Le ter un mi, né du petit bout re


Au château, Borger n’était pas là.

Seul restait l’inspecteur Grunner assit au salon qui attendait le retour éventuel de madame Brington.

On le trouvait miné sur canapé.


- Inspecteur, qu’avez-vous donc ? Vous me semblez éteint dit Navay à sa vue.

- Je vous attendais monsieur Navay. Savez-vous ?

- Que sais-je ?

- Élisabeth Brington s’est enfuie !

- Enfuie ! Quelle horreur ! mais… Comment ?

- Personne ne sait, elle s’est enfuie pschitt !

- Pschitt ?

- Pschitt monsieur Navay !

- Oh ! Et où en êtes-vous de l’inventaire des affaires de madame Lewis-Parker ?

- Ça vous intéresse ?

- Oui bien sur, pas vous ?

- Si, si, bien sûr, tenez, il est sur la table là, L’inspecteur honoraire Borger vient d’y jeter un coup d’œil avant de partir.

- Où donc ?

- Je ne sais pas, il n’a rien dit.

- Ah, et qu’avez vous découvert dans cet inventaire ?

- Lisez vous-même, je ne vois rien de spécial personnellement, une liste de vêtement de prix….

- Seulement ?

- Oui, seulement des habits de couturiers, des fourrures, des soieries, des caftans, que du beau linge…

- Pas de mallette ? d’accessoires ?

- Non, aucun, du linge de grande dame, certains neufs, jamais portés.

- Hum, hum, cela confirme donc…


Un jeune homme se présentait à la porte du château. Il était tout rouge et essoufflé et tenait dans sa main trois télégrammes à l’adresse d’Ulysse Navay.

Mon ami s’en saisit en échange d’une pièce d’une guinée pour le jeune homme qui, en une seconde, reprit une respiration normale et repartit en sifflotant.

Navay ouvrit le premier télégramme et émit un grognement. Le second lui fit se racler la gorge et quand il ouvrit le troisième, il fut pris d’une agitation frénétique.


- Oh ! Oh ! s’écriât-il.

- Quoi donc Ulysse ?


L’inspecteur Grunner leva les yeux vers nous.

- On m’a cambriolé !

- Ah bon…Dit l’inspecteur en se levant.

- Oui, dit Navay. Il tendit le télégramme au fonctionnaire. Celui-ci lut à haute voix :


Monsieur stop

Votre retour immédiat stop

Maison cambriolée stop

Nombreux objets volés stop

N’avons touché à rien stop

Attendons votre retour imminent stop

Signé Alfred stop


- Quelle honte ! cria l’inspecteur

- Mon dieu, on a touché à mes affaires ! MES AFFAIRES ! Mes Affaires à Moi qui… Je le retrouverais.

Navay était en rage.

- Quel dommage, quinze minutes plus tôt et vous auriez put profiter du fourgon qui rentrait à Londres

- Qu’importe, le prochain train est à… à quelle heure ? Qu’importe, filons à la gare, nous verrons bien, vite, vite… Inspecteur Grunner pourrez vous prévenir Borger ? Dites lui de garder mes affaires en gage de son invitation et soyez gentil, dites lui de payer une couronne de fleur pour Dorothy Lewis-Parker de ma part, je le rembourserais à mon retour, qu’il y déduise la couronne qu’il me doit…

- Bien monsieur.

- Allons ! Vite, vite…

- Vite monsieur Navay ! Vite !

L’inspecteur continuait de crier « vite » alors que nous nous éloignions à grand pas en direction de la gare.


- Laissez-moi-vous assurer de mon soutien Ulysse.

- Pourquoi donc ?

- Votre maison, le cambriolage…

- Ah, vous y avez cru aussi ? Bien, je suis meilleur acteur que je ne le pense alors. N’en ai-je pas fait trop ? Ne ralentissez pas et rangez votre air sidéré, les fenêtres ont des yeux !

- Vous avez tout mit en scène ?

- Bien entendu et arrêtez de sourire, les yeux ont des cerveaux !

- Mais pourquoi ? dis-je en fronçant les sourcils l’air préoccupé.

- Tout le monde sait tout dans ce village, c’est un enfer ! Il me fallait un alibi ! Dit Navay le visage rougeoyant en levant les bras en signe de désespoir. Il me fallait un moyen de quitter le bourg, affirmait-il les points rageurs, les cartes sont truquées. Pendant mon absence, vous allez visiter le chauffeur. Demandez lui si madame l’avait commandé et pour quelle destination. Il frappa un tilleul innocent de sa canne. Renseignez vous du poids de ses malles à l’aller et au retour.


Il envoya voler un caillou de l’autre coté de la rue d’un swing que n’aurait pas snobé Sir Walter Scott qui fut en écosse, comme tout le monde le sait, en 1744, le capitaine du premier club de golf « Honourable company of Edinburg Golfers ».

- Visitez innocemment le prêtre reprit il, vous avez certainement des péchés à confesser, j’en suis sur et puis madame Wilington, les jardinier et qui vous voulez encore… Occupez vous, écrivez votre article !;.:¡¿?...!

Il levait les points en signe de rage, je déplorais.


Nous arrivions à la petite station de chemin de fer alors que le train se profilait à l’horizon.


- Bonjour, un ticket pour Londres en première je vous prie !

- Il n’y a pas de première sur ce train monsieur, il vous faudra changer au prochain arrêt.

- Qu’importe, servez moi !


Avec une langueur sans doute calculée comme savent (car peuvent) les agents, le préposé, saisit sa plume, la nettoya, soucieusement.

Il la trempa, méticuleusement, dans l’encrier, qui se trouvait, devant lui.

Navay piétinait comme un cheval en stalle de départ au derby d’Epsom.

L’agent, traçait, sur son cahier, des caractères, illisibles avec, sur le visage, l’expression concentrée, d’un calligraphe, japonais.

On devinait, sous son horrible moustache frisée au fer trop chaud, un petit bout de langue rosâtre.

Cette opération, pourtant simple, semblait se prolonger, indéfiniment, dans le temps.

Après avoir noté sur son cahier, l’homme, saisit un carnet. Il était à souches.

A nouveau, il se lança, dans la précieuse gestuelle, consistant à gribouiller, avec lenteur, un indéfinissable aggloméra, de boucles, et de traits.

Enfin, il posa sa plume, puis, avec la précision d’un tailleur de diamant, il commença à déchirer le ticket.

De Navay, sortait un son qui me rappelait l’inauguration du métropolitain. Un son grave, monocorde, infini. Au milieu, on entendait les fibres du papier se séparer, en un son, qui, m’évoquait, une cascade de gravier.

Enfin, l’homme saisit une casquette, qu’il vissa sur sa tête, avec précision. Il émit un son vocal, ou, je cru, reconnaitre un chiffre.

Navay posa un billet de cinq livres sur le guichet.

L’homme, le regarda hagard (ah, ah)

- Je n’ai pas de monnaie, dit-il l’air sadique.

Il restait figé, les yeux brillants de bêtise sur nous.

La grosse machine était à quai et inondait le ciel d’une épaisse fumée noire tout en envoyant régulièrement sur le quai un nuage de vapeur.

Les passagers étaient depuis longtemps descendus des wagons immobilisés et engagés chacun dans leurs destinations propres.


Navay farfouillait dans ses poches et en sortait un petit tas de monnaie.

Le guichetier, se mit à compter, comme cela devrait être interdit, tant il était lent.

Repus de piécettes et satisfait, il donna son billet à Navay.

Nous nous engagions sur le quai.

Là, l’homme nous arrêta avec un geste autoritaire, la main tendue, paume au devant.

- Stop ! criât-il comme à sa mule.

- Quoi donc ? dit Navay agacé.

L’homme montra sa casquette, qu’il avait changée entre temps. Sur cette dernière, il était noté : composteur.

- Billet s’il vous plait, reprit il.


L’homme prit le billet, et l’observa avec suspicion. Il posa son regard inquisiteur sur Navay, à nouveau sur le billet, Navay, le billet…

Il fourrageât dans sa poche, et en sortit une pince à composter.

Il resta quelques secondes à l’arrêt, prêt à faire le geste.

Il semblait réfléchir.

Enfin sans mot dire il composta le billet de Navay changeât de casquette pris son sifflet siffla donna au conducteur le signal pour le départ du train et rendit le billet à Ulysse.


Je vis mon ami courir sur le quai et bondir dans un wagon de troisième qui, déjà, avait pris le départ.


Je restais figé sur le quai à observer tout à la fois le train qui s’éloignait et le fonctionnaire l’air beat du crétin satisfait.


- Ici, c’est moi le chef ! dit il avant de claquer des talons et de rentrer dans sa coursive.


J’hésite entre les termes, hallucinant, surréaliste, fantasmagorique, absurde ou administratif.


La fumée du train était depuis longtemps dissipée quand je débloquais mon cerveau à la recherche du terme exact.

La langue est parfois fort pauvre pour nous, témoins du temps.

Je décidais arbitrairement, et j’en demande par avance pardon à mes pairs, de considérer tout ceci comme adminilucifoutrafantasdictafougorique, un composé dont la définition est :

Nm, Administrativement luciférien, outrancier fantastiquement dictatorial, fou dans l’expression allégorique de cet art qu’est le plaisir sadique du petit caillou remplaçable à venir se coincer dans l’appareil d’état par le truchement volontaire de l’engrenage des échelles hiérarchique.


Mais voila moi-même que je déraille.

Ceci étant dit, et pour finir, je signifie un verbe du premier groupe en ER, un qualificatif en EMENT et un pluriel en S.


Je me décidais à reprendre mon chemin.

Je n’eus pas grande distance à parcourir pour tomber sur le pasteur Crunch en grande discussion avec celle qu’il appelait madame Brown.


- Monsieur Debonneville, parlez lui !

- Mais de quoi donc ?

- Monsieur Debonneville ! Le pasteur refuse de célébrer l’office pour madame Lewis-Parker !

- Je ne suis ni un imam, ni un sorcier vaudou !

- Qui vous parle de ça ?

- Cette… cette… femme !

Le pasteur était visiblement en rage.

- Cette sorcière ! reprit il.

- Mon père… Madame Brown avait les yeux bordés de larmes. Oh mon père, vous le devez à cette pauvre femme !

- Une sorcière, un gourou ! Le diable personnifié ! Une… Une…

- Mon père, mais elle est morte… assassinée !

- On aurait dut la bruler pendant qu’elle était encore en vie !

- Vous êtes un monstre ! Un détestable personnage sans foi et sans cœur ! Un misérable trousseur ! Un corbeau immoral ! Vous êtes… Vous êtes…. Un eunuque !


Elle tourna le dos à Crunch et partit.


Le pasteur était figé.

De grosses gouttes de sueur dégoulinaient de son front et il était tendu comme un arc.

Il était un son indescriptible chargé de rage et de haine, et ses poings serrés laissaient apparaitre la marque blanche de ses jointures.

Dans son esprit, il devait certainement visualiser madame Brown en cinq morceaux posés chacun sur la pointe d’un pentacle ou je ne sais quoi.

Le fait était qu’il se trouvait bien loin des préceptes de sa bible qui subissait la pression de sa colère, serrée dans sa main droite.

L’image d’un déchireur d’annuaire me vint à l’esprit.

Je crois que si madame Brown et le pasteur s’étaient disputés dans les bois, il l’aurait tué avec les dents !


- Pasteur Crunch, oh, oh, pasteur Crunch, dis-je doucement.


Il avait les yeux rivés sur le dos de madame Brown qui partait.

Il lui fallut quelques secondes pour qu’il prenne acte de mon appel à sa raison.


- Oui quoi ? Qui êtes-vous d’abord ?

- Je suis Sébastien Debonneville, l’ami d’Ulysse Navay.

- Ah, oui, Navay ! (Ses yeux étaient toujours au loin) … Fasse que la police ne retrouve jamais celui qui a tué Dorothy Lewis-Parker et que l’âme de cette maudite femme erre sans repos jusqu’à la fin des temps.

- Pourquoi dites vous cela ?

- Cela ne vous regarde pas, adieu monsieur.

- Je voulais vous voir pour confesse…

- Confesse, c’est le jeudi.

- Mais c’est aujourd’hui !

- Le matin seulement, adieu.


Il me laissait planté la comme un…non !

J’étais décidé à rattraper madame Brown. Il me fallut courir un peu pour arriver à son niveau.

Quand elle entendit le son de mes pas, elle se figeât.

Je lus de la peur dans son dos.


- Madame Brown, c’est moi, Sébastien Debonneville.


Immédiatement, elle se détendit et se mit à pleurer sur elle et sur sa patronne, sur Élisabeth Brington et ce monde injuste et cruel qui nous sert de prison sans barreaux.


- Cette pauvre madame Dorothy, elle va errer en enfer sans les saints sacrements. Il n’a pas le droit… Cet espèce de pithécanthrope, cet… ours inculte. Il ne peut pas refuser cela, ce n’est pas possible. Pour qui se prend-il ? Est-il dieu ? Qui est-il pour juger les gens ? Si elle s’était suicidée ! mais non, non, non…

- Rentrons…

- Où ?

- Et bien ? Au château pardi !

- Au château des maudits !

- Madame Brown, détendez vous, respirez profondément, ça va passer… allons…














Pasteur de secours et confidences chauffées.


Nous étions dans la cuisine du château.

Madame Brown continuait son triste inventaire des malheurs du monde.

Autour de la grande table flanquée de bancs, étaient installés les deux petites soubrettes qui seraient aussi de commis de cuisine et le chauffeur

Nous étions installés devant une tasse de thé et des biscuits.


- Nous pourrions trouver un autre prêtre, déclara le chauffeur, en moins d’une heure, je peux faire l’aller- retour pour Combersburg. C’est mon neveu qui s’occupe des affaires du pasteur Dess depuis que sa femme est morte. Je ne doute pas qu’il saura le convaincre de nous assister pour une fois.

- Pourquoi pas, m’entendis-je répondre.

Même, si le pasteur refusait, c’était toujours pour moi l’occasion de parler seul à seul avec Arthur.


Ainsi, sans plus attendre, nous nous dirigeâmes au garage ou une superbe Rolls Royce Silver Ghost du début de notre siècle attendait sous sa bâche qu’on lui fasse prendre l’air.

Par reflexe, Arthur m’ouvrit la portière arrière pour que je prenne la place du maitre.

J’insistais pour m’installer à l’avant à son coté.

Il parut assez déstabilisé par mon attitude.


- Je suis comme vous Arthur, je travaille aussi pour Dorothy Lewis-Parker en quelque sorte.


Cette phrase suffit à briser toutes les barrières sociales.

Dès l’instant, j’en étais.

Le véhicule démarra dès le premier tour de manivelle et nous sortîmes du garage.


- C’est une belle voiture.

- Ouhai, c’est celle de monsieur, modèle 1909, six cylindres discrets et élégants, garnitures en cuir, carrosserie en aluminium, pare-brise avant et arrière. Je peux même décapoter si tu veux, seulement ça fait tomber la pluie.

- Non ça ira comme ça. Que faisait donc Roddy Parker qui lui imposait la possession d’un tel carrosse ?

- L’élégance de l’homme aboutit, le standing et la chasse.

- La chasse, avec une telle automobile ?

- Ça dépend de ce que l’on chasse, le colonel était plutôt partisan de la chasse à la poule… Jusqu'à la fin, il fallait qu’il trouve de quoi se réchauffer le ventre tu vois ?

- Hum…

- Remarque bien qu’on ne peut pas lui en vouloir, quand on passe sa vie seul à l’étranger, les nuits sont longues, et puis… Les petites indigènes affamées ne sont pas trop difficiles à convaincre tu vois ?

- Oui, j’imagine.

- Roddy Parker avait un faible pour les jeunettes du spectacle, actrices, danseuses de cabaret, chanteuses…

- Oui, j’en connais d’autres.

- Oh surement, dans ton métier, tu dois en voir de belles, les couloirs du haut monde et du pouvoir sont remplis d’anciennes « lève la jambe ».

Moi j’ai toujours pensé que ces beaux messieurs donneurs de leçons devaient surement faire comme les autres, on est tout pareil pas vrai ?

Comme ce grand corbeau de Crunch, il n’est pas marié, tu penses, toujours là pour critiquer un ou l’autre et madame… Mais s’il regardait un peu dans son rétroviseur de temps en temps, il pourrait bien voir que toutes les casseroles ne se sont pas détachées de son pare-choc.

Remarque pour les prêtres c’est différent, ils peuvent s’auto-absoudre…

Ça se dit ça s’auto-absoudre ?

- Il me semble, oui, je pense.

- Alors si ça peut se dire, c’est bien que ça se fait.

- C’est un raisonnement…

- Crunch, il a bien trois femmes ou quatre dans son harem mais ça ne semble pas trop le gêner, en tout cas, ça ne l’empêche pas de marcher la tête haute et de trainer son air de coq prétentieux aux quatre coins de la ville. Ce mec c’est un genre de verrue d’inquisiteur si tu veux mon avis.

- C'est-à-dire ?

- Le genre à violer une gamine avent de la mettre au bucher comme sorcière tu vois ? Façon… Jeannine, non merde…Comment elle s’appelait elle déjà, votre pucelle pas pucelle ?

- Hein ?

- Si tu sais c’est sûr, la minaude loquée comme un guerrier là, celle qui nous a foutu dehors… Oh, y a longtemps… Merde, j’connais qu’elle ! P’tain, coiffée comme un garçon d’écurie… D’archer, d’arbal… d’arc ! Jeanne d’Arc c’est ça non ?

- Oui, Jeanne d’Orléans.

- Oh, vous les français, vous êtes trop fort pour inventer des histoires ! Jeanne d’Orléans, la bergère aux ongles vernis ! Vous ne m’avez pas crue alors vous m’aurez cuite ! Ah !


Je ne répondis pas à l’affront, ça n’était pas l’endroit car on ne frappe pas un homme qui conduit.


- Vous dites que Crunch a des maitresses à Lingburg ?

- Oh ouhai, comme je dis, au moins quatre, mais sa principale… C’est Wilington, La Wilington…

- Vous ne semblez pas trop l’apprécier…

- Elle ? A trop souvent se pencher sur ses plantes, on a bien trop souvent les fesses en l’air.

- Oh !

- Ben quoi ? C’est vrai quoi, c’est la nature quoi. Ne me dit pas que le bon dieu ne t’as pas servit toi non plus !

-

Je ne savais quoi répondre, le chauffeur accélérait, j’embrayais.


- A votre avis, il a fait des avances à Dorothy Lewis-Parker ?

- Oh sûr, plutôt deux fois qu’une. On dit qu’une fois il l’a coincé dans le confessionnal. Vous ne trouvez pas bizarre toutes ces femmes qui vont à con-fesse vous ?

- C’est une racine latine.

- Ça n’empêche, racine ou pas, y a bien une tige au bout…

- Vous pensez que c’est pour cela que Crunch détestait Dorothy Lewis-Parker ?

- C’est possible, deux ou trois fois elle lui avait claqué le beignet en lui rappelant la chose.

- Ça aurait put lui couter sa chaire à Crunch.

- Ouhai, et a madame Parker sa vie tu ne crois pas ? En plus, je sais que Dorothy Lewis-Parker l’avait démasqué en train de vendre des choses à Londres, des choses qui normalement auraient dut rester dans la paroisse tu vois ?

- Quels genres de choses ?

- Des dons, des…merdes !...heu…attend… ouhai, ex-voto c’est ça ?

- Vous êtes sûr ?

- Un peu que j’suis sur, même que Madame l’avis noté sur son calepin, heure et lieu.

- Dorothy Lewis-Parker tenait un calepin secret ?

- Oui, elle notait tout, c’était une espèce de manie chez elle, une fois je l’ai entendu parler de son égide, je n’en sais pas plus mais à mon avis, son calepin, c’était ça son bouclier, les gens sont mauvais tu sais ? et plus on monte, plus ils sont vicieux hein ?

- Oui je le pense aussi.


Le silence s’installait.

Nous roulions dans le confort sur une petite route qui serpentait entre les collines verdoyantes.

Au début de notre trajet, nous avions longé la voie de chemin de fer. Depuis un bon moment déjà, nous nous en étions écartés.

Maintenant, nous nous trouvions sur une voie toute droite, sans doute vestige des lubies géométriques de quelques romains qui avaient, pour instrument de colonisation, en plus de leurs armées, des fils à plombs.


De chaque cotés, des murets de pierres recouverts de mousses, quelques arbres penchés vers les terres… Lorsque surmontions les collines, on pouvait voir l’océan gris parsemé d’écumes comme un gâteau au chocolat est garni de sucre glace.

Au loin, quelques moutons comme des fleurs de cotonniers et des petites maisons en pierres grises recouvertes de toits de chaume au dessus desquelles planaient les mouettes.

Rythmant le chemin, ici et là, quelques croix celtiques patinées par le vent et la pluie, les ruines de ce qui fut au VIème ou VIIème siècle, une abbaye ou un château, laissait voir au touriste que j’étais, l’affleurement de ses murs, mémoire de ce qui fut le royaume de Cornouaille disparu en huit cent et des choses.


- Ah le phare, encore cinq miles et on y est, me dit Arthur.

- Alliez vous souvent à Londres avec madame Parker ?

- Du premier au cinq tous les mois.

- Seuls ?

- Non, avec Élisabeth Brington, ces deux là, elles étaient toujours collées l’une à l’autre, je crois qu’elles s’aimaient.

- Hein ?

- Non, n’allez pas penser ce que je n’ai pas dit, ce que je voulais dire, c’est qu’Élisabeth Brington était surement la seule personne que pouvait supporter madame de l’autre coté, Élisabeth, pour épauler dragon, il fallait qu’elle l’ait dans son cœur parce que la maitresse, pfou ! Quel caractère ! Jamais contente ! jamais, jamais ! Un caractère mon vieux !

- Et pourtant, vous ne semblez pas lui en vouloir…

- Oh non, on est comme on est, ça n’était pas une mauvaise femme, juste une pas contente, pas heureuse, pas satisfaite, pas aimée…

- Parker ne l’aimait pas ?

- Vous croyez qu’il l’aimait ? S’il l’aimait, belle comme elle était, il ne l’aurait pas enfermé dans son château comme un poisson rouge dans un bocal, il l’aurait surement emmené avec lui par le mon de non ?

- C’est vrai, je n’y avais pas pensé.

- Il l’a épousé comme ça, clac ! En une nuit, ivre-mort je crois, c’est l’ancien chauffeur, Winston qui m’a raconté ça. A la fin de la soirée, ils sont entrés chez un sacerdoce ami de monsieur et il est sorti marié ! Avec une actrice de seconde zone ! Si madame mère avait sut ça, elle aurait fait déboucher le puits surement !

- Vous y croyez à cette histoire de puits ?

- Sûr, sûr et certain ! La vieille dame respectable avait bien des secrets elle aussi…

- Mm… Et ou allait madame Lewis-Parker lorsqu’elle allait à Londres ?

- Chez une fille, heu… Eltsine, non, Gulden, je ne sais plus, une vieille fille en tout cas… Une dame je dirais. Elle faisait sortir ses malles, et je revenais cinq jours plus tard. A Londres, Dorothy Lewis-Parker faisait sa vie et moi la mienne, j’ai de la famille dans la city, pour moi, c’était bonnard !

- Avait-elle beaucoup de bagages ?

- Hou ! Une montagne ! A chaque fois on aurait cru qu’elle déménageait !

- Et c’est vous qui chargiez la voiture ?

- Oh non, je suis trop vieux ! C’est les jeunes Brown qui faisaient ça, ils n’étaient pas trop de deux, à croire qu’elle emmenait les meubles avec elle !

- Et au retour ?

- Ben, pareil.

- Les malles étaient aussi lourdes ?

- A ça je ne sais pas, A Londres c’est les gens de la maison de la vieille dame qui harnachaient les malles. Arrivé au château, moi, je filais aux commodités. Avec l’âge et les vibrations de la route, enfin, je ne vais pas te faire un dessin hein ?

- Non ça va, je crois que j’ai compris. En somme vous n’avez aucune idée de ce que Dorothy Lewis-Parker faisait à Londres.

- Non, aucune.

- Et vous n’avez jamais cherché à savoir ?

- Non.

- Le jour de sa mort, Dorothy Lewis-Parker préparait ses bagages, vous avait elle prévenu qu’elle souhaitait voyager ?

- Non.

- Peut être allait elle partir par le train ?

- Le train ! Ah, ah ! Oh ! soit sérieux s’il te plait ! Ah, ah ! La grande Dorothy Lewis-Parker ! Voyager par le train ! Impossible, absolument impossible mon vieux !

- Est-ce qu’il était possible qu’elle décide d’un voyage à Londres au pied levé ?

- Oui et non.

- Drôle de réponse !

- Oui, c’était possible bien sûr, tout est possible, et non aussi parce qu’elle m’aurait prévenu au moins pour que je prépare la voiture. Londres, ce n’est pas la porte à coté et puis je ne loge pas au château moi.

- Ah bon ?

- Non, j’habite à la barrière. Nous, mon frère et moi, on garde la barrière du train de Lingburg. A deux, on s’organise, ça nous laisse des jours. Une fois par semaine j’entretien la voiture, cinq jours à Londres, et le reste du mois je le partage entre la barrière et les bricoles de la vie quoi. Je suis l’entraineur de l’équipe de criquet. Tu sais, le criquet, c’est des sports nationaux chez nous. Les règles qui régissent le jeu, furent écrites par le Marylebone Cricket Club de Londres vers 1788, c’est un sport qui est pratiqué dans toutes les colonies du Commonwealth et qui…


Je me sentais obligé de recentrer notre discussion.


- Vous vous étiez donc arrangé avec le château ?

- On s’était arrangé comme ça, pas avec madame, non, mais avec Élisabeth Brington. Si elles avaient besoin de moi, elles savaient ou me trouver, il fallait seulement qu’elle me prévienne par avance c’est tout.

- Vous est il déjà arrivé de voyager entre le cinq et la fin du mois.

- Oui, des fois, rarement.

- Et combien de temps avant vous avait on fait prévenir ?

- Heu, le plus court, c’était au moins la veille… Oh ouhai, facile la veille, au moins vingt quatre heures avant, facile.

- Cette fois, personne n’est venu vous prévenir d’un départ prévu ?

- Non, je peux le jurer tu sais.

- Non, je vous crois Arthur. Dites moi, vous croyez que Dorothy Lewis-Parker voyait un homme à Londres ?

- Ça, je ne sais pas, comme je t’ai dit, je la posais et je partais, je revenais cinq jours plus tard… peut être qu’elle allait à Covent-Garden ou ailleurs. Sincèrement, ce que faisait Madame Parker, aucune idée.

- Il n’y a donc qu’Élisabeth Brington qui pourrait nous dire cela ?

- Oui, Élisabeth, c’était l’ombre de madame, il n’y a qu’elle qui peut savoir. Élisabeth Brington, dans la maison, entre nous, on l’appelle madame Parker deux, c’est dire.

- Comment est elle arrivée au château ?

- Qui ça ?

- Élisabeth.

- La valise sous le bras et les cheveux sales.

- Et elle a pris son poste directement ?

- Oui, le lendemain elle à pris la maison en main et elle ne l’a plus lâché jusqu'à ce matin. Ça y est, on est arrivé.

La voiture était garée au pied d’une haute façade austère et grise. Il n’y avait ni pelouse, ni jardinet, ni fleurs.

- Bon, j’y vais tout seul, allez vous balader, je vous trouverais.


Combersburg était un village comme on en trouve mille sur l’ile-pays des anglais : Des maisons grises en pierre locale bien taillées, quelques constructions en brique rouges aux toits noirs, des jardinets et des vieilles dames vêtues de noir et de dentelles.

Au loin, pouvais voir un terrain de jeu de balle au pied que l’on nomme dans cette langue football et dont de nombreux hommes éclairés tentèrent d’interdire la pratique car il est évident que ce sport est pour les cerveaux humains ce que le « calu » est pour celui des moutons. Pour ceux qui ne connaissent pas le « calu », je prendrais comme exemple la leishmaniose pour celui des chiens.

Ses règles furent fixées en 1846, et en 1855 fut fondé le « Sheffield Football Club ». En 1862 fut fondé le « Notts County » puis, un an plus tard au mois d’octobre, fut crée la « Football Association » à la taverne « Freemasons », sise rue Great Queen de Londres.

Il faudra attendre 1872 pour voir la première partie internationale entre l’Angleterre et l’Écosse.


Je me faisais l’impression d’un touriste venu se reposer dans ce petit coin des Cornouailles, jouant à la fois au visiteur et au guide.

Je dois dire qu’a ce moment, je pris conscience du vide dans lequel je me débattais et de l’immobilité de ces contrées en bas à gauche lues sur une carte.

J’enviais mon ami Ulysse qui lui, pouvait profiter des plaisirs londoniens pendant que moi…


Il fallut moins d’une demi-heure pour que le diacre arrive à convaincre le pasteur de Combersburg et que j’entende la corne de la voiture qui me rejoignait.

A l’arrière de celle-ci, se trouvait un vieil homme au corps sec, au crin blanc et au visage plein de bonté et de compassion.

Il feuilletait son missel comme un acteur se repasse son texte avant de monter en scène.

Nous échangeâmes les salutations d’usage et reprenions la route en sens inverse.













Le vernis craque chez Wilington


Quelle tristesse un enterrement sous la pluie !

Alors que tout semblait en ordre, les nuages s’amoncelèrent rapidement sur nos têtes, et, à peine le cercueil de Dorothy Lewis-Parker était il sortit du château, qu’une abondante giboulée se déversa sur les personnes et curieux, amis et commères, réunis pour accompagner la défunte dans son ultime demeure.

L’office fut célébré en plein air sous un vent démoniaque par un pasteur détrempé devant la porte de la petite chapelle du cimetière des pionniers.

Il y avait presque tout Lingburg je crois. Parmi les présents, on pouvait voir, beaucoup de vieilles dames, les employés de la maison, l’inspecteur Borger évidement ainsi que Grunner, et quelques inconnus venus des alentours saluer le corps de la veuve Parker.

Parmi toutes les personnes présentes que nous connaissons, étaient absentes, le pasteur Crunch évidement et madame Amanda Wilington.

Carole Greta-Walking était accompagnée de sa jolie bonne et elle portait deux couronnes identiques.

Une pour Dorothy Lewis-Parker et une autre pour son caveau familial comme si l’une pouvait annuler l’autre pensais-je, je ne saurais dire pour quelle raison.


L’office célébré, Arthur raccompagna le pasteur Dess à sa maison. Le prêtre était trempé comme une soupe, il eut bien du mérite à remplir sa mission.

Quant à moi, je retournais au château avec la plupart des gens qui étaient restés jusqu'à la fin malgré les conditions climatiques.

Madame Brown avait préparé une collation pour tous ceux qui voudraient se réunir une dernière fois et célébrer la mémoire de la défunte.

Il y avait, dans la grande salle du château, quelques vieilles dames qui reniflaient dans leurs mouchoirs brodés, et dont les vêtements fumaient, les enfants Brown, les employés de maison et l’inspecteur Grunner qui mangeait comme pendant une troisième mi-temps de rugby.

Clark Brown était installé dans un fauteuil et, en l’observant ainsi que le tableau qui se trouvait derrière lui et qui représentait Charles Parker, je fus stupéfait de rencontrer ce qui était, pour moi, plus qu’une simple ressemblance.

Bien que pour moi, tous les anglais se ressemblent, blonds, longs, blancs, je fus tout de même touché par la similitude des traits.

Dans mon métier, je suis bien sûr plus qu’habitué aux histoires de patron et de bonnes… Je me demandais…

Est-ce que par le plus grand des hasards, Clark Brown pourrait être le fils de Roddy Parker ?


Madame Brown me regardait les yeux bordés de larmes et me fit signe de la tête pour me dire que j’avais raison.

Cette femme a décidément un don pour lire dans les pensées me dis-je.

J’attendis que le lunch se termine en observant Clark.

Le jeune homme avait un bon port, des gestes raffinés bien que masculins, le regard lointain et une noblesse naturelle, instinctive, qui relevait son évidente apparence l’élite titrée de ce pays.

Madame Brown m’évitait avec adresse, repoussant à plus tard mes inévitables questions.

Je décidais de laisser la réunion se terminer sans moi et, profitant d’une pause temporaire de la pluie, ou les dernières larmes des pleureuses seraient versées, je décidais d’aller visiter madame Wilington pour me rendre compte de son état.

Le temps que la pluie reprenne, j’avais fait les quelques centaines de mètres qui séparent le château et la maison de la botaniste.


Je sonnais.

A nouveau, une délicieuse petite soubrette se présenta devant moi.

Décidément, me dis-je les bonnes sont bien adorables par ici.

- Monsieur ? me dit la demoiselle tout sourire.

- Je suis Sébastien Debonneville, le journaliste, je souhaiterais rencontrer votre maitresse.


La demoiselle me proposa d’entrer et m’installa dans un petit salon où je pris place dans un e confortable bergère.

Richement garni de plantes vertes, l’endroit était décoré d’une bibliothèque et d’une meuble vitrine dans lequel étaient exposés toutes sortes d’objets plus ou moins antiques allant de la période romaine aux trésors d’un passé plus proche.

Je déambulais dans la pièce tout en semblant percevoir de l’autre coté de la porte, le son d’une agitation frénétique.

Je crus entendre les mots "noir, gnons, hutte".


Environs dix minutes plus tard, je fus introduit dans une pièce sombre aux rideaux tirés ou je trouvais madame Wilington installée dans un fauteuil comme une reine mère, vêtue de noir, un voile couvrant son visage.


Dès mon entrée, elle se leva en reniflant, remonta son voile sur ses cheveux et me présenta une face attristée aux yeux rougis.

Je lui baisais la main et c’est à ce moment que je senti l’odeur d’un oignon.

Des mots se formaient dans mon esprit. « Vite, ma robe noire et un oignon »

J’étais prêt d’assister au « one women show » d’Amanda Wilington et j’en eus pour mon argent si je puis dire.

Elle reniflait comme un pistard et faisait trembler sa voix comme si elle jouait une tragédie grecque.

On nous apporta du thé.


Je laissais Amanda Wilington faire son numéro pendant un quart d’heure jusqu'à ce qu’elle tarisse d’elle-même.

A ce moment, je tapais des mains gravement comme pour saluer sa performance.

Elle me regarda outrée.


- J’espère que vous êtes meilleures botaniste qu’actrice chère madame. Tant de démonstration de tristesse me laissent à raisonner que vous n’en pensez pas un mot.

- Sortez d’ici immédiatement, sortez de ma maison, criât elle outrée.

Je m’apprêtais en prenant ma canne et mon chapeau. Je me tournais vers madame Wilington et l’arrosait d’un regard server plein de reproches et de suspicion. Son visage se radoucissait.


- Vous avez raison cher monsieur, vous avez raison dit elle vaincue. Reprenez place je vous prie, je dois vous confesser quelques petites choses que nous devons garder pour nous, promettez moi de ne rien écrire.


Elle tapotait mon fauteuil avec douceur.

Je pris bien garde de ne rien promettre.

Je reposais mes affaires et m’installait confortablement.

Amanda Wilington me resservait une tasse de thé.

Je sentais qu’Amanda Wilington avait du mal à rompre la glace.

Cependant, je restais silencieux.

Au bout de quelques minutes qui semblèrent interminables, elle commença à trouver des mots.


- Vous savez, dit-elle, que je me rendais chez Dorothy Lewis-Parker pour des séances…

- J’ai cru comprendre aussi que vous n’étiez pas la seule.

- Oui, c’est vrai, nous étions nombreuses, beaucoup de dames d’ici se sont laissées roulées par Dorothy Lewis-Parker.

- Roulés ?

- J’ai démasqué ses procédés… J’ai, à l’occasion de la dernière séance avec Dorothy Lewis-Parker, mis à jour sa fourberie. Certes, c’était bien monté et pendant des années, je me suis laissé rouler par cette vilaine personne.

- C'est-à-dire ?

- Dorothy Lewis-Parker était fin psychologue et elle avait un complice qui émettait pour elle, toutes sortes de sons derrière une paroi du salon de cartomancie, ces sons devaient être la preuve que l’esprit appelé était bien présent.

- Comment avez-vous sut cela ?

- Les esprits n’éternuent pas…

- Qu’avez-vous découvert ?

- Une porte dissimulée derrière un panneau de bois. Une porte masquée par un grand panneau de bois sculpté. Je m’en suis aperçue, et quand j’ai frappé contre la paroi qui sonna bien creuse, j’ai entendu un petit cri de peur et des pas dans l’escalier dissimulé.

- Quelle a été la réaction de Dorothy Lewis-Parker ?

- Elle a nié évidement ! Que vouliez vous qu’elle fît d’autre ?

- Et après ?

- J’ai exigé qu’elle me rende les biens que je lui avais volontairement donnés pour la remercier de ses services.

- Et ?

- Elle a refusé, disant qu’elle ne les avait plus, qu’elle les avait confiés au temple qui lui donnait la force de communiquer avec les morts. Elle est restée sur ses positions malgré mon insistance et a refusé de m’avouer la vérité. Pourtant, je suis sure qu’elle m’a mentit. Pas plus tard qu’hier, j’en eus la confirmation par le jeune garçon que j’ai en cours de botanique.

- Le jeune fils du jardinier ?

- Oui, celui là. Il m’a avoué être son complice sans vraiment savoir ce qu’il faisait en fait. J’ai fait en sorte de lui poser des questions sans qu’il ne puisse se douter de la finalité de mes propos. Maintenant, je suis sure de moi. Les coups, les sons, tout ceci n’était que mise en scène. Dorothy Lewis-Parker a abusé de ma, de notre crédulité. Après cela, vous comprendrez aisément que je n’avais aucune envie de l’accompagner sous la pluie pour sa dernière demeure.

- Oui bien sur, mais avouer ceci, c’est aussi vous mettre dans la liste des suspects non ?

- Mais je ne l’ai pas tuée ! Vous me croyez n’est ce pas ?

- Je ne suis personne, ce n’est pas à moi de décider de cela.

- Non, je vous assure, je ne l’ai pas tuée, j’ai même gardé le secret de ma découverte.

- Évidement, vous ne pouviez pas vous mettre en péril.

- Non, là n’est pas la question… Je ne voulais pas salir la mémoire de Dorothy Lewis-Parker car cependant, c’était une bonne cartomancienne, elle a juste été un peu plus loin que ce qu’elle pouvait faire, elle a cherché à briller ou je ne sais quoi. Toutes les choses que je lui ai donné, je l’ai fait de mon propre chef, elle n’a jamais rien demandé, en quelque sorte, je suis responsable de ma propre escroquerie.

- Qu’en pense le pasteur Crunch ?

- Crunch ? pourquoi me parlez-vous de lui ?

- Il semble détester madame Lewis Parker et ses activités à un point tel, qu’il a refusé de célébrer son office funèbre.

- Crunch avait peur de Dorothy Lewis-Parker.

- Pourquoi ?

- Je ne sais pas, c’est venu comme ça, du jour au lendemain.

- Vous n’avez vraiment aucune idée, demandais-je d’un air détaché.

- Non, vraiment, aucune… Elle réfléchissait longuement en silence les yeux posés au plafond. Non, je ne sais pas


Elle me parut sincère bien que je me doutasse qu’elle savait.

Une lumière rouge s’alluma dans mon esprit, elle me signifiait un message : Attention ! Amanda Wilington sait mentir, incontestablement.

- Le pasteur Crunch me parait un homme impulsif avec des idées tranchées au sabre, dis-je.

- Oui, c’est un homme lunatique, changeant, assez indéfinissable en vérité, mais le chemin de dieu est semé d’obstacle et d’épreuves. Il est parfois difficile de concilier sa vie d’homme seul et sa condition de prêtre.

- Que voulez vous dire ?

- Oh, rien, les hommes restent des hommes quelques soient leurs tenues ou leurs rôles dans la société n’est ce pas ?

- Oui, sans doute.


Nous étions arrivés au bout.


J’aurais bien demandé à Amanda Wilington plus de précision concernant sa relation avec le prêtre mais je pensais qu’il était mieux pour tout le monde, moi, elle, lui, que tout ceci reste dans le non-dit.

A quoi cela aurait il bien put m’avancer dans ma recherche ?

S’il avait fallut en savoir plus, je comptais bien que mon ami Ulysse se charge de cette besogne, de toute façon, j’étais bien certain que Navay saurait mieux s’y prendre que moi.

Je remerciais madame Wilington et décidait de retourner au château.


Alors que je me trouvais au seuil de la maison, je tombais nez-à-nez avec le pasteur Crunch qui me foudroya du regard.

Bien étrange personne que ce pasteur.

Il me semble détestable en fait, le genre d’individu que je me garderais bien de provoquer.

Peut être est-ce le genre d’homme à tuer ?

Aurait il put avoir connaissance de ce soi-disant passage secret ?

Et si Amanda Wilington lui en avait parlé ?

Puisqu’elle m’en a parlé à moi, elle aurait put tout aussi bien lui en parler à lui aussi… Une confessions sur l’oreiller ça c’est déjà vu et ça se verra encore…. Tout du moins si les dires d’Arthur sont vrais…

Je m’imaginais mal cependant Amanda Wilington dans les bras du pasteur Crunch. Tous deux me paraissaient bien différents, et pourtant… Bien des choses peuvent se passer entre deux êtres seuls.


Je regrettais bien de ne pas avoir put m’entretenir avec le pasteur Crunch. Peut être que mon ami Ulysse, de retour de son escapade londonienne, se chargera de la chose…

Mon ami Navay, que pouvait-il bien faire à Londres en ce moment ?


Ici, le soleil qui avait passé sa journée caché derrière les nuages, n’allait sans doute plus tarder à se cacher derrière l’horizon, ce soir il fera nuit avant l’heure à cause de tous ces nuages. Bientôt tout sera plongé dans l’obscurité froide et humide. Là bas, à Londres, la ville devait commencer à s’éclairer et dans moins d’une heure, les restaurants s’allumer.

Les fiacres allaient défiler, doublés par quelques automobiles, on relèvera les gardes aux portes des châteaux et des monuments, quelques gamins vêtus de loques et sales mendieront aux messieurs et les ivres se casseront la voix en chants, bières et fumées de tabac dans les pubs irlandais.

Dans la tamise, on repêchera les quelques noyés dont les journaux ont besoin pour justifier une criée.

Baignée de fumée de charbon et de lumières électriques, la ville s’endormira pleine de sa grandeur et de sa décadence.


Ici, à Lingburg, pour une nuit encore, le (ou les) assassin(s) de Dorothy Lewis-Parker s’endormira ou s’endormiront tranquillement, certains(s) de leur(s) impunité(s).


Le sang et la sève,

Le sang et la sève,

Où,

Même si les racines son cachées,

Le fruit est bien visible.


Il était tard.


Tous les invités de la réception s’en étaient allés, et madame Brown, assistée de ses fils et des petites bonnes, s’occupaient à nettoyer la salle de réception et les tapis d’entrée.

Seul Clark Brown était inoccupé et faisait face, les mains jointes derrière le dos, à la cheminée ou il regardait le feu crépiter.

Au dessus de lui, figé dans l’immobilité d’un artiste portraitiste, Roddy Parker, le dos tourné a un paysage exotique garni de coupoles dorées et de vallées colorées, observait l’agitation des petites mains sans sourciller.

Je me rapprochais de Clark Brown qui sursauta quand il me vit à son coté.


- Vous ne semblez pas très habitué à travailler monsieur Brown.

- Je n’ai jamais été très bon pour les travaux ménagers.

- Vous seriez plutôt homme de sang à commander non ?

- Croyez-vous dans les lignées monsieur Debonneville ?

- En tant que journaliste, bien sûr, pour le reste, voyez les chevaux…

- Les chevaux… Vous savez n’est ce pas ?

- Oui, ça m’est apparu tout a l’heure lorsque vous étiez assit en dessous du portrait de votre grand-père.

- Pourquoi a-t-il agit comme cela ?

- Qui ?

- Roddy Parker. Combien sommes nous de petits batard semés sur le chemin sans droits ni reconnaissance ?

- Je ne sais pas, depuis combien de temps savez-vous ?

- Un quart d’heure, c’est celle qui dit être ma mère qui me l’a dit, elle a jugé que ce serait mieux que le sache de sa bouche plutôt que de la votre. C’est une femme courageuse, savez vous que je ne savais pas que c’était ma mère ? Lorsque je suis arrivé de Londres, j’étais encore un étranger accueilli chez les Brown pour trois jours, le lendemain matin, je devais me faire passer pour un jardinier en disant que les Brown étaient mes parents et maintenant, elle me dit qu’elle est ma mère et que Roddy Parker était mon père. Pourquoi n’ai-je jamais vécu ici ? Je ne connais même pas le bourg. Je suis un étranger, étranger avec ceux qui m’accueillent, étranger dans la maison de mon père, sans droits aucun, je ne suis personne… Je vais partir.

- Attendez Navay je vous prie.

- Oui, je pourrais bien l’attendre après tout, cela me fera encore une ou deux nuits à dormir encore sous un toit.

- Je compatis à votre douleur.

- Merci monsieur Debonneville.

- Bien nous nous verrons demain alors ?

- Oui, c’est cela, à demain.


J’aurais voulu parler avec madame Brown mais elle paraissait tellement occupée que je n’arrivais pas à l’intercepter. Je décidais qu’il en était assez pour aujourd’hui et décidait de m’en retourner à l’hôtel.


En entrant dans ma chambre, j’eus un étrange sentiment. Plus que cela, une odeur.


On était entré dans mon intimité pendant mon absence.

Je fouillais le lieu du regard sans vraiment imaginer que mon cerveau moyen aurait gardé gravé quelque part une image photographique de mon habitation comme elle pouvait être avant mon départ, il était évident que je ne me rappelais pas la moindre trace de souvenirs passés.


Une armée de fantassin aurait bien put camper ici que je n’aurais pas eut moyen de m’en apercevoir.

Si j’avais été Navay… Enfin… La grande glace de l’armoire me renvoyait mon image parfaite.

Mon port, ma taille, ce délicieux assemblage d’yeux de nez, cette bouche au dessin parfait.

J’ai la chance d’être de ces hommes dont la calvitie naissante ajoute sans retenue au charme naturel.

Mon visage, à l’ovale ni trop long, ni trop rond, mon corps athlétique de bon nageur… Non, pour rien au monde je ne souhaiterais être Navay.


Je me gratifiais d’un regard charmeur et d’un sourire puis appelait la petite serveuse de l’auberge (que je sus être la fille des patrons absents ce jour) et l’informait que je dinerais dans ma chambre, d’œufs sur le plat, de bacon grillé, de haricots à la tomate sur toasts et d’un grand café avec du lait.

Je lus la surprise sur son visage.


- Vous voulez un petit déjeuner ?

- Non, ce sera mon diner.

- Vous êtes français ?

- Oui, tout à fait.

- Je la sentis soulagée.

- Crut elle que je fus fou ?

- Anglais et fou ?...


Non français… tout était pardonnable à un français.

Il devenait facilement compréhensible pour elle que je déjeunasse au diner.

Encore eu-je la finesse d’esprit de ne point demander d’olive ni de jus d’orange qui sont pour moi une gourmandise.

Elle n’aurait pas compris évidement et je n’avais pas pour intention de lui lever le cœur, en tout cas, pas de cette façon là…


Nous ne sommes pas autorisés dans cette histoire, à compter la bagatelle car les charges qui nous incombent ne sont point à narrer les choses de la vie et les émois des sens.

Pour ceci, il est préférable de se consacrer aux œuvres de Sir Ofwillierton ou de Lord Dardwriter.

Il me faut donc passer outre.


Je me retirerais donc à propos laissant à votre bon soin la possibilité de lire sur les lèvres.

Mes et moi ne seront donc pas vautrés sur le lit blanc de la ligne des désirs.


Ceci étant dit, je m’endormi rapidement respectant en cela l’obligation qu’a un bon male de se rouler dans sa suffisance comme un travesti ibérique dans le sang de la pauvre bête qu’il vient de torturer (en l’honneur de son dieu païen Baal ou je ne sais qui) et dont ces africains du sud des Pyrénées partagent avec joies les quelques excroissances.

De la malheureuse créature de dieu devenue dépouille hachée, victime d’un crime organisé dans une enceinte fermée, les barbares, ivres de sang et de sangria, se pavanant de leurs imbéciles coutumes daignent d’eux-mêmes, satisfaits comme des sangsues repues de plasma, ces vampires du monde moins qu’animal, outragent une dernière fois le martyr et lui sectionnant les oreilles et la queue.

J’en fus témoin, si vous ne me croyez pas, je ne puis rien pour vous.

Sachez que ces gens sont des chiens féroces à coté desquels, celui des Baskerville fait l’effet d’un petit rat d’opéra.

Je dois vous conter encore, qu’une fois l’opération effectuée, les barbares chargent sur leurs épaules le travesti tueur (dont les organes compressés en une indécente bosse aux reliefs anatomiques évoquent celles de quelques danseurs de cabaret de peu de morale dont on peu, si le corps vous en dit, louer les services pour quelques piécettes), puis ils le promènent dans l’enceinte, en jetant sur son ridicule accoutrement de paillettes, des fleurs, des vivas et des hourras, qui prouvent, il en était encore besoin, que la civilisation ne traverse pas les montagnes.


Je m’endormi plein de ces images d’idiots enviasses et de gueulards bi syllabaires tout en mêlant en cela dans un rêve digne d’un voyeur catalan aux goussets malléables, l’image de cette pauvre Dorothy Lewis-Parker en cornue plantée d’aiguilles. Les pantins planteurs étant, à tout de rôles, Le pasteur Crunch castré, madame Wilington armée de cactus, madame Brown et son couteau de cuisine, carole Greta-Walking…













Ou l’on perd le narrateur six pieds sous terre.


Je me relevais au matin couvert de transpiration et du bras de ma jeune conquête qui ne put, et je la comprends, trouver, à la suite de notre conversation, la force de marcher.

Je déjeunais du repas de la veille, froid, et m’habillait pour sortir.

J’hésitais à laisser à la demoiselle un pourboire pour le service.

Je m’en abstins.

La pudeur peut être.


Dehors, bien qu’il fasse un temps radieux (pour les Cornouailles) je ne trouvais âme qui vive.

Il me semblait que l’on avait fait discrètement évacuer le bourg dans la nuit.

Tout était étrangement calme comme avant l’orage ou l’instant ou le rideau va se lever.

Quelque chose me disait qu’aujourd’hui allait avoir lieu le dénouement théâtral dont mon ami Navay est a chaque fois, le subtile metteur en scène.


En quelques minutes, j’étais au château ou je trouvais tous les employés installés autour de la grande table de la cuisine, les yeux rougis et les paupières lourdes.

Chacun contait sa nuit et ses rêves qui, curieusement, tournaient tous autour de madame Lewis-Parker.


Madame Brown disait qu’elle avait rêvé qu’en ouvrant le four, elle se trouva confronté à la tête détachée de Dorothy Lewis-Parker et elle regardait son outil de travail avec crainte.

Les jeunes demoiselles de service disaient avoir eut la visite de Dorothy Lewis-Parker dans leurs rêves.

Elle leurs dictaient, à l’une, comment nettoyer la tache du parquet, et à l’autre, elle criait, la tête détachée et tenue entre ses mains « Vengez-moi ! Vengez-moi »…

Monsieur Brown racontait avoir rêvé qu’il passait la nuit à déterrer madame mal plantée dans le parterre sud, et Arthur racontait qu’il avait rêvé de madame qui voyageait morte à son coté en direction de Londres et que son corps était animé d’un mauvais esprit.

Les garçons étaient restés à la maison du couple.

Je m’assurais que Clark était encore là, on me répondit dans l’affirmative.


Laissant les gens à leurs remords expiatoires de leurs mauvaises pensées, je montais dans les appartements de Dorothy Lewis-Parker à la recherche de l’issue secrète dont m’avait parlé Amanda Wilington la veille.


Je parcourait des yeux les parois du petit salon et tentait de faire bouger les parois de bois sculptés sans doute dérobés par les armées peu scrupuleuses dont l’union jack a couvert le monde comme une gale un galeux et contre lesquels je frappait du talon de ma bottine que j’avais retiré.

Ils sonnaient tous plein et étaient solidement fixés dans les murs.


Je passais dans la chambre et soulevait les grands tissus qui dissimulaient les murs.

Là encore je fis choux blanc.


Je soulevais les tapis pour ne rien trouver d’autre que la trace de sang de la victime puis je passais au salon de cartomancie ou j’étais sensé révéler la vérité au monde.

Là encore, malgré ma volonté et mon acharnement, je ne vis pas plus de porte dissimulée que de savoir vivre chez un andalou.


Pourtant, Amanda Wilington avait été plus que sincère, elle affirmait et je me sentais obligé de prendre ses propos pour leur pesant.


J’ai frappé millimètre par millimètre toutes les parois du salon de cartomancie et aucun ne sonna creux, pas même une petite variation.

Seul le jeune Henry pouvait me conduire me semblait-il.

Je décidais qu’il était temps de m’entretenir avec le jeune garçon.


Hors de la vue de monsieur et madame Brown, je pris l’initiative d’aller querir le jeune botaniste en herbe.

Je me dirigeais donc à pas de panthère rose dans la direction de la maison des Brown.


Sur le seuil de celle-ci, je trouvais Humphrey qui se nourrissait avec gourmandise de ses secrétions nasales.

Je m’abstins de lui serer la main et lui demandais ou je pourrais rencontrer son jeune frère.

Entre deux bouchées, il tendit son doigt brillant vers l’intérieur de la maison et me répondit :

- D’dan


Prenant ceci pour une invitation, je violais le domicile familial des Brown pendant qu’Humphrey retournait impassible à ses expériences gastronomiques.


Le domicile des Brown était confortablement meublé d’objets rustiques mais entretenus avec attention.

Tout était rutilant comme une courtisane et une bonne odeur de cire d’abeille et de lavande flottait dans l’air.


Dans une petite pièce à droite de l’entrée étaient pendues trois tenues de jardinier avec en dessous, trois paires de bottes et de chaussettes épaisses qui étaient alignées comme a la boutique.


Un raclement de gorge pour m’annoncer et je pénétrais plus avant dans le logis.

Le jeune Henry m’apparut, debout dans un baquet fumant en train de se savonner abondamment.


Vous semblez, cher garçon, avoir l’esprit bien sale pour essayer de le nettoyer par le corps…

Il se retourna figé, pétrifié comme un David.

J’avais l’ascendant sans aucun doute.


- Je veux la vérité toute nue jeune homme.

Il s’écrasait dans l’eau comme un château de sable âpres une vague ne laissant paraitre hors de l’eau que sa tête et le bout de ses doigts de pieds.

Je prenais une chaise et m’asseyait à son coté.


- Maintenant mon petit, dis-je en glissant un doigt dans l’eau, vous allez me dire ce que vous avez à vous reprocher ou je me verrais obligé de rester ici près de vous jusqu'à ce que votre bain soit froid.

- Je… quoi ?

- Je veux que vous me racontiez tous vos petits secrets !

- Qu…Quoi ?

- Que faisiez-vous avec Dorothy Lewis-Parker ?

- Qu…je ne…

- Il semble que Dorothy Lewis-Parker vous utilisait de bien vilaine manière…


Il rougissait. Blanchissait, rougissait, blanchissait…

- Je…ne…je…

- Je vais vous aider. Il m’est venu aux oreilles que vous assistiez madame Lewis-Parker dans quelques basses œuvres en faisant toutes sortes de bruits dans l’escalier dissimulé dans les murs du château.

- Ah, ça ! Dit il soudain soulagé, oui, c’est vrai, mais, c’est rien m’sieur, c’était juste des bruits, rien de bien vilain comme vous dites.

- J’aimerais que vous me montriez l’entrée que vous utilisiez pour accéder à l’étage voulez-vous ?

- Oui, oui je peux…

- Très bien, je vous attends.

- Retournez vous s’il vous plait.

- Non jeune homme. Je n’ai, premièrement, nullement l’intention de vous laisser me donner des ordres, deuxièmes, je ne vous laisserais pas l’occasion de me glisser entre les doigts. Allons, dépêchez vous.


Le petit Henry paraissait un Adam rejeté du paradis.

Il s’habillait à contre cœur. Je sentais l’hésitation à chacun de ses gestes.

Essayait-il de fuir avant que je ne puisse l’amener à ce que j’attendais de lui ?

Oui, il me semblait.


- N’essayez pas de filer à l’anglaise Henry, sachez que ceci ne vous mêlera nulle part, je saurais vous retrouver. Suivez mon conseil, soyez coopératif et tout se passera pour le mieux, vous n’avez rien à vous reprocher n’est ce pas ?

Il tremblait de tout son corps, je le sentais fébrile. Il avait peur.

- vous n’avez rien à vous reprocher n’est ce pas ?


Je le vis blanchir et eut juste le temps de le rattraper avant qu’il ne s’écroule la tête contre le bord du baquet.

Je pris son corps mou et l’installait sur une banquette.

Dans un meuble, je dénichais une bouteille de brandy que j’utilisais pour lui faire couler quelques gouttes au coin des lèvres.

Il toussa et reprit connaissance.

Je lui servis un demi verre que je le forçais à avaler d’un trait.

En quelques secondes et toux, Henry avait repris des couleurs.


- Je…je… ça n’est pas moi balbutiât-il.

- Ça n’est pas vous qui quoi ?

- Je…Ça n’est pas moi qui l’ai tué !

- Qui dit cela ?

- Personne !

- Bien, voila, l’affaire est résolue. Allons levez vous et visitons ce mystérieux passage secret.


Tout tremblant, Henry se leva et nous sortîmes.

Je lui tenais le bras comme un ami.

Ses jambes étaient sans forces et il tremblait comme une octogénaire.


Nous étions au cimetière des pionniers, juste devant le caveau de famille des Parker dont on venait de refermer l’accès.

Henry regarda la tombe et murmura un :


- Pardon madame, a peine audible puis il contourna la tombe et ouvrit la porte de la petite chapelle qui semblait bien vieille, surement la plus vieille construction de l’ile.

- C’est ici dit Henry.

- Très bien, allons-y.


Aidé par un astucieux système de poulies dissimulées, il fit glisser l’autel. Sans bruit, celui-ci pivota sur un axe fiché dans le mur et laissait l’accès libre à un escalier qui s’enfonçait sous le sol.


Henry descendit quelques marches jusqu'à un récipient dans lequel était placé un flambeau qui reposait la tête en bas dans une préparation bitumée puis il craqua un briquet qui reposait à coté.

Une flamme jaillit surmontée d’une épaisse fumée noire et Henry s’enfonça dans les boyaux de la terre.


- C’est un puits de mine me dit il, creusé il y a des milliers d’années, n’ayez pas peur, il y a des squelettes plus loin et quelques rats mais ils sont inoffensifs. Suivez moi au pas, c’est facile de s’égarer ici, il y a des galeries partout…


Le jeune homme paraissait à son aise dans cet obscur passage. Je devinais aisément qu’il avait dut emprunter bien souvent ce labyrinthe noir aux murs couverts de toiles d’araignées.

Nous avions marché peut être cinq ou dix minutes qui me parurent interminables dans le sous terrain quand nous arrivâmes dans une grande salle aux murs bien lisses d’où partaient en plusieurs directions d’autres tunnels numérotés en chiffres romains de I à IIX. Nous primes le numéro IV et marchâmes encore une dizaine de minutes je crois.


Je n’eus pas le reflexe de regarder ma montre et me laissait porter par le mystérieux chemin le corps envahi de vagues d’hormones qui me faisaient passer de la peur à la surprise, à l’enchantement, à la terreur, à la joie euphorique, à l’horreur glacée d’un crane aperçu placé dans une alcôve creusée dans la paroi à hauteur de tête…


Un rat gros comme un chat me glissa entre les pieds dans des couinements de peur et de reproche, de reproche pour le rat, de peur pour moi.


Enfin, nous aboutîmes au bout du couloir ou une échelle était dressée sur un puits dont on avait garni les parois de pierres saillantes à usage de marchepieds et qui escaladaient l’excavation en spirale.


D’un bond de jeune cervidé, Henry partit à l’assaut du trou la torche dans sa main. Il me laissait, baigné d’obscurité et de fantômes.

Lesté de mes années, il me fallut un peu de temps pour trouver une bonne prise pour assure mon ascension.

La jeunesse, inexpérimentée, ne fait pas cas du danger

Je me souviens que moi-même, dans mes années d’adolescence, avoir escaladé le campanile du clocher de l'église Saint Michel de Sospel ou mes grands parents avaient un appartement d’été au palais du golf.

Je me souviens de nos folles escapades à l’ascension des falaises karstiques bordant la vallée de la Bever ou de nos folies dans les descentes des clues de la Maglia ou du vallon Odin. Sans aucune protection, nous mettions nos vies en danger comme certains leurs bijoux au clou.

Les années passant, les accidents ayant effeuillé notre petit groupe d’amis comme un amoureux une marguerite, je m’étais assagi de moi-même sans avoir eut besoin de la leçon d’un accident corporel.

Je progressais donc le pied prudent, tâtonnant, évaluateur…


Nous arrivâmes au plus haut du puits soit environs trois mètres.

J’y trouvais un petit palier d’où s’élançait un escalier en colimaçon couvert de salpêtre et de toiles d’araignées. Les marques au sol montaient sans aucun doute que l’endroit était plus que fréquenté. A certains endroits, le passage se resserrait et je devais progresser de profil.


Enfin, nous nous trouvâmes, Henry et moi, devant un mur de brique qui, je le voyais, avait été fraichement levé.

Henry ne parut pas surpris de trouver celui-ci.

L’endroit était si humide que j’eus peu de mal à déceler la première brique.

Les autres vinrent d’elles même.

Le mur avait été monté depuis peu, deux jours tout au plus.

Une fois obstacle démonté, je trouvais un panneau de bois vermoulu et percé de petits trous comme en font certains insectes cellulophages.

De là, je ne voyais que trop bien le salon de spiritisme de madame Lewis-Parker.

Tâtonnant les bords du panneau, je découvrais les attaches extérieures qui le maintenaient en place.

Il me semblait bien que je venais de découvrir l’entrée et sans doute la sortie par laquelle l’assassin était entré.

Mon ami Navay n’allait pas en croire ses yeux.

Je me réjouissais d’avance.


- C’est donc d’ici que tu faisais les bruits et les murmures pour Dorothy Lewis-Parker ? demandais-je au garçon.

- Oui, m’sieur.

- Souvent ?

- Quatre ou cinq fois par semaines m’sieur.

- Et le jour du meurtre ?

- Non, m’sieur, je n’y étais pas, j’peux vous l’jurer.

- Vraiment ?

- Oui m’sieur. (je ne le croyais qu’à demi)

- Bon, redescendons.


J’aurais bien pénétré dans le château via l’entrée dissimulée mais malheureusement, le panneau de bois était bien fixé dans le mur. De plus je voulais laisser à Navay la surprise de ma découverte.

Il nous fallait donc faire le même chemin qu’a l’aller pour rejoindre l’air libre.


Sur le chemin du retour, nous étions à nouveau dans la grande salle et j’étais curieux de savoir à quels endroits pouvaient bien conduire les autres chemins. Je demandais à mon guide.


- Le numéro I, va à l’église me répondit-il, le numéro II, va chez madame Wilington, le numéro III, conduit au puits bouché, le numéro V, amène sous la maison de Carole Greta-Walking, le numéro VII, dans une caverne du littoral et le numéro IIX, est éboulé m’sieur.

- Bien, nous gagnons du temps, sortons d’ici dis-je après avoir croisé le regard vide d’un crane habité par une famille de bêtes étranges, cette endroit me donne des frissons !

- Vous avez peur m’sieur ?


Henry avait un sourire étrange.

Éclairés par la lueur dansante du flambeau ses yeux avaient de bien mauvaises couleurs rougeâtres et semblaient animés d’une folie contenue.

Oui, j’avais peur, de l’enfant.

Qui sait ce qu’il aurait put faire contre moi ?

Il était solide, bien musclé (j’avais put m’en rendre compte en le surprenant dans son bain), de plus, il avait de la souplesse et de la rapidité.

Visiblement, loin de recevoir une partie de mes émotions, il paraissait s’en réjouir, s’en nourri comme un démon malfaisant, comme un chat plante ses griffes dans une souris agonisante ou vise le poisson rouge dans son bocal.

Oui, j’avais peur et encore maintiennent à l’évocation de cet instant, ma main tremble.

L’instant de cette escapade, je m’étais jeté dans la gueule du loup.

Quoi de plus facile pour cette force de la nature animée d’un esprit satanique que de m’assener un coup derrière la nuque et de me laisser aux rats et autres parasites qui hantaient l’endroit.

Je sentais ma mort prochaine.

Dans les deux cas, j’étais perdu.

Qu’il me précède ou qu’il me suive, c’était égal.

Me précédant, il pouvait facilement me perdre en partant en courant laissant le noir se refermer autour de moi.

Certainement à la recherche d’une issue, je pouvais tomber dans un des nombreux puits d’extraction ou d’aération que nous avions chevauché plusieurs fois à l’aller avec précaution.

J’avais même, dans l’un d’eux envoyé une pierre que je n’entendis pas toucher le fond.

Je revoyais le visage d’Henry déformé par la lumière de la flamme à ce moment, comme maintenant, les yeux possédés de l’esprit du malin, les yeux de tueur, je me souviens qu’il m’avait dit :


- C’est profond n’est ce pas ? Personne n’en ressortirait vivant n’est ce pas ?

A cet instant, loin de penser que le garnement pouvait me régler mon affaire, je n’avais pas jugé l’intensité démoniaque de son faciès et de son rire sadique.

Maintenant, j’en étais plein comme un moine de bon vin et j’en étais saoul. Ma tête me tournait et mon estomac se crampait.

Qui viendrait chercher mon corps ici ?

Personne !

Voila la chose !


Si je devançais le jeune tueur, il pouvait facilement me poignarder dans le dos ou m’assommer au bord d’un trou et accéléra ma chute.

Là encore, j’étais sans défense.

Alors que faire ?

Me ruer sur le gredin ?

L’attacher et le forcer à me sortir du piège dans lequel je m’était volontairement précipité ?

Dus-je me battre avec lui pour sauver ma peau que j’étais battu d’avance.

J’avais froid et mes oreilles bourdonnaient.


D’un seul coup, mon crane semblait exploser et je m’écroulais inconscient…













Les malles aux quatre surprises.


A 15 heures, Ulysse Navay posait son pied droit sur le quai de la gare de Lingburg.

Il sortit son gousset et contempla les aiguilles, témoins, immobiles et mouvantes du temps qui passe mais qu’on ne lit qu’arrêté.

Il resta ainsi jusqu'à quinze heures quinze.

Plein de grognements d’insatisfait, il héla l’employé de la gare à la recherche d’un porteur.

L’employé l’observa avec curiosité jugeant que les quatre grandes malles que transportait l’inconnu arrivaient bien mal en point car il venait de se servir une tasse de thé.

Il se demandait qui pouvait donc être cet inconnu venu juste en l’endroit pour troubler son breuvage.

L’instant d’une seconde, il pensa à un homme qui lui avait acheté un ticket pour Londres la veille.

Incertain, il se convainc que si ce n’était lui, c’était donc son frère, ceci impliquant qu’il en eut un, ce qui est faux.

Pupille de la nation, Ulysse Navay est sans famille, orphelin. Navay est sas racine, il n’a pas de tronc. Il n’y a pas plus d’arbre au nom de Navay car lui-même n’a pas d’enfant.

Le préposé nageait dans l’étendue loch-nessienne couverte des noires écumes du faux de son cerveau faible.

Dans sa boite crânienne légèrement ovale due à la rencontre de sa mère et du monde laissée à un chirurgien accoucheur grand amateur de forceps, l’inutile charge du royaume pesait et repesait les pours et les contres.

Finalement, il répondit à l’inconnu qu’il allait voir s’il trouvait le porteur et s’évanouit dans une porte du bâtiment des chemins de fer donnant sur un couloir fané ou le sol était usé par les traines savates qui sont à l’état ce que le presse purée est aux pommes de terres crues ou les coupes frites aux petits pois.

Navay s’inquiétait.

Il avait pourtant télégraphié à son ami Debonneville son retour imminent.

Pourquoi donc ce dernier n’était pas sur le quai de la gare ?

Il s’en voulait d’avoir laissé Sébastien Debonneville aux mains de l’assassin car il était revenu avec la solution, évidemment.

Sachant maintenant, étant certain de tout, il ne pouvait se leurrer en se laissant croire que tout allait pour le mieux dans le meilleur des pays.

Bien au contraire. Navay avait découvert que le plus innocent acteur du drame, celui qui disposait de la plus grande impunité, pouvait se montrer d’une cruauté démoniaque (n’ayons pas peur des mots).

« Pourvu que je n’arrive pas trop tard », se disait il inquiet et impatient de terminer cette triste farce.


Le furieux pensionné de l’asile des rails parallèles revenait extenué.

Il avait changé de casquette, encore…

Sur celles-ci, était écrit « po.teur », le R étant allé en prendre un peu plus loin.

Le schizophrène regardait dans toutes les directions, hagard (deux fois. A ce train s’y effleurera trois fois).


- Porteur ? demanda Navay la voix pointé vers l’hagard (voyez ?)

- Sieu.

- Vous êtes bien le porteur n’est ce pas ?

- S’vé pô lir ?

- Bien, je pense que cela veut dire oui.

- Û.

- Vous avez un diable ?

- Heu ?

- Une charrette ?

- Lé prété au chef ed’gar, pas d’po.

- Et comment allez vous déplacer mes bagages ?

- Loué une charrette sieu.

- Et où ça l’ami ?

- ‘am’, chez ‘am’ pu loin là. (là est un doigt tendu vers l’immensité vide)

- Et pouvez vous vous charger de l’affaire ?

- Negat’sieu. J’peu pas quitter l’post.

- Je dois donc m’acquitter moi-même de cette charge ?

- Cé vous qui voy’sieu.


Poir… Oh !

Navay se retournait rugissant et se dirigeait vers la sortie du quai.


- Hey vous là bas ! Cria une grosse voix sur le quai.

Navay se retournait.

Le punk assermenté avait changé de casquette.


- Qu’est ce que vous allez faire par là vous ? demanda le chef de gare.

- Chercher une charrette il me semble.

- Qui vous a dit ça ?

- Vou… hum… Le porteur.

- Harry ?

- Si c’est ainsi que vous le nommez…

- Et elle est où la sienne ?

- Il paraitrait, cher monsieur, que ce serait vous qui l’eussiez.

- Vous ne pouvez pas abandonner vos malles sur le quai !

- Pardon ?

- Vous ne pouvez pas laisser vos bagages ainsi abandonné, il faut les surveilles, sinon, contravention !

- Pourriez-vous faire cela pour moi cher monsieur le temps que je quête une charrette ?

- Mon mais ? Pour qui me prenez-vous étranger ? Un coursier ? Un vendeur de journaux ? Un cireur de galoches ? Je suis le chef de gare moi !

- Bien, et comment dois-je procéder selon vous ?

- Prenez vos quatre malles et allez chercher une charrette c’est tout.

- C’est tout ?

- C’est tout !

- C’est tout ! … ah… je vois… c’est tout… oh, oh, oh…Alors là, elle est bonne…

Navay tournait autour du fonctionnaire l’œil façon tromblon chargé.

Il y avait une odeur dans l’air, de celles qui précèdent les bombardements ou les orages.

- Écoutez-moi bien. Vous m’entendez agent ?

- Oui monsieur.

- Bien... !


Navay l’inspectait.


- Je suis Ulysse Navay. Le plus grand des plus grands, le plus génial des génies, un cerveau à dix millions de livres et les quelques piécettes qu’il faut pour construire la banque pour les placer. Je suis le limier le plus fin d’Europe. De ceux que les puissants de ce monde se servent comme d’une canne blanche lorsqu’ils sont dans l’obscurité. J’ai découvert la solution des crimes le plus alambiqués qu’on n’ait jamais vu, lu, écrit, conté. Vous m’écoutez ?

- Ou…oui monsieur. L’agent tremblait et suait à grosses gouttes.

- J’ai résolu les disparitions et les meurtres les plus mystérieux, secrets, parfaits ! Personne ! Écoutez-moi bien, Personne !... Ne peut rien contre le cerveau génial et l’esprit de labyrinthe qui occupe ce corps parfaitement conçu pour sa mission. Alors cher monsieur, je vous demande très humblement de bien vouloir, sur le champ, apporter ici même une charrette qui portera ces malles avec une extrême prudence jusqu’au château de la famille Parker.

- Je … non ! je su…

- Ttttt…Ttttt ! Sans quoi…Sans quoi… Je pourrais, avec l’aisance d’un lémurien, la force d’un éléphant, le tranchant de la mâchoire d’un requin, la puissance reptilienne d’un crocodile du Nil, le vice d’un scorpion du désert, la rapidité du faucon, le vice d’un chien errant, la discrétion d’une chauve-souris, l’acharnement d’une taupe et la persévérance d’une mouche… Broyer votre vie ! Vous ouvrir les portes de l’enfer, lâcher sur vous le minotaure, vous faire rôtir dans les plus violents volcans repartis sur la surface du monde, vous noyer et vous ressusciter, vous étouffer et vous ressusciter, vous décharner en vous gardant en vie le plus longtemps possible pour que même le son de vos propres cris finissent par vous agacer… Je pourrais en un claquement de doigt, jeter votre respectabilité en pâture aux charognards de rues sombres située dans des quartiers dont vous n’imaginez même pas l’existence. Je pourrais faire disparaitre votre corps, votre famille, vos amis, parents, au plus bas niveau de l’échelle animale. Je connais au moins deux cent crimes parfaits, des crimes qui font de « Torture et extraction de renseignements », le traité de Chou Hsing, un livre de chevet pour enfant, des crimes irrésolubles parce qu’inédits, logés dans cette (Navay posait son index sur sa tête) partie de mon crane qui n’existe, malheureusement pour l’humanité et heureusement pour sa sécurité, qu’en un seul exemplaire dont je suis l’humble gardien jusqu’a mon dernier souffle. Alors cher ami, ne nous fâchons pas…

Au château je vous prie.



Venise en automne, les masques tombent.

Venise en automne, les masques tombent.


A seize heures, un chef de gare essoufflé et pourpre s’échouait aux portes du château.


Navay donnait des ordres aux hommes qui étaient présents pour que les paniers soient déchargés avec une précaution extrême et déposés dans le grand salon.

Enfin, il fit courir dans Lingburg, la nouvelle que tous ceux qui voudraient venir, étaient conviés à dix sept heures trente pour le thé servit avec biscuits au château.


A dix sept heures trente, étaient installés, Madame Wilington, Madame Greta-Walking qui affichaient toutes les deux un air très détaché, le pasteur Crunch qui, assit, gesticulait autant qu’un catcheur à l’échauffement, madame et monsieur Brown, les trois garçons, les deux petites bonnes, les inspecteurs Grunner et Borger, l’homme du cimetière, les quatre dames du banc et le notaire.

En retard, arriva le chauffeur avec les lacets défaits.


Navay avait installé des fauteuils pour chacun, placés face à la grande cheminée qui crépitait.

Les sièges étaient arrangés en demi-cercle comme pour une représentation privée d’un genre particulier.


Derrière eux, sur une longue table, étaient empilés des objets cachés sous une nappe.


L’histoire ne dit pas si Navay pensa à chercher Sébastien Debonneville.


- Mesdames et messieurs, dit Navay après avoir pris soin de faire fermer les portes du salon et glissé les clés dans sa poche. Vous tous n’êtes pas suspect, rassurez vous mesdames, dit il à l’adresse des quatre commères. Simplement cette fois, nous allons jouer une pièce d’un nouveau genre, contemporaine est le mot à la mode. Alternative aussi… Cette fois, le public monte sur la scène pour témoigner puisque Debonneville n’est pas là.

Aux générations futures et actuelles, il faut des témoins, il faut il faut pouvoir narrer sans oublier un détail, l’incroyable aventure qu’il nous a été donné de vivre ces derniers jours.

Une aventure qui prend sa source dans les profondeurs sombres de l’histoire et du crime malfaisant, plaie des sociétés modernes depuis l’assassinat du dernier homme de Cro-Magnon et qui, depuis lors, est devenue monnaie courante sur toute la planète et jusqu’à ici, maintenant, dans la petite ville de Lingburg.

Le crime vient entacher la vie de vous tous en surgissant dans vos vies paisibles, incrédules sujets. J’expliquerais le crime par plusieurs thèmes.

Le premier la jalousie.

Jalousie d’Élisabeth Brington contre sa patronne Dorothy Lewis-Parker pensez-vous ?

- Voila la coupable dit Borger.

- C’est plausible en effet, mais dans ce cas, elle n’était pas la seule.

- En fait, de nous tous réunis, presque tous avaient un bon mobil.

- Tout d’abord vous, madame Greta-Walking.

- Moi ? Ulysse, ne me faites pas l’affront.

- Oui vous, coupable de silence pour ne pas avoir dénoncé madame Parker mère lorsqu’elle à assassiné, devant votre fenêtre, sa bru, mademoiselle Lemoulin.

- Complice parce que jalouse.

- Et coupable vous, madame Wilington, de n’avoir pas calmé le pasteur Crunch dans sa haine de Dorothy Lewis-Parker.

- Coupable de ne pas avoir défendu, aidé votre soi-disant amie en la soutenant pour dénoncer le pasteur dans ses avances de violeur.


Les quatre dames acquiesçaient et clouaient le prêtre sur son siège de regards suspicieux et accusateurs.


- Coupable, reprit Navay, d’avoir aidé cette femme à vivre enfermée de crainte de devoir subir les représailles du berger égarer de brebis.

Amanda Wilington baissait la tête et jouait avec ses doigts.

- Oui, j’étais jalouse dit elle. Quand Dorothy m’a conté son histoire avec Crunch, j’étais jalouse. Elle disait qu’il ne recommencerait pas, mais moi je le connais Crunch, je sais qu’elle aurait fini par céder comme les autres, oui, j’étais jalouse.

- Reconnaissez-vous avoir utilisé Henry comme un espion à votre solde, leçon contre informations ?

- Oui je le reconnais, c’est vrai, vrai.

Sa tête paraissait disparaitre dans son col.

- Madame Wilington ! Vous avez utilisé mon fils ! Cria madame Brown.

- Taisez vous madame Brown, car vous aussi vous êtes coupable, dit Navay.

- Quoi ? Moi ? Non, moi je suis la cuisinière, je n’ai rien fait non ! Moi, une employée de la famille…

- Plus que ça madame Brown, vous, le paravent de la famille Parker plus surement ! La mémoire vivante, générationnelle…

- Tout le monde sait que les employés de maison sont souvent plus conservateurs que leurs maitres.

- Vous étiez jalouse d’Élisabeth Brington que vous avez utilisé, que dis-je manipulé en l’obligeant vous vous en doutez, à supporter les colères de madame Lewis-Parker repliée sur elle-même, recluse et dépressive, enfermée dans son appartement qu’elle croyait être tout à la fois un lieu de sécurité et un porte de sortie. Vous êtes coupable d’avoir volontairement trop cuit, salé, poivré, épicé, brulé ou laisser refroidir la gamelle que vous serviez à celle qui, selon vous, usurpait sa position d’une autre…

- De madame Greta-Walking peut être. Vous êtes coupable vous aussi d’avoir tu le meurtre de mademoiselle Lemoulin, peut être même coupable d’avoir fait grimper vos fils à la glycine pour effrayer volontairement votre patronne, une femme que vous avez utilisé comme un chien son jouet.

- Oui, je le reconnais, mais je ne l’ai pas tuée.

- D’une certaine façon si madame Brown, je suis bien désolé de vous le dire.

- Elle était méchante.

- Elle était désespérée.

- Méchante !

- Non… Non madame Brown…Non…

- Vous, pasteur Crunch ! Navay pointait son doigt.

- Moi ? Quoi moi ?

- Vous êtes coupable de tentative de viol sur la personne de Dorothy Lewis-Parker. De menace, d’intimidation, de diffamation. Vous êtes responsable du fait qu’elle ait tourné le dos à dieu, au monde, au seul endroit ou elle aurait put trouver de l’amour, du soutien, la rédemption, la possibilité de se reconstruire. Vous êtes le cerbère de la porte des enfers Pasteur Crunch ! Vous…

Navay arrachait la bible des mains du prêtre.

- Préférez vous que je vous lise un extrait de Saint Sade ? Le Marquis ? Je ne l’ai pourtant pas vu porté sur le calendrier, ou est ce peut être plutôt pour les images ?

Navay ouvrit la fausse bible sur une gravure représentant le curé murmurant à l’oreille de l’innocente bergère, je vous laisse imaginer ce que ce dernier fait de se doigts.

Les quatre vieilles dames poussèrent un soupir mêlant la stupeur à la résurgence de souvenirs lointains.

- Le pasteur Crunch est un bien vilain homme commença une, je vous l’avais dit les filles, vous voyez bien que… et toutes se mirent à parler ensemble jusqu'à ce que Navay lève la main pour le silence.


- Le second thème que je souhaiterais aborder est celui du défouloir, du symbole. Madame Wilington, vous avez agit contre Dorothy Lewis-Parker comme contre un symbole.

- Ce symbole, c’est la femme, l’autre, la concurrente. Ceci à cause de votre jalousie maladive.

- Vous êtes une mauvaise personne.

- C’est vous qui avez crée en elle un climat de terreur qui faisait qu’elle vivait recluse aidée par votre exercice maléfique par des doses de drogues que vous fabriquez avec les plantes de votre jardin et que vous introduisiez dans la composition des crèmes que vous lui remettiez.

- Vous avez laissé de bien mauvais souvenirs à Londres avec vos expériences sur les malades mentaux, les dépressifs, votre façon de manipulation mentale et vos expériences d’hypnose médicale sont indignes d’une dame.

- Voila pourquoi vous vivez à Lingburg, parce que vous avez été chassée de Londres n’est ce pas ?

- Oui, c’est vrai, dit Amanda en bombant le torse, mais je n’ai jamais tué personne ! Les voies de la science sont parfois tortueuses, mais le temps saura juger de l’utilisation des neuroleptiques à l’usage de la vie quotidienne, je ne suis pas un assassin.

- C’est vrai, vous n’avez pas tué de corps, mais vous avez tué des esprits avec vos daturas, hayavasca, peïotes, champignons, opiums, curares, belladone et j’en passe… Peut être auriez vous put essayer sur le pasteur Crunch pour calmer ses nerfs ?

- Non, pas Crunch !

- Pas Crunch ? Et pourquoi donc ? Réservez vous vos préparations pour ceux contre qui vous avez un grief ? Ceux qui vous sont indifférents ou nuisibles ? Sur un enfant ? Un sérum de vérité ?


Madame Brown bouillonnait, Navay se tournait vers Carole Greta-Walking.


- Quant à vous, vous avez agit contre Dorothy Lewis-Parker comme contre toutes les femmes de Roddy Parker. Vous avez assistée à l’assassinat de mademoiselle Lemoulin sans mot dire. Vous avez connaissance de la mort de votre père tué par Charles Parker. Savez-vous pourquoi ils se battaient madame Greta-Walking ?

- Je crois oui…je crois.

- Parce que Charles Parker était votre vrai père n’est ce pas ?

- Oui je crois.

- Voila pourquoi votre mère à refusé de vous marier avec Roddy Parker, parce qu’elle savait, elle était la mieux placée n’est ce pas ?

- Oui c’est possible.

- Pour autant, je pense que vous avez compris cela très tard, trop tard pour chercher un autre homme. Voila pourquoi vous détestez la lignée Parker. Parce qu’elle a ruiné votre vie avant même votre naissance.

Navay regardait le prêtre.


- Monsieur Crunch, permettez moi de ne plus vous appeler Pasteur.

- Je ne vous le permets pas.

- Tenez, prenez ce document, c’est votre révocation.

- Oh, vous ne pouvez pas !

- Je peux tout, je suis Navay ! Maintenant silence espèce de …heu…Catholique ! Vous avez abusé de votre symbole d’homme de dieu et de votre fonction de prêtre pour commettre des actes honteux avec vos paroissiennes, vous avez volontairement détruit la réputation de madame Lewis-Parker, vous avez détourné des biens de la paroisse pour financer vos escapades vicieuses dans la capitale, vous êtes un pleutre, un rebus, une honte pour l’église anglicane.


Navay se tournait vers la cuisinière du château.


- Vous, madame Brown, vous avez volontairement, sous prétexte que Dorothy Lewis, n’était pas une femme de ce grand monde dont vous ne savez rien, traité Dorothy Parker comme une moins que rien, une sous femme. Symboliquement, par votre attitude vous lui avez refusé le droit de prendre sa place au château, vous l’avec condamné à vire recluse, enfermée, parce que vous avez décidé avec votre mentalité rouillée, tranché, jugé que Dorothy Lewis-Parker était une intruse. Symboliquement, vous vous considériez plus de droit sur le château, sa vie, son organisation et ceux qui devaient en être propriétaire, que la maitresse de la demeure elle-même. La cuisine est le cœur de la maison, c’est là que se retrouve les employés pour manger et c’est cet endroit et ce moment que vous avez décidé de mettre à votre profit en créant contre Dorothy Lewis-Parker, une ambiance, un climat, qui excluait votre patronne de fait.

En français on dirait de vous que vous « pétez plus haut que votre cul » si je puis me permettre madame Brown.

- Pardon, je n’ai pas fait exprès.

- C’est trop tard pour les pardons. Vous espéreriez la mort de madame Parker pour que Clark Brown, pardon Clark Parker prenne la place du chef de famille n’est ce pas ?


Toutes les têtes se tournaient vers Clark.


- J’ai tout de suite sut que vous étiez un Parker jeune homme. Tout d’abord, vos mains. Je me suis dit que ça n’était pas normal. Un jardinier avec des ongles comme les vôtres, ça n’existe pas. Les aléas de ce métier sont pleins d’accidents, coup de sécateur, de scie, égratignure avec les rosiers, la patine de la terre et du bois, vous non…J’ai trouvé cela étrange. De plus, votre éducation est évidement très différente de celle de ceux qui sont sensés être vos frères…. Et votre mensonge, je l’entends encore « Je ne voudrai pas perdre mon emploi pour une curiosité… » Voila une phrase de maitre et typiquement celle d’un nouveau venu dans une maison. Si vous aviez réellement vécu et travaillé pour le château, vous, issu de cinq générations de travailleur, pensez vous vraiment qu’on vous en ait voulu de jeter un coup d’œil dans un château aux pièces inoccupées ? En observant la glycine, je vis qu’il y avait des parties indécelables, comme sur toutes plantes grimpantes. Cependant, elles étaient taillées, ce travail ne pouvait être fait que depuis la fenêtre, depuis l’intérieur de la demeure. Vous m’avez fait croire, pardon, vous avez voulu me faire croire que vous n’aviez rien en commun avec le château, rien du tout, mais votre mensonge était trop gros, apprenez par exemple que les hommes de la famille Brown disent m’sieur et non monsieur. Que vous dire de plus, Ah ! Il n’y a pas de jardin au château, pas de potager. Si vous étiez vraiment jardinier, vous l’auriez sut non ? Évidement, vous ne le saviez pas, quand on vit et travaille à Londres, on ne peut pas savoir ces choses là. Depuis combien de temps êtes vous revenu ? quatre jours je crois non ?

- Oui c’est ce la, quatre jours.

- Et pour quelle raison ?

- Monsieur je ne peux…

- Ne vous donnez pas le temps d’inventer encore un mensonge ! La vérité, c’est que vous ne savez pas, mais moi je sais ! Et je vous le dirais plus tard.

- Comment avez-vous sut ? demanda monsieur Brown.

- Humphrey. Voila le jardinier ! Celui qui grimpe aux arbres. Il parait bien logique qu’il grimpa aussi sur la façade, quelques fois sans harnais ce qui lui valut quelques reproches sévères de la part de Dorothy Lewis-Parker qui souffrait d’angoisse et n’aurait pas supporté un accident. C’est sans aucun doute lui que Dorothy Lewis-Parker surnommait « le petit singe » qui était le plus habile pour escalader, c’est bien sur Humphrey qui fait les travaux dangereux et périlleux, cela me parait évidement. N’est ce pas Humphrey, c’est bien vous qui faisiez ces travaux ? Et cette façon de ne pas nommer Clark me parait une évidence. Cet homme n’est pas de vos intime je me trompe ?


Humphrey regardait le tapis, indifférent.

- Miaou, déclara t’il.


- Merci Humphrey. Voici maintenant venu le tour de Henry dont j’approfondirais le cas plus tard. C’est lui qui me confirma le fait que les jardiniers entraient parfois au château, d’autres fois avec les bottes crottées.

Henry rougissait.

- Et voila que madame Brown et son mari et ses deux fils, attaches tous quatre au château, m’ont dissimulé l’existence de Clark Parker. Un jeune homme dont l’existence fut masqué à tous et à lui-même. Le couple d’employés auraient très bien put fomenter l’assassinat de madame Lewis-Parker pour que le flambeau passe, si je puis m’exprimer ainsi, et du même coup, ils travaillaient à redorer le blason des Parker en assurant la continuité tranquille pour eux et leur famille, ils continuaient d’être garants de la respectabilité de leurs employeurs. Voila le couple qui aurait eut le plus de facilité à fomenter un meurtre en se débarrassant de madame Parker de d’Élisabeth Brington du même coup, la chose aurait été bien menée.

- Je jure sur le blason des Parker que je n’ai pas tuée madame Lewis monsieur dit la cuisinière.

- Moi non plus, dit le jardinier.

- Permettez, je n’ai pas fini. Nous allons aborder maintenant le troisième volet de ce triptyque. L’argent. Oh le vilain mot ! Voici jeté en six lettres l’horrible terme qui fait naitre en l’humain les pulsions les plus malsaines, les désirs les plus vils, les intentions les plus condamnables. L’argent, fer de lance des armées du mal, charbon rougissant de la locomotive à vapeur de l’enfer. Car il s’agit bien ici d’argent. Quel dommage… C’est bien là le support papier sur lequel s’inscrit cette mauvaise histoire. L’argent et ce qu’il faut pour en faire.


Navay s’approchait de la table. Il tirait la nappe et on découvrait toutes sortes d’objets. Les quatre dames sursautaient, Amanda Wilington aussi. Nous avions ici des livres anciens, des bronzes, quelques antiquités et des bijoux.


- Voici ce que Dorothy Lewis-Parker récoltait contre ses séances de mysticisme, ou de mystification… Voici comme Dorothy Lewis-Parker abusait de vous tous pour obtenir ces objets qu’elle vendait à Londres, parce qu’il lui fallait de l’argent.

- Elle possédait le château et les revenus ! dit madame Brown.

- Erreur madame, Dorothy Lewis-Parker ne possédait rien du tout, à peine une faible rente qui s’évaporait dans l’entretien du domaine, vos charges et celles du château. Dorothy Lewis-Parker s’est sacrifiée pour vous tous voila la vérité.

- Mais qui est le propriétaire ?

- La…propriétaire.

- La ? Une femme ? Mais qui ça ?

- Madame Élisabeth Brington que voici !


Un panier s’ouvrit et Élisabeth Brington en sortit.


- Arrêtez là ! Cria Borger. C’est l’assassin !

- Non inspecteur, cher ami, asseyez vous je vous prie, je n’ai pas fini.

- Tout le monde regardait Élisabeth Brington comme une tigresse affamée lâchée dans une pouponnière.

- Assoyez-vous donc madame Brington dit Navay en lui proposant un fauteuil.

- Elle s’assied un peut en retrait.

- Maintenait, je vais remonter dans le temps et vous raconter l’histoire secrète du Colonel Roddy Parker.


Les quatre dames s’avancèrent un peu.

Si elles avaient put, elles auraient bien pris des notes…


- Comme vous le savez tous, Roddy Parker est né dans ce château, le château des Parker depuis toujours, il y a bientôt huit décennies. Il y passa toute son enfance entouré d’une mère brisée par les infidélités de son mari car elle savait que Carole Greta-Walking était la fille de son mari volage. Charles Parker était un homme lunatique et violent au point de se battre en duel jusqu'à donner la mort à son conçurent de lit. Roddy Parker ne pense qu’à une chose, quitter le château. Roddy Parker est l’héritier de la famille, cependant, il doit attendre sa majorité pour bénéficier de son bien. Follement amoureux de Carole Greta-Walking, il se heurte au refus de sa mère. Il ne peut rester au village. A l’occasion de son service militaire, il part de Lingburg et ne reviendra pas habiter à l’année au château car il refuse de vivre près de son amour perdu.

C’est un homme au cœur brisé et aux sentiments incertains qui n’aura jamais d’amour véritable.

Sa vie se résume à des nuits passées au cabaret, des soirées libertines, des voyages et des filles faciles.

Il a vingt quatre ans et sort tout juste de sa vie de caserne quand au cabaret « Les trois petits pigs » il fait la connaissance de Denise Lemoulin, artiste française en tournée. Ils passent la nuit ensemble et, au lever, ils filent à la caserne puis sur un bateau à quai se faire marier par un capitaine de navire ami de Roddy. Il est prévu que suite à sa formation d’officier, il soit envoyé quelques temps dans les colonies.

Roddy Parker à trouvé en mademoiselle Lemoulin une raison à sa vie et il décide pour son confort autant que pour celui de sa nouvelle femme, que celle-ci l’attendra au château familial dont il est le propriétaire légal depuis la mort de son père et ou vit sa mère qui en a la jouissance. Voyant arriver cette jeune fille pomponnée qu’elle considère comme une intruse et une suceuse de dot, le sang de madame Parker mère ne fait qu’un tour et, comme un coucou, elle considère sa place dans le nid de son fils comme unique. Dans un élan de rage, elle propose un tour dans le parc à mademoiselle Lemoulin de venue madame Parker. Au bord du puits, peut être joue t’elle la scène du vœu ou je ne sais quoi, toujours est il que la jeune femme se penche et que madame mère la pousse. Madame Parker née Lemoulin git au fond du puits, fin de l’acte. Ça vous l’avez vu madame Brown n’est ce pas ?

- Oui, c’est vrai, je l’ai vu.

- Et madame Greta-Walking ?

- Oui, je l’ai vu aussi.

- Madame Lemoulin-Parker avait vingt et un an au moment du drame. Roddy Parker revient à Lingburg enterrer sa femme. Tout le monde est en joie de le voir revenir. On procède à la mise en crypte familiale du cercueil et le puits est bouché d’autorité. Madame Parker mère fera tout son possible pour garder son fils près d’elle mais ce dernier a contre sa mère, plus que des soupçons…


Les quatre dames essuient une larme et murmurent les mots : « vrai, triste, malheur »


- Effondré et psychologiquement détruit, Roddy Parker fuit Lingburg et ne reviendra pas il prend une demeure à Londres et sa vie loin de son domaine. Ici commence l’histoire de la vie secrète de Roddy Parker. Tout le monde croit que Roddy Parker est aux colonies. C’est faux ! il ne fera que de brefs séjours. Il sera effectivement présent aux colonies, mais seulement les vingt deux dernières années de sa vie ce qui n’est pas si mal tout de même vous en conviendrez. Militaire quasi retraité, il est conseilles puis diplomate en missions et enfin ambassadeur de la couronne. Sept ans en Afrique du sud, gouverneur du Pendjab pendant sept ans, sept ans en Asie jaune et un an en Jamaïque. Entre temps, il vit à Londres ou il écume les cabarets. A quarante sept ans, il épouse Élisabeth Brington.

- Oh, dit madame Brown, vous…vous…

- Bref, en une nuit d’ivresse, il se fait conduire chez un ami de la famille, un religieux avide d’or. Veuf, il peut légalement se marier, seulement, voila le hic. Ivre mort, il déclare son identité comme Robert Parker et ne légalisera pas son mariage de façon administrative. Cependant Élisabeth Brington et Roddy Parker vivent près d’un an à Londres. Ils seront séparés par les trompes de la guerre. Répondant au rassemblement des forces, Roddy Parker profite de l’occasion pour se séparer de sa « fausse femme » car il aime trop les femmes pour n’en n’avoir qu’une. Une impulsion alcoolique l’a poussé à un acte que déjà il regrette. Ne pouvant répudier Élisabeth officiellement, il l’envoie au château sous couvert d’un emploi. Il lui est difficile d’agir autrement. Tout le Londres de la nuit connaissant l’aventure de Roddy et d’Élisabeth, celle-ci n’a plus sa place avec les autres. Parker lui garanti emploi, confort et sécurité. Résignée, Élisabeth Brington fait ses valises et part habiter comme travailleuse au château. Le commandant Parker part faire la guerre, il reviendra colonel après les faits d’armes que nous savons tous. Au retour de la guerre, Roddy Parker rencontre une demoiselle Finingham qu’il épouse, toujours sans légaliser son acte, sous le nom de Roger Parker, il contracte peu de temps après un autre mariage sous le nom de bob Parker, un autre encore sous le nom de Bobby Parker et encore un la même année sous le nom de Stanislas Parker. C’est à ce moment que les choses commencent à se compliquer pour lui. Il reçoit une lettre d’un maitre chanteur qui a révélé le pot aux roses. Si Roddy Parker ne veut pas perdre ses honneurs et les avantages de sa carrière, il doit verser à son corbeau des sommes, au début ridicules puis de plus en plus fortes, une sorte de rente mensuelle en quelque sorte. Un jour, Roddy Parker se rebelle et c’est la pauvre demoiselle Finingham qui va subir le courroux du maitre chanteur. On la retrouve étranglée par une corde de piano dont on a fait un garrot. Le maitre chanteur reprend son œuvre maléfique et Roddy Parker n’a pas d’autre choix que de payer, les preuves du crime sont contre lui. Quelques années plus tard, Roddy Parker se rebelle à nouveau et c’est mademoiselle Baring qui est retrouvée tuée par le même procède, rapide et silencieux. La mort tourne autour du Colonel Parker, cependant son vice est en lui et il ne peut s’empêcher de virevolter avec des maitresses toujours plus jeunes, comme un papillon vole de fleurs en fleurs de colza. A cinquante cinq ans, il épouse Dorothy Lewis une jolie danseuse qui se fait appeler Wilys Dothero. Celle-ci a malheureusement pour elle la tête sur les épaules et les pieds bien sur terre, elle entraine Roddy Parker chez le notaire.

Ils sont mariés pour de vrai et dans les règles de l’art. Wilys Dothero est danseuse car elle souhaiterait être actrice ou metteur en scène. Elle se passionne pour l’écriture et porte toujours sur elle un petit calepin ou elle note ses idées, réflexions, événements de la vie et croquis.

Ce calepin, le voici.


Navay présente un petit carnet noir relié en cuir d’un format réduit.


- Bien sûr, reprend il, il n’y en a pas qu’un mais quarante trois ! Quarante trois petits livres mémoires qui racontent tout, recettes et dépenses, événements au quotidien. Où les ai-je trouvés vous demandez vous ?

- Oui ne effet, dit Borger, où avez-vous trouvé cela ?

- Chez mademoiselle Noémi Ulldesein ! ou si vous préférez, Mademoiselle Lemoulin voyez vous ?

- Lemoulin ? la morte ?

- Non madame Greta-Walking, Lemoulin la rescapée que voici !

Une des malles s’ouvrait et une femme âgée de presque quatre vingt ans en sortait un peu courbaturée par le voyage et l’attente, mais en vie à la surprise générale.

- Natty ! cria Clark en faisant le geste de se lever.

Navay l’arrêta d’un mouvement sec.

- Voici mademoiselle Lemoulin, dite Noémi, la Noémi. Noémi Ulldesein est votre nom d’artiste n’est ce pas ?

- Oui répondit la vieille dame.

- Mais comment cela peut il être possible ? demanda Madame Greta-Walking stupéfaite.

- Vous l’ignorez madame ?

- Oui, tout à fait, je l’ignore.

- Et bien voici la réponse. Madame Lemoulin, auriez vous la gentillesse de répéter à tout le monde ce que vous m’avez conté à Londres ?

- Oui monsieur Navay. Heu, voila, je… Je ne sais plus par où commencer…

- Bien je vais vous aider. Quel était votre spécialité dans le monde du spectacle ?

- J’étais contorsionniste, acrobate, danseuse entre autre, ensuite, bien plus tard, metteur en scène et chorégraphe.

- Ceci vous a donné une grande souplesse n’est ce pas ?

- Oui c’est pourquoi j’ai put survivre à ma chute, ce n’était pas le première de ma carrière. Malgré ma jambe et mon bras cassé, j’ai sut faire les gestes qu’il fallait tout de suite.

- Comment êtes vous sortie du puits ?

- Je n’en suis pas sortie par la bouche. Il m’a fallut un moment pour retrouver mes esprits et un état normal. Il a fallut que mes yeux s’habituent à l’obscurité et au bout d’un moment, je ne suis aperçue que je me trouvais dans un souterrain. Pas après pas, malgré mes membres cassés j’ai rampé jusqu'à l’épuisement. Je ne saurais dire combien de temps et puis je pense m’être évanouie.

- C’est moi qui vous ai trouvé, dit le fossoyeur.

- Vous ?

- Oui c’est moi.

- Merci monsieur, merci pour ma vie, le masque du temps ne me permet plus de reconnaitre vos traits, mais merci.

- C’est la moindre des choses madame. La vieille Parker était une…

- Nous comprenons bien ce que vous voulez nous dire, coupa Navay. Vous êtes donc le bon samaritain. J’y ai pensé mais je n’en étais pas sur, cependant, votre panier la dernière fois… Confirmez moi donc ce que vous faisiez en bas.

- Dans la mine ?

- Oui dans la mine.

- Des champignons de Paris monsieur Navay.

- J’en étais sur, c’est bien ce que j’ai vu dans votre panier !

- En effet monsieur.

- Hum, hum, vous allez aux champignons et vous trouvez une fleur c’est original.

- Mais vrai monsieur.

- Puis madame Lemoulin ?

- Puis on m’a soigné. Une brave femme.

- Ma femme madame, aujourd’hui décédée, malheureusement madame.

- Merci saint homme, je ne doute pas que votre brave femme doit avoir sa place au paradis avec les anges.

- Merci madame.

- Ensuite ?

- Ensuite ? Je me suis enfuie en me promettant de ne plus jamais revenir ici, c’est vous quoi m’avez fait rompre ma promesse monsieur Navay.

- Pour la bonne cause.

- Oui, la meilleure. Madame Lemoulin regardait Clark avec les yeux brillants.

- Ensuite madame ?

- Ensuite ? Je me suis enfuie à Londres ou je me suis rétablie. J’ai changé la couleur de mes cheveux, ma façon de m’habiller et mon maquillage. Quelques années plus tard, j’ai croisé Roddy qui trainait toujours aux mêmes endroits, nous nous sommes même frôlés, il ne m’a pas reconnu, cependant, j’ai lu le vide dans ses yeux, je ne pouvais me présenter à lui, j’avais peur, c’est idiot, mais c’est ainsi. Je me suis intéressé à sa vie discrètement. Pendant des années, j’ai vécu avec une autre identité. J’ai passé mon temps dans les cabarets à l’heure des répétitions. J’ai appris que Roddy avait contracté de nombreux mariages après moi. Un jour, je décidais de me présenter à lui. Il fut stupéfait. Nous eûmes une longue discussion ou je lui expliquais que tout ceci était du passé et que tout était fini entre nous sauf notre amitié, nous en restâmes là, il venait parfois me rendre visite en ami. Lorsqu’il m’apprit qu’il avait épousé Dorothy Lewis-Parker que je connaissais déjà comme danseuse au « trois petits pigs » ou j’étais metteur en scène, je ne pus m’empêcher, sachant qu’elle allait se rendre au château, de la prévenir des mauvaises intentions de la maisonnée et surtout de madame Parker mère. Je dois dire qu’a ce moment, j’ignorais qu’Élisabeth y tenait le poste de gouvernante. Ceci, je ne le sus que plus tard lorsque Dorothy me rendit sa première visite. Nous eûmes une longue discussion pour prévenir la mort de Dorothy.

- Vous vous liguâtes ?

- Oui, nous décidâmes à ce moment de faire équipe pour que, à trois, nous nous protégions mutuellement.

- Quelle histoire abracadabrantesque, je ne vois pas en quoi cela fait avancer l’affaire Ulysse, dit Borger, nous perdons notre temps, allons droit au but voulez vous ?

- Malheureusement cher ami, ceci est une histoire, on ne peut pas conter « De tout ceux qui, points de suspension, c’était moi le héro finalement » Ces trois petits points doivent être remplis, trois petits points ne remplaceront jamais quarante cinq mille trois cent quarante mots, vous comprenez ?

- Non. C’était moi le héro finalement ? Non, je ne comprends pas.

- Qu’importe, continuons. Madame Lemoulin, merci, vous pouvez vous reposer.

- Élisabeth, racontez nous comment est morte madame mère Parker.

- Oh…mon…oh…

- Écoutez-moi bien madame Brington, vous n’avez rien à craindre, rien d’accord ? Allons-y s’il vous plait.

- Oh mons…Oh, je non.

- Bien, alors je vais la raconter comme vous me l’avez conté, vous me reprenez si je me trompe d’accord ?

- Oui mons…Oh !

- Allons y. Madame mère Parker avait, semble t’il, prit gout à la chose meurtrière. Une vieille dame qui s’ennuyait abandonnée par son mari et son fils partis chacun dans une direction opposée. En quelques années, elle devint aigrie et mauvaise. Seule vous, Élisabeth, aviez droit à ses confidences et, du fait de son grand âge, elle radotait et parlait en dormant. Ainsi, sans s’en rendre compte, madame Parker mère vous a révélé son plan funeste : empoisonner sa bru avec les médecines qu’elle utilisait pour ses douleurs de l’âge, c'est-à-dire un dérivé de morphine. Madame Parker mère avait l’habitude de boire le thé à cinq heures avec sa bru. A ce moment, elle jouait à la perfection son rôle de vieille dame sénile. Vous, Élisabeth, aviez prévenue Dorothy des mauvaises intentions de la vieille dame, restait que vous ne pouviez prévoir quand. C’était à Dorothy Lewis-Parker de prendre garde et toutes ses précautions. Ainsi, à l’heure du thé, Dorothy Lewis-Parker faisait toujours bien attention d’inverser les tasses entre elle et madame mère. Un jour, madame mère Parker s’empoisonna d’elle-même. On mit le cercueil de la vieille dame dans le caveau familial. Chacun, y compris vous, docteur, supputant que l’arroseur fut arrosé, vous considérâtes que c’était dans l’ordre des choses car vous étiez complice de la « remise sur pieds » de madame Lemoulin je me trompe ?

- Non monsieur Navay, c’est vrai, j’étais encore jeune infirmier lorsque j’ai soigné madame Lemoulin-Parker et j’ai participé discrètement à son évacuation du front.

- Charitable attitude monsieur.

- C’était la moindre des choses.

- Pourquoi ne pas avoir déposé contre madame Parker mère ?

- Parce que tout ceci ne pouvait paraitre que pour un malheureux accident monsieur, ce n’est pas la première fois que quelqu’un tombe dans un puits monsieur Navay.

- C’est vrai.

- Madame Parker mère s’est suicidée ?

- Non madame Brown, elle s’est assassinée !

- Oh !

- Oh, comme vous dites madame.

- Mon dieu et moi qui ait crue que…

- Et non, une fois de plus, vous avez pensé plus loin que votre rosbif madame Brown… Continuons. A quarante sept ans, Roddy Parker à un fils, vous Clark. Malheureusement, cher ami, je suis au regret de vous informer que malgré mes recherches, je ne connais pas encore le nom de votre mère.

- C’est moi monsieur !

- Madame Wilington !

- Oui, c’est moi… Oh Clark, je suis si triste, si triste. Mais je ne pouvais pas. Roddy…Stan… m’a menacé, nous étions ivres de drogues et d’amour, nous avons… je suis désolée… Je voudrai mourir !

- Ex-pasteur Crunch, vous avez quelque chose à dire ?

- Mjeuwon…

- Et bien je vais le dire pour vous puisque vous m’y autorisez. Je suppose qu’Amanda Wilington vous a révélé son secret en confession et que vous l’avez menacé de tout révéler si elle ne vous cédait pas, il y a de cela plus de vingt ans n’est ce pas ?

- Jwnkrmng…

- Oui, c’est vrai, j’étais sous son emprise ! Je n’ai rien put faire ! Je n’avais pas le choix… Je…

- Je vous comprends mère, dit Clark


Madame Wilington tombait de son fauteuil et s’effondrait en larme terrassée par son chagrin. Son fils se levait pour la relever et la consoler. Madame Brown ouvrait des yeux gros comme des œufs de cane. De grosses larmes s’échappaient de ses yeux comme d’un tonneau percé.


- Voila pourquoi vous aimiez avoir le jeune Henry avec vous n’est ce pas madame Wilington, ainsi, vous pouviez avoir quelques nouvelles de votre fils à Londres à chaque retour des deux femmes du château, et ceci en toute discrétion…

- Oui, je l’avoue, ça n’était pas une bonne attitude, mais c’est mon enfant, mon seul enfant !

- Pourtant vous n’êtes pas d’ici madame Wilington, comment avez-vous put rencontrer Roddy Parker ? Vous n’êtes pas danseuse il me semble ?

- Non en effet, je suis étrangère au monde de la nuit, j’ai rencontré Stan à Londres à la clinique. Stan… Roddy Parker mais aussi Bob, Bobby, Robert ; Stanley, Stanislas était schizophrène, il souffrait de troubles graves de dédoublements de la personnalité. C’était un patient, Stan Parker était un homme si doux, si bon mais surtout si triste et malheureux… Je n’ai put résister à son charme et mon besoin de le réconforter, nous avons unis nos corps. A la suite de cela, j’ai reçu une lettre anonyme de menace m’obligeant à quitter Londres via de fausses accusations sur mes travaux. C’est Stan qui fit en sorte que j’achète la maison dans laquelle je suis, et il m’y abandonna. Lorsque Clark naquit, je reçus à nouveau des lettres de menace comme quoi je devais faire mourir l’enfant. Je prévins Stan qui organisa la disparition de Clark. L’enfant fut placé chez les gardiens et je fus autorisée à l’allaiter dans le sous terrain c’est monsieur Brown qui me portait l’enfant. Officiellement, l’enfant était mort et enterré, il a sa tombe, sans nom, dans le cimetière près de l’église. A l’âge de deux ans, Clark disparut pour l’inconnu, il me fallut plusieurs années pour savoir qu’il était à Londres, je n’ai jamais sut où.

- C’est vrai monsieur Brown ?

- Oui, c’est vrai. Monsieur Parker m’a embauché pour cela. A cette époque je n’étais pas marié. Mon travail consistait à travailler les jardins et m’occuper de l’enfant. Monsieur Parker m’a fait jurer de ne rien révéler mais puisqu’il est mort et que les masques tombent, alors je puis le dire, j’espère toutefois que monsieur ne m’en voudra pas.

- Je pense que non, monsieur Brown.

- Votre femme ne savait rien ?

- Non, comme je vous l’ai dit, nous n’étions pas encore mariés. A cette époque, personne ne connaissait l’existence de Clark et encore moins du sous terrain.

- Nous nous mariâmes deux ans plus tard, une fois que Clark fut envoyé à Londres.

- Saviez-vous à qui vous portiez l’enfant ?

- Non. Madame Wilington, puisqu’elle dit que c’est elle, ou l’autre personne si ce n’était pas elle était masquée. Je laissais l’enfant pendant une heure et je venais le rechercher. Un jour, Roddy Parker est venu la nuit chez moi, il a pris l’enfant et il est parti. Libéré de ma charge, j’ai épousé Rosemary et nous avons eut les enfants.

- Savez vous où était l’enfant ?

- Oui, je l’ai sut quelques années plus tard.

- Et où était-il ?

- Chez moi, dit Denise Lemoulin.

- Clark ?

- Oui, c’est vrai. Père… il m’est étrange de dire ce mot. Monsieur Parker venait souvent chez nous. Je dois dire que Natty a toujours été très bonne avec moi. J’imagine aujourd’hui quelle épreuve ce devait être pour toi Natty.

- Tu as toujours été un bon garçon Clark. Je t’aime comme une mère.

- Moi aussi je t’aime Natty. Me voila donc avec trois mères aujourd’hui. Une mère de sang, madame Wilington, une mère de terre, madame Brown, et une mère de cœur Natty…

- Oui, voila une situation bien curieuse…


Les quatre dames se lancèrent dans un piaillement ou se mêlaient des larmes d’émotion épongées par des mouchoirs brodés mais dont l’amidon s’était depuis longtemps échappé, trempé qu’il était.


- Continuons notre pièce avant que l’inspecteur Borger ne s’endorme.

- Oui, excellente idée Navay, continuez.

- Bien, ayant une succession assurée et retrouvant parfois sa vraie personnalité, Roddy Parker se rendit chez son notaire chez maitre Devongreen, prédécesseur de maitre Kington que voici.

- Moi-même dit l’homme en se levant d’un bon.

- Assoyez-vous mon ami.

- Dans l’intention de protéger «ses femmes » et son fils, Roddy Parker rédigeât un bien étrange testament. Il léguait en administration sa fortune à sa première fausse femme, Élisabeth Brington, la jouissance des biens à sa seconde vraie femme Dorothy Lewis-Parker et l’administration des revenus à sa première vraie femme, Denise Lemoulin, respectivement :

Gretta Besonhinbil, Wilys Dothero et Noémi Ulldesein, sans que celles-ci ne soient au courant.

Par la même, il a fait enregistrer le testament d’Élisabeth Brington et celui de Dorothy Lewis-Parker ainsi qu’un quatrième qui désigne Clark comme l’ultime héritier de la lignée Parker dès le jour de ses vingt et un an révolus les testaments de Dorothy et D’Élisabeth, contiennent également la clause d’administration jusqu’au vingt et un ans de Clark. Voila pourquoi Clark fut convoqué à Lingburg ces jours derniers sans se douter qu’Élisabeth et Dorothy allaient lui donner la clé du domaine.

- Je m’insurge Ulysse, ceci est impossible !

- Malheureusement si mon ami, souvenez vous de l’enquête que j’ai fait à votre étude. Parmi tous les documents, que vous avez « hérités » de votre prédécesseur et que j’avais fait garder au cas où, j’ai retrouvé les testaments que voici.

Navay les montraient.

- Ceux-ci, reprenait Navay, sont clairs, explicites et légaux, jugez par vous-même.

Le notaire regardait.

- Mais, dit le notaire, il y a d’autres actes qui sont venus par-dessus ceux là, ceux-ci sont donc caducs de fait.

- Des faux maitres !

- Des faux ! Damnation ! notre maison est donc toujours minée ?

- Oui malheureusement, oui. Souvenez-vous de l’affaire que vous m’aviez laissé traiter pour vous. Nous, pardons, je, pourquoi mêler d’autres à mon génie de déduction ? Rappelez-vous de l’affaire que j’ai traitée et de sa conclusion heureuse. Cependant je me rappelle bien vous avoir signalé que si le bateau était remis à flots, je ne garantissais pas que tous les rats avaient quitté le navire n’est ce pas ?

- Oui tout à fait.

- Et bien une fois de plus, j’avais raison et maintenant, je puis vous dire qui est le rat.

- Excellente nouvelle et qui est il ?

- Plutôt où est il ! Ouvrez la troisième malle maitre je vous prie.


Maitre Kingston se levait et ouvrait la troisième malle.


- Gregory black ? Mais, que faites vous ainsi ficelé ? Monsieur Navay ! Vous avez perdu la tête ? Gregory black, notre plus vieux clerc !

- C’est une séquestration arbitraire, vous n’avez pas le droit Navay !

- J’ai tous les droits Borger, la loi est avec moi !

- Au nom de la loi, Navay ! je vous ordonne de lâcher cet homme !

- Vous n’allez pas user de votre force contre moi Borger ?

- Inspecteur Borger !

- Non Borger, vous n’êtes plus inspecteur depuis deux ans ! Vous croyez que je ne sais rien, que je suis venu vous voir pour le plaisir ?

- Vous !


Borger sortait son pistolet et visait Navay.

Au même instant, Grunner s’élançait en un saut de demi de mêlée pour désarmer l’homme, ils tombaient tous deux sur le sol.

Grunner distribuait avec générosité uppercuts et droites, les deux roulaient au sol en une bagarre digne de chiens des rues.

Un coup de feu retentit et Grunner gisait, gravement blessé.

Borger se relevait et visait Navay.

A l’instant précis où il allait tirer, le lustre qui se trouvait juste au dessus de lui se décrocha dans le son d’un bris de vitre et s’écrasa sur lui, la balle tirée passa à quelques millimètres de la tête de Navay qui s’en sortit indemne avec une mèche de cheveux en moins.

Le médecin se leva en hâte pour s’occuper de Grunner.


Les quatre vieilles dames se levèrent à leur tour pour rouer de coups le corps inanimé de l’ex-inspecteur Borger.













Un point est tout.

Lewis-Parker est fichée,

Le Navay est filandreux.


- Debonneville, réveillez vous mon vieux !


Curieuse entrée au paradis… J’aurais préféré bienvenue, entrez nous vous attendions…

Navay me regardais.


- C’est Henry le tueur ! criais-je.

- Erreur mon ami, faites moi la promesse de ne jamais entrer dans la police Sébastien.

- Il m’a assommé !

- Vous n’avez pas de bosse cher ange. Il n’a pas de bosse n’est ce pas docteur ?

- Non, pas une, quelques égratignures de sa chute, pas plus.

- Alors… qui est l’assassin ?

- Borger.

- Quoi ? Votre ami Borger ?

- Non, Borger.

- Mais comment se fait-il ? Où suis-je ? Pourquoi ne suis-je pas mort ? Et Henry ?

- Ceci est limpide. D’abord, vous êtes au château dans une chambre d’invités de marque mon très cher ami et complice. Ensuite ? Voulez vous la suite aujourd’hui ou demain ? Préférez-vous dormir un peu pour réfléchir ?

- Non, ça va tout à fait, racontez moi que je puisse transmettre à Londres.

- Alors, voila. Quand je suis arrivé au château au début de cette histoire, je trouvais Élisabeth Brington effondrée et Borger dans un curieux état d’excitation. A voir son attitude, il semblait totalement se désintéresser des propos d’Élisabeth Brington. Dans la conversation qui suivit, il parla directement d’un crime mystérieux alors même que l’enquête ne faisait que commencer. Cela me surpris mais sans plus, toutefois, sachant que Borger n’étais plus policier mais qu’il jouait ici un jeu, j’étais intéressé. J’observais qu’Élisabeth Brington avait peur de lui. Lorsque je visitais l’appartement de la victime, j’observais beaucoup d’armes contre les murs, j’étais étonné de voir que celles-ci n’avaient pas été touchées, j’étais curieux et me fit la réflexion que madame Lewis-Parker n’en avait pas utilisé une pour se défendre contre son agresseur car celles-ci étaient toutes en place, cependant faciles a attendre. Puis je vis la grande araignée. Bien que n’étant pas un spécialiste des arthropodes et encore moins des arachnides qui comportent près de cent milles espèces différentes, je remarquais que cette araignée était une meta menardi, inventée par Latreille en 1804. Un animal facilement reconnaissable par sa taille et ses caractéristiques générales qui sont un céphalothorax brun rougeâtre et une bande médiane noire, un abdomen tacheté et des pattes épineuses et brun rougeâtres qui comportent des anneaux noirs. Il est assez facile de s’en souvenir. La meta menardi est une "araneae" de la famille des tétragnathidae du genre meta de l’espèce menardi. La meta menardi, est une araignée cavernicole, j’étais bien surpris de la rencontrer dans une chambre au second étage d’un château bien entretenu, comme c’était un animal a taille adulte, il était impossible qu’elle soit entrée par la fenêtre comme je l’affirmais pour tromper Borger mais du dessous, d’une grotte ou d’une caverne ou une grande cave par exemple. Il n’y a pas de cave sous l’appartement de madame Lewis-Parker puisqu’il y a une autre pièce. J’observais aussi la présence de deux mouches, ceci me faisait dire que le crime avait été perpétré de jour. Lorsque le légiste m’indiquait seize heures j’étais confirmé dans mes pensées, toutefois, j’avais encore un doute. Ensuite, nous entrions dans le salon de cartomancie de la victime. Là, je remarquais deux choses. La première, c’est que Dorothy Lewis-Parker préparait un tirage en croix, ce qui implique cinq cartes. La première à gauche donne la situation face à la question, la lune, la seconde à droite donne la situation face à la question, le soleil, la troisième en haut, symbole des forces qui recouvrent la question, le cavalier, et la quatrième, le fondement, ce qui est à la base de la question, la mort. Il manquait la cinquième carte, celle qui est au centre du tirage et qui donne, non pas un résultat, mais un axe de réponse, une indication synthétique, celle-ci n’y était pas ce que je trouvais curieux. Poser une question sans attendre la réponse me semble une bien étrange façon de tirer les cartes. J’en concluais que Dorothy Lewis-Parker avait été dérangée pendant son tarot. Madame Wilington nous assurait cependant que personne n’avait rendu visite à la morte. La présence d’un petit salon me laissait à penser que si Dorothy Lewis Parker avait reçu de la visite, elle aurait certainement tiré la cinquième carte avant de recevoir sa ou son visiteur, dans le pire des cas, elle aurait rangé son tirage, le reportant pour une autre fois, elle n’aurait évidement pas laissé les choses en l’état. La seconde chose qui me titilla, c’était les chandelles. Presque neuves. L’inspecteur Grunner. Tiens et lui comment va-t-il docteur ?

- Il est hors de danger monsieur, aucun organe n’est touché, il a bien gagné sa médaille.

- Sans aucun doute. Bien, l’inspecteur Grunner m’assurait qu’il les avait rallumé lui-même et non changées j’en concluais que :

1 - Soit madame Parker avait volontairement éteint ses chandelles pour mettre son salon au noir et accueillir sa ou son visiteur, en remettant son tirage à plus tard ce qui, comme je l’ai dit plus haut, me parait impossible.

2 – Madame Parker à reçu de la visite via une porte dérobée dont le courant d’air a soufflé les chandelles. Voyant l’issue s’ouvrir sans avertissement préalable, madame Lewis-Parker quitte ses cartes à la hâte, poussée par la peur.

En ceci, je déduisais immédiatement qu’Élisabeth Brington était innocente et que l’assassin était étranger à la maison mais la connaissant pour ses subtilités, sans aucun doute, une porte dissimulée. C’est une situation qui n’est pas rare dans les vieux châteaux. Je devinais même que Élisabeth Brington avait, non pas butté sur le corps de sa maitresse dont il ne dépassait qu’un petit morceau de pied, mais assommée par l’assassin surpris dans son méfait pendant, par exemple, qu’il cherchait des bijoux ou de l’argent dans l’appartement. Si c’était bien par un passage dérobé qu’était passé l’assassin, il devait certainement avoir laissé quelques traces. Je pris la loupe de l’inspecteur Grunner et observait au sol. Je vis quelques rares traces de salpêtre sur les tapis mais je ne vis pas une seule goutte de sang. Tant que j’étais à quatre pattes j’en profitais pour regarder les chaussures de Borger et j’y vis des traces de salpêtre. Je savais dès le début que Borger était l’assassin mais il me fallait des preuves et surtout, il me faillait un mobil. A l’occasion, j’attrapais une mouche afin de pouvoir l’analyser. Venait-elle du sous sol elle aussi ? J’eu la réponse à Londres, oui. Ensuite je me rendais chez mon hôte. Il faisait nuit et je ne pus me rendre compte de la grandeur du domaine. Je sentis cependant l’odeur de l’argent et du luxe ce qui me surpris pour un policier aussi vieux, bon, peut être, fameux, j’en doute. Selon moi, il vivait au dessus des moyens de sa condition. Borger m’appris que Dorothy Lewis-Parker n’avait pas d’argent avec elle. Le soir même ou Dorothy Lewis-Parker est morte, je fus surpris que Borger puisse me sortir des chiffres, le montant des sommes qu’elle était sensée disposer, sa vie, ses histoires… toutes sortes de détails qu’un policier est sensé avoir le lendemain du meurtre, pas le soir même, sauf si ce dernier s’occupe personnellement à cette personne et depuis longtemps. Puis j’ai perçu l’odeur putride de la mauvaise de la mauvaise foi, des choses méchantes, et j’ai bien entendu un conseil qui n’en était pas. Ne pas rencontrer Carole Greta-Walking. Dès le matin du lendemain, je me levais avant les aurores. Je pus admirer la belle maison de Borger et voir son armée de travailleurs se mettre en branle. J’en comptais au moins six. Borger vivait comme un prince. Dès le matin, je flânais en regardant le sol en y cherchant la trace que font les couloirs de mines, un léger affaissement, une ride au sol. Je les trouvais. Un couloir allait de la maison de madame Greta-Walking au château. Arrivé au château, je cherchais ou pouvait bien passer le couloir de mine. Je le trouvais presque vers la façade, ensuite, je le remontait pour me trouver dans un bon angle, juste là où se distribuent les couloirs. J’en remarquais un qui partait dans la direction de la maison de Borger. Voyant certainement que j’avais découvert ce qui est invisible, Carole Greta-Walking m’invitait à déjeuner car elle se savait innocente et pourtant, si intéressée par les histoires de la famille Parker, elle n’imaginait pas, une fois de plus, en être exclue. Au moins eut-elle le mérite d’être franche avec moi. Je dois dire que Borger s’était trompé une fois de plus. Carole Greta-Walking n’est pas méchante comme une française, les français sont biens plus méchants que cela. Je la quittais. Je savais qu’elle savait. Je dois revenir un peu en arrière. Durant ma promenade aurorale, je dois dire avoir aperçu quelque chose, un homme, Borger, et que faisait il selon vous ?

- Il enterrait le harnais et la corde !

- Et les chaussures ! oui Debonneville ! oui ! J’étais certain de gagner une demi-couronne. Ce fut pour moi l’occasion de rencontrer les gens du château car, certainement, il y avait anguille sous roche. Je voulais savoir quoi. Je rencontrais les enfants de la famille Brown. Je remarquais que Henry et Humphrey portent tous deux la lettre H. Je me demandais pourquoi Clark ne la portait pas lui aussi. Monsieur Brown se nomme Homer, en toute logique, ce procédé a permit à monsieur Brown de « marquer » ses enfants du H de son prénom. Physiquement et intellectuellement, les enfants Brown sont vraiment différents de Clark. Quand je le rencontrais, je fis directement la liaison avec les augustes personnages que j’avais put voir sur les tableaux de famille exposés dans le couloir qui mène à l’appartement de Dorothy Lewis-Parker. Brown Parker était un Parker, sans aucun doute. Dès ce moment, il était clair que je nageais en plein mensonge. De retour dans la chambre de la morte, je découvrais que tout avait été déplacé, rangé, nettoyé, ce qui est curieux pour la scène d’un crime non encore résolu. Borger avait peur, déjà… Lors de ma première visite, je remarquais une chose. Il n’y avait pas d’affaire de maquillage dans la chambre de la victime, cependant, Dorothy Lewis-Parker était maquillée, je trouvais même qu’elle était trop maquillée pour une châtelaine, j’avais put observer aussi des marques de poudre sur le sol autour de la victime. Elle avait été maquillée après sa mort ? Ce que l’on nommerait un crime maquillé ? Oui, ce sera le titre de votre livre, le crime maquillé, qu’est ce que vous en pensez ?

- On verra.

- C’est tout vu.

- Bon et puis ?

- Oui, et puis, pas de sang, trop peu. J’observais qu’Élisabeth Brington avait un comportement normal pour les choses de la vie mais un blocage en ce qui concerne le crime. J’en déduisais qu’elle savait qui était responsable de la chose mais qu’elle ne pouvait rien dire de peur de représailles, je remarquais son attitude vis-à-vis de la cuisinière. Il y avait un mensonge entre elles, quelque chose de secret. Quoi ? De plus il y avait un autre secret qui était partagé et un autre du coté de la cuisinière seulement. Clark sans doute, et quoi d’autre ? En discutant avec la cuisinière, j’appris que le colonel Parker était entouré de jeune femmes, toujours plus jeunes. Plus tard, je rencontrais Amanda Wilington. J’étais certain qu’elle m’attendait depuis longtemps en voyant les coupures de presse. Elle m’informa que Dorothy Lewis-Parker était poursuivie par le malheur. J’appris le commerce de la morte et les nombreux dons qu’elle avait reçu en échange de ses séances. Pourquoi ? Borger et Crunch devaient savoir que je me trouvais chez la botaniste car les deux sont apparus rapidement. Le premier pour, sans doute, empêcher Amanda Wilington de se libérer du secret de sa relation forcée avec le prêtre et Borger pour m’empêcher d’en savoir trop car lui, sans aucun doute maintenant, savais que Clark était le fil rouge de cette histoire. Borger semblait curieusement pressé de me montre un papier qui, dans tous les cas, ne se serait pas enflammé s’il m’avait attendu une heure. Je me souviens de sa déception lorsqu’il apprit que je connaissais maitre Kington. Quand j’appris que c’était Élisabeth Brington l’héritière de Roddy Parker, je restais stupéfait. J’aurais juré que ce fut Clark. Il y avait quelque chose que je n’avais pas saisit. Je reprenais à zéro. Il me fallait aller télégraphier pour qu’Alfred se charge de me collecter des informations sur tout ce beau monde. D’ici, il n’était pas possible de juger chacun qui, en fait, tenait un rôle, j’en étais convaincu, tous mentaient. Pourquoi ? C’est le hasard qui me fit mettre la main sur le courrier d’Élisabeth Brington qui avait écrit la lettre elle-même, certes, mais il y a de cela longtemps, et qui la gardait en réserve au cas où il arriverait quelque malheur. La lettre ne portait pas de date et était écrite de façon asexuée d’une écriture posée. Je ne doutais pas que ce fut le colonel Parker qui la lui fit écrire en son temps. Pourquoi ? Ah, Ah ! Et bien c’est très simple en fait. Le colonel Parker était victime d’un maitre chanteur !

Pour payer celui-ci en toute discrétion, il utilisait l’officine de maitre B. Calvensburg. Régulièrement, quelqu’un venait chercher une enveloppe bien garnie chez le discret courtier qui ne savait pour qui ou pour quoi il travaillait.

Or, Dorothy Lewis-Parker morte, il n’y avait plus de secret à payer pour qu’il reste dans l’ombre. Pourquoi ? Simple encore ! Dorothy Lewis-Parker morte, il n’y avait plus de Parker. Je supposais que Dorothy Lewis-Parker voyageait à Londres avec les objets que lui confiaient ses « clientes » et qu’elle les faisait vendre, remplissant comme cela l’enveloppe de l’inconnu qui passait tous les mois.

Je supposais que les malles de la défunte devaient être bien lourdes de bronzes et de livres, bijoux etc.… Ce qui, vous l’avouerez, est étonnant pour un voyage de cinq jours.

Je supposais qu’Élisabeth Brington était au courant de toute cette mécanique et que Borger, puisqu’il me paraissait l’assassin, voulait se débarrasser d’elle légalement devant témoin, c'est-à-dire moi, Ulysse Navay, le témoin le plus sur d’Europe, celui dont on ne met pas en doute la parole.

Nous sortions de l’auberge en pensant à ceci lorsque nous croisâmes Carole Greta-Walking qui me confirma « Il est sur son territoire…lequel de vous deux sortira avec les honneurs… » Certains qu’elle savait qu’il était le tueur, elle me le désignait. Peut être qu’âpres notre première discussion, elle eut des remords, j’étais certain qu’elle m’attendait à la porte de l’auberge et que tout ceci n’est pas un hasard…Aussi curieuse des affaires des Parker qu’elle l’est et ayant connaissance du souterrain, j’étais bien certain que Carole Greta-Walking était déjà venue coller son oreille à la paroi du salon de cartomancie de l’appartement de Dorothy, peut être même à t’elle vue le meurtrier dans le souterrain ?

Nous retournions à la poste pour que j’envoie en codé l’ordre à Alfred de me télégraphier mon cambriolage et mon retour immédiat, un autre pour qu’il aille chercher madame Lemoulin dont je reconstituai le nom en changeant les lettres de place, un autre pour qu’on envoie une ambulance de toute urgence au château et encore un autre pour prévenir maitre b. Calvensburg de ma venue imminente. Je l’ai déjà aidé dans des histoires de fausses argenteries et quelques autres mauvaises affaires, il me devait des services et le droit de rompre le sceau du secret.

Quand nous arrivâmes au château, je vis que Borger menaçait Élisabeth Brington. Quand je lui dis que je craignais pour sa vie, elle s’évanouissait. Cela me confirmait que Borger l’avait vraiment menacé. Il aurait put la tuer mais cela mettait ses plans en péril. Il valait mieux pour lui qu’il la fasse arrêter légalement. D’ailleurs, lors du repas, lorsqu’il m’annonça qu’il allait faire arrêter Élisabeth Brington, puis lorsque Grunner m’annonça que le fourgon cellulaire était repartit pour Londres, je fus tout à fait convaincu de la machination, Londres est tout de même à plus de trois cent kilomètres d’ici, comment imaginer que le fourgon soit parti la veille du crime pour venir chercher la meurtrière supposée ? C’était trop gros ! Il eut été plus facile de la transférer à Plymouth mais Borger n’avait pas de complice à Plymouth… J’imaginais qu’il aurait fait arrêter Élisabeth et l’aurait fait pendre rapidement, mieux encore, il l’aurait suicidé dans sa cellule, mais ça, nous ne le saurons pas et tant mieux…

En flânant au village, nous apprenons que de nombreuses dames fréquentaient Dorothy Lewis-Parker. En plus de vingt ans, elle aurait put remplir le château. Cependant, je ne trouvais pas de trace des objets dont madame Wilington m’avais parlé, des bronzes, des tableaux…, c’est donc qu’elle les vendait.

Puis nous retournions chez Borger et vous-même fîtes la réflexion que la maison était belle et bien meublée, le beau cheval nous regardait, et dans le garage, il y avait une automobile, ce qui n’est pas à la portée de tout le monde. Les employés travaillaient… Comment un policier peut il payer tout ces gens ? Me dis-je.

- Un héritage familial ?

- C’est ce que je me suis dit aussi, et c’était ce que nous avait annoncé Borger lorsqu’il a quitté Londres. Toutefois, je savais que son père était forgeron et sa mère institutrice, nous en avion parlé il y a longtemps et puis je n’y avais pas prêté garde, en ce temps, Borger était un policier, juste un admirateur de plus… Il y a quelques semaines, j’ai fait une petite enquête parce que je m’ennuyais et j’ai découvert que Borger n’avait jamais vécu a Lingburg, ses parents non plus, j’étais curieux de savoir comment Borger avait payé cette maison, c’est pourquoi je m’invitais chez lui.

Lors de mon dernier voyage à Londres, j’appris que cette maison appartenait au colonel Parker et qu’elle fut offerte à Borger via maitre B. Calvensburg. Voyez que mon voyage à Londres fut des plus fertiles.

Tout d’abord, je voulus savoir qui était cette Mary Cosby d’Australie. J’appris qu’il n’y en avait pas, mais qu’une autre Mary Cosby était Mary Borger épouse Cosby qui demeurait à Liverpool, la sœur de Borger.

En me donnant cette information, Borger croyait que j’allais le prendre au mot. Erreur fatale ! Navay ne croit que Navay.

Avant mon départ dans l’urgence, j’observais depuis chez madame Greta-Walking, les policiers venus au château et je cru reconnaitre vaguement la silhouette de Gregory Black que j’avais déjà vu lors de mon enquête à l’office de maitre Kington. J’arrivais à Londres avant lui grâce au train et j’appris au bureau que le clerc avait posé quatre jours. Il me restait à l’attendre. Pendant ce temps, je pouvais reconstituer le puzzle.

A la gare, l’employé me confirma la puce que j’avais à l’oreille. Roddy Parker, Stan Parker… et si lui aussi était malade ? Si, comme le préposé, il souffrait de dédoublement de la personnalité ? Imaginez-vous le scandale cher ami ! Roddy Parker, diplomate, importante pièce de l’échiquier diplomatique, du mécanisme étatique international, un malade mental ! Voici une belle aubaine pour un maitre chanteur non ? Dans le train où j'étais, dans un wagon de troisième classe, coincé entre un espagnol malodorant, un indien enturbanné, un nègre ramené de sa brousse, un chinois au regard sanguinaire, un sud américain bruyant et sale, je pensais au fossoyeur et à son panier de champignons blancs, je pensais aussi aux petites meta menardi qui s’amusaient au soleil. Les petites menardi, au contraire de leurs ainées, sont fortement attirées par la lumière, dès lors, j’étais convaincu que l’entrée du sous terrain se trouvait dans la petite chapelle du cimetière des pionniers, un endroit que personne n’irait profaner, le meilleur endroit pour entrer discrètement ou fuir, une fois de plus, ce furent les araignées qui me renseignaient… Je me disais aussi que le fossoyeur en savait bien plus qu’il ne voulait en dire « les pierres parlent… » Que disent elles ?, je n’en avais aucune idée. La réponse, c’est madame Lemoulin qui me la donna.

Voici ce qui se passa à Londres.

J’avais fait venir chez moi madame Lemoulin et Élisabeth Brington. Quand elles se virent, elles fondirent en larmes sur la mémoire de Dorothy, j’étais en bonne position pour les faire parler comme un confesseur. Plus tard, Maitre B. Calvensburg vint me visiter. Ensemble, tous quatre, nous éclairâmes les faits.

Dorothy et Élisabeth venaient à Londres pour porter à l’office des affaires à vendre. Chaque mois, un homme que je compris Borger depuis le début, puis Black depuis cinq ans environ, venaient prendre cinq cent livres correspondant à leurs appointements de maitres chanteurs.

Ce commerce existait depuis plus de trente ans.

Dorothy avait épuisé sa cagnotte. Elle n’avait pas payé depuis bientôt deux mois car les acheteurs de babioles avaient un peu levé la main de la bourse dernièrement. Elle subissait des menaces de plus en plus vives de la part de Borger, si bien qu’elle décida de vendre ses robes et ses tenues de prix, voila pourquoi celles-ci étaient disposées sur son lit.

Dorothy attendait une visite de Borger qui devait normalement entrer par la grande porte comme à son habitude, sauf que cette fois ci, il avait calculé que les biens de la châtelaine devait passer a l’héritier de Roddy Parker pour ses vingt et un an, Allez savoir comment il sut cela, sans doute grâce à son complice Black qui avait connaissance des testaments. Ainsi, il organisa la mort de Dorothy et la disparition d’Élisabeth Brington, pensant spolier Clark Parker de ses droits, juste avant que les actes ne sortent en pleine lumière.

Les trois femmes avaient fait un pacte, à la vie à la mort comme font les enfants, il est vrai que les femmes se comportent souvent comme des enfants. Élisabeth ne pouvait se risquer à se présenter dans l’appartement de Dorothy Lewis-Parker. Elle connaissait l’heure du rendez-vous et, ne voyant Borger venir, elle supposa qu’il était entré via le passage secret, c’est pourquoi elle se retint le plus longtemps possible d’entrer dans la chambre, il était trop risqué pour elle de se retrouver nez à nez avec le maitre chanteur.

Je parlais des héritages, visiblement, personne n’était au courant. Tout se réglait en sous main. Qui tenait le sous main ?

Black bien entendu, complice de Borger, tous deux anciens policiers de la brigade des mœurs.

Avant d’accéder aux postes de responsabilité qui étaient les siens, Roddy Parker a été comme il est coutume, sous le coup d’une enquête de bonne moralité. Évidement, comme il était immoral, c’était simple de le faire chanter sous le prétexte de ses fréquentations, nombreux mariages, enfant illégitime… J’en passe et des meilleures.

Parker était acculé, il ne pouvait que payer. De retour dans son château, fatigué de ses missions, il ripa dans l’escalier et se tua de forme tout à fait accidentelle.

Là, Borger sentit la fin de son négoce. Il accusa Dorothy Lewis-Parker de meurtre. Pour faire oublier l’histoire, il proposa à cette dernière un chantage. Il faut rappeler que Dorothy Lewis-Parker était psychologiquement très faible, accablée par le malheur et faible des drogues que lui donnait Amanda Wilington qui se vengeait contre elle d’être la femme de son amour avec lequel elle eut un enfant, sans oublier les persécutions sexuelles du pasteur Crunch…Elle ne trouva ni la force, ni le soutien des gens de la maison pour l’aider, ainsi, innocente mais terrorisée, elle paya.

- Le jour ou elle ne put plus payer, Borger la tua, ayant, au préalable, pris soin de changer le testament d’Élisabeth Brington au profit de Clark Parker pour celui de sa sœur…

- Mais l’accès du sous terrain était bouché, je l’ai vu moi-même…

- Borger usa sans doute de son autorité pour forcer le jeune Henry à l’aider à construire le mur qui se trouve derrière la paroi du salon de cartomancie en, cartaient, le terrorisant, et lui promettant un châtiment exemplaire s’il ne le faisait pas ce qu’il voulait de lui. Et voila une affaire rondement menée avec une intelligence meurtrière exceptionnelle. Sans attendre le Navay, les carottes étaient cuites et la soupe servie, seulement…

- Pardon, et moi, à quoi ai-je servi hier ?

- D’épouvantail !

- Quoi ?

- Oui, je ne pouvais pas me permettre la fantaisie de laisser Borger me suivre à Londres, il fallait que vous l’occupiez le temps de mon aller et retour. Ne le prenez pas mal… Mais à vous maintenant, racontez moi ce qui me manque, dites moi ce que vous avez vécu.

- Moi ? Et bien j’ai visité quelques personnes, fait de l’automobile et visité le sous terrain avec le jeune Henry qui m’a assommé.

- Non, il ne vous a pas assommé.

- Si.

- Non, vous avez eut une crise de claustrophobie. Ceci est dut à votre imagination, cette dernier à eut raison de vous mon cher, c’est le fossoyeur et le jeune Henry qui vous ont sorti du trou et installé chez las Brown, puis nous vous avons retrouvé allongé sur les graviers, inconscient.

- Oui, je me rappelle vaguement, j’étais dans le brouillard et ma tête me tournait je… Pardon mais pourquoi est ce que Borger à tranché la gorge de Dorothy Lewis-Parker ? Et qui est l’homme en noir ?

- Ah oui, j’oubliais. L’homme en noir n’existe sans doute que dans l’esprit d’une vieille femme qui guette le fantôme d’un passé chargé de remords, et quant a Dorothy Lewis-Parker, c’est parce qu’elle à été mise à mort par strangulation avec une corde à piano. Le rasoir à servit à masquer la trace de la corde sinon il aurait été trop facile de faire le lien avec les autres meurtres des autres femmes du colonel. Ceci, je le remarquais en observant le corps la première fois. Un égorgement n’aurait pas suivi le même axe, cependant, pour un œil moyen, comme celui de l’inspecteur Grunner, cela n’éveilla rien, mais pour moi… Pensez donc…

Racontez-moi un peu la suite de votre rêve éveillé.

- Oui, oui… Donc, je me levais, j’avais l’esprit embrumé et les jambes flageolantes. Il me fallait une canne ou un support pour marcher. J’avisais un vieux fusil décoratif posé sur un présentoir et qui me fit penser à une canne anglaise. Je le pris pour marcher, je me rappelle voir le château au loin, vaporeux, gondolant, je décidais de m’en approcher. Malheureusement, je glissais sur les graviers et l’arme antique m’échappait. Je crois bien qu’elle était chargée car j’entendis un son fort et je m’évanouissais à nouveau.

- Oui, l’arme était bien chargée Debonneville, elle est venue s’encastrer par miracle dans l’attache du grand lustre du salon de réception, faisant que le luminaire s’écrase sur Borger qui me visait, me sauvant la vie par la même.

Merci cher Sébastien Debonneville, mon cher ami à qui je dois une vie désormais. Grace à vous, l’affaire se termine bien. J’ai résolu le crime une fois de plus, et je suis victorieux, comme à mon habitude…

- Grace à moi donc…

- Oui, peut être, un peu, si peu…

J’étais aux anges.

Oui Navay avait résolu l’énigme, mais il était vivant grâce à moi.


C’était moi le héro finalement.



Fin


Version manuscrite

Le 01/01/2011 à Vittoria (Pays Basque)

Version dactylographiée

Le 26/10/2011 à Vittoria (Espagne)

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